« Certains dirigeants » de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) sont, aux yeux de la mairesse Valérie Plante, « un peu durs dans les négociations » entourant le REM de l’Est, estime le premier ministre François Legault. Pour rassurer la société d’État, il précise qu’elle n’aura pas à mettre un sou de plus pour bonifier le projet estimé à 10 milliards de dollars, car ce sont le gouvernement et la Ville de Montréal qui le feront. Il promet « un beau projet ajusté ».

Pour la troisième journée de suite, l’opposition a talonné le gouvernement à l’Assemblée nationale au sujet du REM de l’Est, qui est la cible de critiques sévères de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et de la Société de transport de Montréal (STM) dans des documents révélés par La Presse cette semaine.

François Legault a ajusté son discours jeudi après avoir déclaré deux jours plus tôt : « La balle est dans le camp de Mme Plante de proposer un nouveau projet qui fait son affaire. » La mairesse déplore qu’elle soit ainsi « acculée au pied du mur », d’autant que la CDPQ lui a demandé de son côté d’appuyer le projet, à défaut de quoi elle l’abandonnera.

Au Salon bleu, François Legault a tenté d’apaiser les tensions, alimentées au cours des derniers jours par les sorties cinglantes de sa ministre déléguée aux Transports, Chantal Rouleau, contre l’ARTM et la STM. « On a d’excellents liens, la mairesse et moi », a-t-il affirmé à plusieurs reprises. Il a laissé entendre que Mme Plante n’avait plus, seule, la responsabilité de soumettre un nouveau projet.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, premier ministre du Québec

« C’est un beau projet, et la mairesse de Montréal appuie le projet. Et on s’est promis, il n’y a pas plus tard que deux jours, que le plus vite possible, tous les deux, avec bien sûr la ministre responsable de la métropole, on va faire une belle annonce d’un beau projet ajusté. » Il a plus tard précisé que cela se ferait « au cours des prochains mois », puisqu’il attend toujours le rapport du comité d’experts sur l’intégration urbaine du REM de l’Est.

« Ce que la mairesse trouve, c’est que certains dirigeants de la Caisse sont un peu durs dans les négociations. On a expliqué à la Caisse que le gouvernement et la Ville de Montréal sont prêts à investir pour bonifier le projet. Donc, on ne remet pas en question la rentabilité pour la Caisse du projet de 10 milliards. Ils n’avaient peut-être pas bien compris ça. Les remarques de la mairesse, c’était sur certains dirigeants de la Caisse, pas sur le gouvernement. »

Il a rappelé que la mairesse avait promis d’investir 500 millions pour aménager les abords du REM. « Le gouvernement est aussi prêt à faire des efforts. Je ne parle pas de la Caisse, je parle du gouvernement », a tenu à préciser M. Legault.

Son ministre des Transports, François Bonnardel, évoquait des « sommes importantes » mercredi. Valérie Plante chiffre à 1 milliard la facture totale des travaux d’aménagement.

Comité mixte

En marge d’un point de presse à Montréal, la mairesse s’est dite rassurée par les engagements financiers du gouvernement, mais elle a déploré une fois de plus que la Ville de Montréal ne jouisse d’aucun pouvoir dans le projet.

« Il faut qu’on soit autour de la table décisionnelle. Je ne parle pas de la couleur de la brique, je ne parle pas de quelle œuvre d’art on met où, je ne parle pas d’aménagement paysager. » Il s’agit d’avoir une voix sur le plan du tracé et l’intégration urbaine, a-t-elle affirmé.

Elle veut un comité mixte avec la Caisse et en fait une « condition gagnante » pour que le projet reçoive son appui. François Legault a tenu des propos ambigus sur le sujet, évoquant en Chambre un « comité pour redessiner le projet » sans dire s’il parlait ou non du comité d’experts auquel siège déjà la Ville.

Pour démontrer le bien-fondé de sa demande, Valérie Plante a révélé que son cabinet avait été informé la veille d’un changement de tracé « majeur » annoncé le mois dernier (un tronçon de 4,5 km déplacé de la rue Sherbrooke Est à l’avenue Souligny).

« C’est une preuve tangible qu’on n’est pas à la table décisionnelle, a-t-elle dit. Il faut que l’on soit autour de la table décisionnelle. Je sais que la CDPQ disait qu’on est sur six comités. Ce sont des comités consultatifs auxquels on participe avec grand intérêt et énergie. Mais moi, je parle d’un comité décisionnel. »

Le porte-parole de CDPQ Infra, Jean-Vincent Lacroix, a fait valoir que son organisation était déjà à l’écoute des demandes de Montréal.

« On a déjà plusieurs forums d’échange avec eux », a-t-il dit, mentionnant un comité stratégique commun et les sièges réservés à la Ville de Montréal au comité d’experts. « Il y a des lieux d’échange, il y a une écoute, il y a une volonté de bonifier le projet. On l’a dit et répété : le projet de REM de l’Est, il est perfectible. »

La CAQ s’obstine, dit Anglade

Selon la cheffe libérale, Dominique Anglade, le REM de l’Est est un projet fait « sur un coin de table, mal ficelé », qui augmenterait bien peu le nombre d’usagers des transports en commun. Elle demande au gouvernement de « refaire ses devoirs ».

« Plutôt que de rallier les différents acteurs par rapport à cet enjeu, la CAQ fait ce qu’elle sait faire de mieux, c’est-à-dire diviser. Elle a condamné le rapport qui a été [produit] par l’ARTM. Elle a discrédité la STM. Elle a fait des consultations dont les dés étaient pipés d’avance, on connaissait les résultats. Et le résultat des courses, les résidants dans l’Est de Montréal, ils ne se sentent pas écoutés ou entendus », a-t-elle soutenu.

François Legault croit plutôt que les résidants de ce secteur « vont se rappeler que [les libéraux] étaient contre ce projet extraordinaire du REM de l’Est » et qu’ils les ont « négligés pendant des années ».

« On revoit dans les dernières remarques la méthode caquiste : ils s’obstinent, ils n’écoutent pas, et quand le projet pète, ils sont en train de blâmer les autres », a lancé Dominique Anglade.