(Sydney) La Grande Barrière de corail, au nord-est de l’Australie, subit actuellement le pire épisode de blanchissement jamais observé, sous l’effet du réchauffement climatique, avec 73 % de ses récifs endommagés, a annoncé mercredi l’autorité qui la gère.

« L’impact cumulé subi par la barrière cet été a été plus élevé que les étés précédents », souligne dans un communiqué l’Autorité du parc marin de la Grande Barrière, qui dépend du gouvernement fédéral australien.

Annoncé en mars, ce nouvel épisode de blanchissement massif, dû à la hausse de la température de l’eau, est le cinquième en huit ans. Ce phénomène de dépérissement menace la survie des récifs de coraux des quatre coins du monde, dont la Grande Barrière, a aussi alerté l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) lundi.  

La Grande Barrière de corail, qui s’étend sur 2300 km le long de la côte de l’État du Queensland, est souvent considérée comme la plus grande structure vivante du monde. Elle abrite une biodiversité extrêmement riche, avec plus de 600 espèces de coraux et 1625 espèces de poissons.

Des observations aériennes ont démontré qu’environ 730 récifs sur les plus de 1000 observés ont blanchi, a indiqué l’Autorité du parc marin mercredi.

Ce phénomène est provoqué par une hausse de la température de l’eau qui entraîne l’expulsion des algues symbiotiques donnant au corail sa couleur vive. Si les hautes températures persistent, le corail devient blanc et meurt.

Un été « difficile »

Dans plusieurs régions du parc marin, « les coraux ont été exposés à des niveaux record de chaleur », souligne l’Autorité, qui relève que l’été austral 2023-2024 a été le deuxième plus chaud jamais observé dans la région.

« La Grande Barrière de Corail est un écosystème incroyable, et bien qu’elle ait montré sa résilience à maintes reprises, cet été a été particulièrement difficile », a déclaré Roger Beeden, le chef des scientifiques de l’Autorité du parc marin.

Un autre rapport gouvernemental indique que jusqu’à 46 % des récifs ont subi un stress thermique record, alors qu’en 2016, seuls 20 % des récifs avaient été exposés.

« Il s’agit de l’évènement le plus grave qu’ait connu le sud du récif », a déclaré à l’AFP Richard Leck, responsable des océans au WWF Australie, jugeant « effrayant » que le blanchiment soit « plus répandu » sur des zones jusqu’ici épargnées.  

« Mesures immédiates »

« Nous risquons de perdre pour toujours des écosystèmes irremplaçables si nous ne prenons pas des mesures immédiates pour réduire les émissions mondiales », a averti Anna Marsden, directrice de la Fondation Grande Barrière de corail.

Lors d’une mission récente sur la Grande Barrière de corail, des journalistes de l’AFP ont visité l’une des zones les plus touchées par le phénomène.

L’île Lizard, petit coin de paradis tropical au large de la pointe nord-est de l’Australie, devrait normalement regorger d’une vie corallienne florissante. Mais aujourd’hui, elle n’est plus qu’un cimetière marin. Environ 80 % du récif a blanchi cet été et nombre des coraux concernés auront du mal à survivre.

Anne Hoggett, biologiste marine, vit et travaille sur l’île Lizard depuis 33 ans. Elle raconte qu’à son arrivée, le blanchissement des coraux ne se produisait que tous les dix ans environ. Aujourd’hui, il se produit chaque année, dans des proportions variables.

« Nous ne savons pas encore s’ils ont déjà subi trop de dommages pour se rétablir ou non », dit-elle.

Pas cantonné à l’Australie

Selon M. Leck de WWF, « nous ne connaîtrons pas avant quelques mois » quelle sera « la mortalité des coraux ».

L’Australie a investi quelque 5 milliards de dollars australiens (3 milliards d’euros) pour améliorer la qualité de l’eau, réduire les effets du changement climatique et protéger les espèces menacées.  

Grâce à ces investissements, l’UNESCO avait en août 2023 renoncé provisoirement à inscrire la Grande Barrière sur la liste du patrimoine mondial en péril, comme elle menaçait de le faire depuis 2021.

Mais l’Australie est aussi l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, l’un des plus grands exportateurs de gaz naturel et de charbon, et ne s’est que très récemment fixé des objectifs, jugés peu ambitieux, pour atteindre la neutralité carbone.

Comme l’a annoncé la NOAA, le phénomène n’est pas cantonné à l’Australie : l’agence américaine a annoncé que la planète connaissait son deuxième plus grand épisode de blanchissement des coraux en dix ans.

« Le blanchissement des coraux devient de plus en plus fréquent et grave », a relevé Derek Manzello, coordinateur de l’observatoire des récifs coralliens de la NOAA, pointant des températures océaniques records.

La NOAA estime que la planète a déjà perdu 30 à 50 % de ses récifs de corail et que ces derniers pourraient, sans changement majeur, complètement disparaître d’ici à la fin du siècle.