Les cônes sont partout, mais on ne connaît pas véritablement leur nombre. Le ministère des Transports (MTQ) et la Ville de Montréal ignorent jusqu’ici combien de cylindres orangés se trouvent dans les rues de la métropole, la majorité relevant des entrepreneurs privés embauchés pour réaliser les chantiers. Pour plusieurs, la situation illustre que les autorités n’utilisent pas toutes les technologies à leur disposition.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) dévoilait récemment une étude mettant en lumière la surabondance des cônes au centre-ville. Malgré les nombreuses données compilées par les auteurs, une question restait en suspens : combien y en a-t-il ?

« Les entrepreneurs peuvent mettre les cônes en place eux-mêmes ou faire affaire avec un sous-traitant, mais dans tous les cas, Montréal n’est pas en mesure de préciser le nombre de cônes loués », répond le porte-parole de la Ville, Hugo Bourgouin, dans un courriel acheminé à La Presse.

Au gouvernement Legault, le son de cloche est relativement le même. « Le ministère des Transports (MTQ) ne connaît pas le nombre total utilisé ni le coût d’achat de cet équipement, qui est la propriété des entrepreneurs privés, ou de municipalités, et qui est généralement inclus dans des contrats de gestion de la circulation », avoue le porte-parole du MTQ, Louis-André Bertrand.

La CCMM constatait pourtant qu’en un an, 94 % des artères du centre-ville avaient été entravées à un moment ou à un autre. L’étude a aussi démontré qu’un quart de ces cônes seraient « inutiles », c’est-à-dire « abandonnés » ou « sans objet ».

Par exemple, au centre-ville, 57 % de la rue Peel est jalonnée de cônes, et on y retrouve de la signalisation orange sur 100 % du tracé. Rue Saint-Urbain, des entraves sont en place depuis neuf ans, démontre l’étude.

C’est qu’à Montréal, la « majorité » des cônes sont mis en place par les entrepreneurs généraux, qui obtiennent un contrat de travail de la Ville. « Le nombre de cônes utilisés dépend de l’envergure et de la complexité des chantiers », affirme M. Bourgouin, qui rappelle au passage que de nombreux autres donneurs d’ouvrage participent à l’attribution de contrats, dont le MTQ, la Commission des services électriques, la Société de transport de Montréal (STM), Hydro-Québec, Bell ou Énergir.

Une technologie à moderniser

Pour l’expert en planification des transports Pierre Barrieau, la situation illustre surtout que les technologies de surveillance des chantiers sont déficientes au Québec. « Aux États-Unis, dans certaines villes, chaque item de signalisation doit avoir un code-barre ou un dispositif RFID, qui permet de collecter des données à distance. Ça permet aux citoyens de savoir, en temps réel : à qui appartient ce cône, il sera là combien de temps, et à quoi il sert », explique-t-il.

Ça permet aussi aux inspecteurs des villes de dire rapidement si un équipement a le droit d’être sur la voie publique, et d’enlever ainsi les fameux cônes ou pancartes qui traînent pour rien. Quand le cône n’est pas déclaré, il est retiré, et l’entrepreneur reçoit une amende. C’est aussi simple que ça.

Pierre Barrieau, expert en planification des transports

De telles pratiques sont « simples à implanter », fait valoir le spécialiste, même s’il reconnaît qu’elles demanderaient des adaptations dans l’industrie.

« Certes, il y aurait des entrepreneurs mécontents ou préoccupés, surtout si on leur demande d’aller enregistrer leurs équipements sur une interface web, par exemple, comme ça se fait ailleurs. Mais en soi, c’est une mesure qui n’est pas complexe à implanter », dit M. Barrieau, qui estime qu’une telle mesure coûterait environ un million à la Ville.

Un sommet en vue

À la CCMM, le président Michel Leblanc abonde en ce sens. « Il y a des solutions et dans bien des cas, elles ont été mises en place ailleurs. Et là, il faut s’organiser pour combler ce retard. Ça passe par l’identification de cônes, par la responsabilisation des entreprises qui opèrent les chantiers. Il faut qu’on décide collectivement de changer les choses », affirme-t-il.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Pour lui, le Sommet sur les chantiers de la Ville, qui doit se tenir au printemps, sera une occasion en or. « Je m’attends à ce que la Ville arrive déjà avec beaucoup de solutions, et que ce soit l’occasion de susciter de l’adhésion à ces solutions-là. Tous les signaux qu’on reçoit de l’industrie sont positifs : les entreprises sont prêtes à revoir leurs façons de faire, mais encore faut-il que la technologie soit prête », insiste M. Leblanc.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, dit justement aspirer à « pouvoir changer la culture du cône orange en milieu urbain ». « Pour l’instant, c’est le MTQ qui régit la grosseur et la distance entre les cônes. Ce sont des ingénieurs, c’est comme ça que ça fonctionne. Mais que ce soit l’autoroute 40, la 132 ou en plein milieu du centre-ville, pour eux, c’est la même affaire », illustre-t-elle en entrevue.

À ses yeux, le Sommet sur les chantiers sera l’occasion de voir les choses autrement. « Dans plein d’autres villes, il y a des plus petits cônes, des façons différentes d’aménager le territoire », concède la mairesse. « Montréal est une ville qui a besoin d’être rénovée […], mais c’est vrai que ça peut être pénible. Les cônes peuvent dans certains cas contribuer à faire que la ville est moins attrayante », conclut-elle.

Lisez l’article « Cônes orange au centre-ville de Montréal : omniprésents… et souvent “inutiles” »
En savoir plus
  • 59 000 $
    Annuellement, Montréal achète environ de 3000 à 4000 cônes. « Au cours des 12 derniers mois, un peu moins de 59 000 $ de cônes ont été consommés alors que la moyenne annuelle est d’environ 60 000 $. Pour ce même type de cône, la Ville ne fait aucune location », détaille le porte-parole de la Ville de Montréal, Hugo Bourgouin.
    source : Ville de Montréal
    4000
    Le MTQ, lui, est propriétaire de plus de 4000 cônes. « Ces cônes sont utilisés partout au Québec pour les travaux effectués par les équipes du Ministère. Leur emplacement et leur nombre en utilisation varient constamment selon les besoins du moment partout sur le réseau au Québec. Il n’y a pas de chiffres disponibles pour chacune des régions », précise le porte-parole du MTQ, Louis-André Bertrand.
    source : ministère des Transports du Québec