Angle Saint-Laurent et De Maisonneuve. D’un côté, une élégante tour noire de 26 étages flambant neuve. De l’autre, un ancien garage placardé dont le stationnement est condamné depuis des lustres, en plein cœur de Montréal.

Le boulevard Saint-Laurent surfe sur une importante vague d’investissement immobilier depuis quelques années, créant un contraste de plus en plus frappant entre projets prestigieux et bâtiments désaffectés ou terrains carrément vacants.

Les observateurs de la Main sont partagés entre leur affection pour le caractère intrinsèquement bigarré de l’artère et leur ressentiment envers les spéculateurs immobiliers qui laissent leurs propriétés en jachère.

« Comme Saint-Laurent, c’est vraiment l’endroit de jonction de différentes réalités à Montréal, c’est normal que ce soit formé en patchwork », a expliqué Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme à la Ville de Montréal.

Toutefois, « on ne peut pas accepter un patchwork de [terrains] bâtis et non bâtis. Il faut favoriser le remplissage des dents creuses d’une façon ou d’une autre, que ce soit par des espaces verts ou par des constructions ».

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Robert Beaudry, responsable de l’immobilier à la Ville de Montréal

« Ce n’est pas une fatalité », a-t-il ajouté. Des spéculateurs qui attendent les bras croisés, « force est de constater qu’il y en a de moins en moins ».

M. Beaudry s’exprimait en entrevue avec La Presse dans un café du boulevard Saint-Laurent, tout près du boulevard De Maisonneuve.

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Terrain vague juste au nord du 2033, boulevard Saint-Laurent

Deux cents mètres au nord, un grand terrain vacant détonne dans le paysage. Son propriétaire, l’organisme Grande Mosquée – Montréal, n’a pas voulu révéler à La Presse ce qu’il entendait en faire. En face, des édifices commerciaux qui ne paient pas de mine – certains en vente – et un autre terrain vacant, en plein cœur de la ville. En remontant le boulevard, on aperçoit quelques terrains vacants ou servant de stationnement, mais aussi beaucoup d’immeubles désaffectés en mauvais état.

« Un endroit très stratégique »

En revanche, de nombreux projets émergent ces jours-ci.

L’une des pires verrues du boulevard, l’ancien bar Les Katacombes, coin Ontario, est sur le point de céder la place à une tour destinée aux étudiants. La Presse a obtenu les premiers rendus architecturaux du projet de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), qui pourrait atteindre 13 étages et abriter 168 logements, s’il est autorisé par la Ville.

IMAGE FOURNIE PAR BLOUIN TARDIF ARCHITECTES

Rendu architectural du projet de logement étudiant de l’UTILE, à l’angle du boulevard Saint-Laurent et de la rue Ontario

« C’est un endroit très stratégique pour réaliser du logement étudiant parce que la Main est un peu à cheval entre le Quartier latin et le Quartier des spectacles. Pour des raisons différentes, ce sont deux quartiers où la présence étudiante est importante », a expliqué Laurent Levesque, directeur général de l’UTILE en entrevue téléphonique. « C’est important que ça reste une rue spéciale à Montréal. C’est une rue qui a beaucoup d’histoire et c’est important que ça reste un quartier jeune et dynamique. »

D’autres projets sont déjà sortis de terre.

  • Tour Laurent & Clark, 1, boulevard De Maisonneuve Ouest, au coin du boulevard Saint-Laurent

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    Tour Laurent & Clark, 1, boulevard De Maisonneuve Ouest, au coin du boulevard Saint-Laurent

  • Façade externe du Montauk Sofa, 3553, boulevard Saint-Laurent

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    Façade externe du Montauk Sofa, 3553, boulevard Saint-Laurent

  • Façade du Montauk Sofa, 3553, boulevard Saint-Laurent

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    Façade du Montauk Sofa, 3553, boulevard Saint-Laurent

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Le Laurent & Clark, ensemble de deux tours au coin du boulevard De Maisonneuve, surplombe maintenant le Quartier des spectacles. Le magasin du manufacturier montréalais Montauk Sofa, entre les rues Sherbrooke et Prince-Arthur, a remporté des prix d’architecture. Juste à côté, un nouveau Musée de l’Holocauste remplacera bientôt une aire de stationnement. Un ensemble résidentiel est actuellement en construction sur le terrain de l’ancien tailleur de pierres tombales Berson & Fils. Et le ministère de l’Immigration s’est installé au Carré Saint-Laurent, édifice de huit étages au coin de la rue Sainte-Catherine inauguré en 2019.

Pression sur les terrains « inactifs »

Outre des terrains vacants, le boulevard Saint-Laurent compte de nombreux locaux commerciaux vides depuis des années, parfois en mauvais état.

Le taux d’inoccupation des locaux commerciaux du boulevard, entre la rue Sherbrooke et l’avenue Laurier, s’élève à 12 %, a indiqué Tasha Morizio, directrice générale de la société de développement commercial qui couvre ce tronçon.

Plus préoccupant, à son avis : un tiers de ces locaux vacants sont « inactifs », avec des propriétaires complètement absents ou qui ne veulent pas mettre leurs locaux en location. Ce sont des locaux « qui ne sont pas sur le marché ».

Le boulevard Saint-Laurent « a toujours été une artère de clashs », a-t-elle ajouté, précisant toutefois qu’elle préfère les contrastes de vocation, de communautés ou de types de bâtiments aux contrastes dans l’état des immeubles. « J’encourage toujours les propriétaires immobiliers à prendre soin de leur bâtiment. »

La Ville de Montréal se prépare d’ailleurs à sévir contre les propriétaires négligents.

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Bâtiment abandonné, au 2032, boulevard Saint-Laurent

« C’est une préoccupation : on le sait, quand c’est désaffecté, ça crée un sentiment d’insécurité, ça réduit l’animation sur rue, etc., note Robert Beaudry. Il faut plus de pression pour les développer. On s’en vient avec de la réglementation en début d’année, on travaille sur une réglementation sur les bâtiments laissés vacants pour avoir un peu plus de mordant, mettre plus de pression sur les propriétaires. »

Une version précédente de ce texte indiquait que le territoire de la société de développement commercial dirigée par Tasha Morizio s’étend de la rue Ontario à l’avenue du Mont-Royal. Son territoire correspond plutôt au tronçon qui va de la rue Sherboroke à l’avenue Laurier.