Trois ans après l’interdiction des calèches à Montréal, des citoyens s’inquiètent des conditions de vie de trois chevaux qui sont toujours gardés dans une écurie du quartier Griffintown, à côté d’un terrain de stationnement et d’un chantier de construction.

Prince, King et Jesse ont travaillé pour tirer des touristes dans des calèches pendant des années, dans le Vieux-Montréal.

Mais ils n’ont plus le droit de circuler à Montréal depuis le 31 décembre 2019, à la suite d’une décision du conseil municipal. Des résidants du secteur se demandent donc pourquoi ils demeurent en pleine ville, où l’espace pour faire de l’exercice se limite à un terrain de gravier.

Les chevaux appartiennent à Luc Desparois, propriétaire des Calèches Lucky Luc. Des citoyens se désolent de rarement voir les chevaux à l’extérieur de leurs stalles.

« Ils vont parfois sortir le dimanche, d’après ce qu’on peut voir. Mais la plupart du temps, ils restent dans leur enclos », se désole Juan Enrique Hinojosa, qui vit non loin de la rue des Bassins, où l’écurie est située.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Juan Enrique Hinojosa habite non loin de l’écurie et défend la cause des animaux.

M. Hinojosa fait partie du groupe végane Une voix pour eux, qui défend la cause des animaux. Le groupe a déjà fait des évènements dans le passé pour dénoncer les conditions de vie des chevaux de Luc Desparois, dans une écurie qu’ils estiment insalubre. Des plaintes ont aussi été faites au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).

Le groupe a même sollicité des dons afin de pouvoir acheter les chevaux, pour les envoyer dans des refuges pour animaux à la campagne, mais M. Desparois aurait refusé. Deux refuges, un à Vaudreuil et l’autre à Alexandria, en Ontario, ont déjà reçu des chevaux de calèche à la retraite et seraient prêts à accueillir les trois bêtes de Griffintown.

« On veut juste que les chevaux aient une bonne retraite, » explique une autre militante, Jessie Nadeau.

Déjà sanctionné

Une autre citoyenne sans lien avec le groupe, l’artiste engagée KAT, a aussi fait des plaintes au MAPAQ, mais déplore n’avoir reçu aucune réponse. Selon elle, les conditions dans lesquelles les chevaux sont gardés constituent de la « maltraitance ».

Des étables délabrées en tôle, un peu de foin dans la neige, des sabots non entretenus, un terrain qui donne l’impression de servir de décharge…

KAT, artiste engagée, après une visite des lieux

Bien qu’il souligne ne pas pouvoir commenter de dossier en particulier, le relationniste du MAPAQ Yohan Dallaire Boily affirme que des agents se sont rendus sur place. « Nous pouvons confirmer que le dossier est connu de notre service d’inspection et que des interventions en vertu de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal ont eu lieu au cours des derniers mois », écrit-il dans une réponse envoyée par courriel.

Lors de ces inspections, un rapport est remis au propriétaire de l’animal au sujet, entre autres, de l’aménagement des installations, de la présence d’eau et de nourriture, de l’état des animaux ainsi que des soins qui leur sont prodigués, détaille M. Dallaire Boily.

Si des problèmes sont décelés, les inspecteurs peuvent demander des correctifs, remettre un avis de non-conformité, déposer un rapport d’infraction au ministère de la Justice si la situation n’est pas corrigée et éventuellement saisir les animaux.

Luc Desparois a déjà été sanctionné en raison de mauvais traitements faits à ses chevaux.

En avril 2016, un rapport du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation a constaté l’insalubrité de l’écurie de M. Desparois et lui a imposé une amende de 600 $. Selon le rapport, les chevaux étaient forcés de se coucher dans leur crottin.

Le caléchier a aussi écopé d’une amende de 750 $ pour avoir laissé circuler ses chevaux alors que la température était trop élevée, en juillet 2018. De plus, c’est un cheval lui appartenant qui est mort en pleine rue, en novembre 2018.

« En parfaite santé »

Luc Desparois a poursuivi la Ville pour faire invalider le règlement interdisant les calèches, mais a perdu en Cour supérieure, puis en Cour d’appel en novembre dernier.

Au cours d’une brève conversation téléphonique, vendredi dernier, M. Desparois a assuré que ses chevaux étaient « en parfaite santé » et que les plaintes émanaient de « tarlas » qui tentent de lui nuire.

  • Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

  • Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

  • Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

    PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

    Écurie de Griffintown où sont gardés les trois chevaux.

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« On sait comment prendre soin de nos animaux, a-t-il dit. On travaille toujours avec eux, ils sont très heureux de faire de l’exercice, on fait des garderies et toutes sortes d’endroits, sur la Rive-Sud, sur la Rive-Nord, à Montréal. »

Il soutient qu’« il n’y a que la moitié de la ville où on n’a pas le droit de circuler », même si le règlement municipal précise qu’« il est interdit d’exercer le commerce de transport de personnes au moyen d’une calèche, d’un traîneau ou d’une carriole sur le domaine public », sur tout le territoire de Montréal, ce qui a été confirmé par le cabinet de la mairesse Valérie Plante.

Le terrain où se trouve l’écurie de Luc Desparois appartient depuis 2020 à une société d’investissement à laquelle participent l’entreprise Omnia Technologies ainsi que la société Claridge, de la famille Bronfman. Le caléchier y est locataire.

L’année dernière, les investisseurs ont soumis un projet de tour de condos de 20 étages à l’arrondissement du Sud-Ouest. Mais il nécessitait une dérogation au règlement de zonage pour une construction de 60 mètres de hauteur, plutôt que les 25 mètres réglementaires, et a été rejeté à la suite d’une consultation publique.

Une nouvelle demande est à l’étude pour un projet résidentiel respectant la hauteur prévue de 25 mètres, indique une porte-parole de l’arrondissement, Anyck Paradis, ce qui entraînerait la démolition de l’écurie.