(Mexico) « C’était une oasis, et maintenant… c’est sec. Qui n’aurait pas envie de mourir ? ». La peur des pénuries d’eau plane sur la campagne électorale au Mexique, de la capitale à ses alentours, sur fond de quasi-canicule et de sécheresses.

À moins de trois mois des élections présidentielles et locales du 2 juin, le grand Mexico et ses 20 millions d’habitants restent traumatisés par des coupures d’eau dans de nombreux quartiers il y a quelques semaines. Les autorités ont dû ravitailler des habitants avec des citernes.

En cause, « la réduction du débit dans le système Cutzamala », un ensemble de sept barrages qui fournit 25 % de l’eau de Mexico et ses environs, selon le réseau de distribution d’eau de la capitale Sacmex.

Les trois principaux barrages du système ne stockent que près de 38 % de leur capacité totale. Et la saison des pluies ne commence que fin mai.

À Mexico, les deux principaux candidats à la mairie ont mis la question de l’eau au cœur de leur campagne.  

L’opposant Santiago Toboada propose de réparer les canalisations usées, responsables de fuites importantes et la candidate de la gauche au pouvoir, Clara Brugada, suggère notamment d’aller chercher de l’eau potable du côté de la lagune de Zumpango, à 50 km au nord de la capitale, où l’AFP s’est rendue.

« Dévasté »

La lagune est complètement asséchée. Deux tourbillons de poussière traversent ce qui fut un lac, où gisent six barques abandonnées.

« On peut dire que c’était une oasis ici, et maintenant… c’est sec. Qui n’aurait pas envie de mourir ? » se lamente Agustin Garcia, un ancien pêcheur de 55 ans.

M. Garcia se dit « dévasté » au souvenir des kilos de carpes qu’il sortait autrefois des eaux de la lagune. « J’ai des proches qui étaient pêcheurs ici, ils ont dû s’en aller de l’autre côté (ndr : expression qui désigne les États-Unis) pour chercher de meilleures conditions de vie ».

Paradoxalement, 11 pompes ont été installées aux abords de la lagune, sans doute pour forer des puits, selon le décompte un photographe de l’AFP.

« Qu’ils laissent au moins un puits pour remplir notre lagune », supplie l’ancien pêcheur Agustin Garcia. « Non au vol de l’eau. L’eau est à nous », lit-on en lettres rouges sur un mur près du barrage désert.

D’après la chaîne Milenio TV, les autorités creusent en effet neuf puits d’une profondeur de 300 mètres pour envoyer de l’eau vers la capitale Mexico. L’autorité responsable de la gestion des eaux au Mexique, Conagua, n’a pas répondu aux demandes de l’AFP.

« C’est ironique. D’un côté, c’est totalement sec, comme un désert, et de l’autre ils sont en train de faire des puits. S’il y a de l’eau pour envoyer ailleurs, pourquoi il n’y a pas d’eau pour la lagune ? », s’étonne Rosaura Alvarez, spécialiste en biodiversité, interrogée par Milenio TV.

Même spectacle de désolation dans l’État du Michoacán, au nord-ouest de Mexico : le lac de Cuitzeo est sec à plus de la moitié de sa superficie totale (entre 300 et 400 km2).

« S’il n’y a pas de lac, il n’y a pas de vie », lance Rafael Vazquez, un pêcheur de la communauté de La Mina, selon qui 140 familles y vivent de la pêche.

« Ça n’intéresse pas les autorités. Ils ne se souviennent du lac que lorsqu’ils sont en campagne », poursuit-il.

Des images aériennes de l’AFP montrent de petites embarcations échouées dans un canal du lac.

L’État du Michoacán est l’un des principaux producteurs mondiaux d’avocats, très gourmands en eau, avec 100 000 tonnes envoyées aux États-Unis rien que pour le Super Bowl de février.

Des températures élevées – entre 40 et 45 degrés – ont été enregistrées entre fin février et début mars à l’est et à l’ouest de la capitale. La vague de chaleur va se maintenir dans les prochains jours, d’après le Service météorologique national (SMN).

« Cela fait partie du changement environnemental global. Cette modification des cycles météorologiques constitue la principale raison du manque d’eau », analyse Roberto Constantino, du programme Réseau des eaux de l’Université autonome de Mexico.

« De grands accapareurs d’eau », comme les brasseries ou les entreprises de BTP, devraient se soumettre à des contrôles pour vérifier « la quantité d’eau qu’ils sortent des puits », estime Nathalie Seguin, de l’organisation Redes de Agua (Réseau des eaux).

Tout au sud de Mexico, dans le quartier de Xochimilco, des ânes ravitaillent en eau quelques familles d’une zone isolée non connectée au réseau d’eau potable… une solution d’avenir pour le reste de la ville ?