Plus de 5000 producteurs agricoles et consommateurs solidaires, venus des quatre coins de la province, se sont réunis au centre- ville de Montréal, dimanche, pour une marche en appui à l'agriculture locale, qu'ils estiment malmenée par les décisions gouvernementales.

Xavier Brassard, jeune propriétaire d'une entreprise de production laitière, maraîchère et acéricole, est arrivé dimanche matin de La Conception, dans les Laurentides, afin de manifester dans les rues de Montréal lors de cette marche organisée par l'Union des producteurs agricoles (UPA).

M. Brassard croit que ses affaires «ne vont jamais complètement arrêter», nous a-t-il dit, mais il perçoit avec crainte la menace qui pèse sans conteste sur le secteur agricole. La principale source d'inquiétude, selon lui : les concessions commerciales internationales, défavorables à la production locale.

«On valorise l'importation et on laisse mourir les petites fermes dans le fond des rangs», estime-t-il.

Les producteurs laitiers ont été particulièrement mis à mal, ces derniers temps, notamment par la signature de l'Accord États-Unis-Mexique-Canada, en vertu duquel des parts de marché (3,59%) ont été cédées aux Américains, laissant ainsi une place réduite aux denrées locales. Le système de gestion de l'offre avait déjà été fragilisé par l'entente avec l'Union européenne et par le Partenariat transpacifique.

«Les agriculteurs, les artisans de l'industrie agroalimentaire et les consommateurs du Québec en ont assez des concessions canadiennes dans les ententes commerciales», a affirmé Marcel Groleau, président de l'UPA.

«Ils demandent aussi le respect des normes canadiennes et québécoises pour les produits alimentaires importés», a-t-il ajouté.

Des normes supérieures

«L'agroalimentaire doit devenir une priorité de société», a signalé Vanessa Desrosiers, vice- présidente de l'Union étudiante du Québec, qui fait elle-même des études en agroéconomie.

Plusieurs milliers d'acteurs du secteur et de consommateurs partageant cet avis se sont rassemblés au parc La Fontaine en début d'après-midi dimanche, avant de cheminer vers la place des Festivals. Les participants arrivaient notamment du Bas-Saint-Laurent, de la Côte-Nord, de Chaudière-Appalaches, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Lanaudière, de l'Outaouais et de l'Estrie.

Des élus représentant tous les partis politiques à l'Assemblée nationale étaient également présents.

Des tracteurs menaient le cortège, suivis par des manifestants poussant des chariots d'épicerie et une dense foule scandant le slogan de la journée : «Garde-manger en danger».

Au-delà de la précarité du marché, la qualité des aliments qui se trouvent dans les assiettes des Québécois est aussi touchée par la provenance des aliments, ont rappelé dimanche les producteurs et leurs alliés.

«L'agroalimentaire est porteur économiquement, mais aussi important pour la qualité de vie de la population», estime Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), présent en appui à la cause des producteurs.

«Ici, on a des normes supplémentaires que plusieurs autres pays n'ont pas par rapport au bien-être animal ou à la salubrité, par exemple», a rappelé le producteur agricole Xavier Brassard.

Sauf que les produits importés coûteront moins cher la plupart du temps, représentant une option tentante pour l'acheteur, a-t-il admis. «Mais moins cher est souvent synonyme de moins bonne qualité.»

Un intérêt grandissant pour le local

«Il y a une tendance de plus en plus marquée : les gens veulent savoir d'où proviennent les produits qu'ils consomment», a fait remarquer durant la marche Hélèna Auger, qui travaille pour Les Éleveurs de porcs du Québec.

À ses côtés, Elizabeth Pruszynski, consommatrice avisée, a ajouté qu'il faut que l'effort citoyen persiste en ce sens, mais aussi qu'un changement soit établi sur le plan institutionnel pour que l'information sur l'origine des aliments soit toujours mise en évidence. Cela favoriserait ainsi un choix plus éclairé des citoyens lorsqu'ils se trouveront face aux étagères d'épicerie, croit-elle.

«Il faut de l'éducation populaire, a signifié Mme Pruszynski. Une plus grande communication sur les avantages d'acheter local, car les gens n'ont pas assez de connaissances [à ce propos].»

Un peu plus loin, la Montréalaise Catherine Lacroix a attiré l'attention sur la facilité de se procurer des paniers d'aliments locaux dans la métropole à longueur d'année, contrairement aux régions.

«Je viens du Bas-Saint-Laurent et certaines personnes sont sensibilisées à tout ça parce qu'elles connaissent les producteurs dans leur coin, mais monsieur et madame Tout-le-Monde n'ont pas forcément cet accès-là», a-t-elle indiqué.

Finalement, s'approvisionner localement a également de nombreux bienfaits environnementaux. L'organisme Équiterre, d'ailleurs présent à la marche, rappelle que cela permet de réduire le transport des aliments, mais aussi de limiter l'emballage des produits, notamment.

«C'est important que les gouvernements comprennent que la population veut des produits locaux et veut pouvoir bien s'approvisionner, a dit Catherine Lacroix. Et on est derrière les producteurs, on continuera de les soutenir.»