La neige de Rouyn-Noranda contient des taux « inquiétants » d’arsenic, de plomb et de cadmium, et ce, même à l’extérieur de la zone tampon décrétée par Québec aux abords de la Fonderie Horne, révèlent des analyses effectuées à la demande de groupes citoyens.

« Avoir un jeune enfant, je ne voudrais pas qu’il mange de neige, c’est certain », a déclaré la biologiste Émilie Robert, enseignante et chercheuse au cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, lors de la présentation des résultats de l’analyse, vendredi, à Montréal.

Des échantillons de neige ont été prélevés durant l’hiver 2023 dans 24 sites répartis dans toute la ville, notamment à proximité d’écoles et de parcs, par des bénévoles de l’organisation Mères au front et du comité Arrêt des rejets et émissions toxiques (ARET), et analysés par la firme Bureau Veritas, a expliqué Mme Robert.

Puisqu’il n’existe pas de norme sur les taux de contaminants présents dans la neige, contrairement à ceux dans le sol, l’eau et l’air, il est impossible de statuer que ces résultats excèdent une quelconque limite, mais des comparaisons sont tout de même possibles.

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Les polluants contenus dans la neige accumulée révélaient « des teneurs élevées » d’arsenic, de cadmium, de nickel et de plomb dans quatre secteurs de la ville.

Ainsi, la norme acceptable de contaminants dans les sols est probablement dépassée quand les taux de contaminants mesurés dans la neige se situent entre 20 et 35 milligrammes par mètre carré (mg/m⁠2), calcule le spécialiste de la toxicologie de l’environnement Daniel Green, qui a accompagné les citoyens dans leurs démarches.

« On a trouvé au moins [deux] zones où c’est le cas », a-t-il ajouté, précisant qu’elles sont situées en dehors de la « zone tampon » décrétée par le gouvernement Legault, à l’intérieur de laquelle commerces et résidences seront démolis pour éloigner les citoyens des rejets toxiques de la fonderie.

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L’expert en environnement Daniel Green

Deux autres « zones à risque », avec des taux de contaminants élevés, se trouvent même sur la rive sud du lac Osisko, à quelque deux kilomètres de l’usine.

Les secteurs où les taux de contaminants mesurés dans la neige se sont révélés les plus élevés se trouvent dans le corridor des vents dominants, qui charrient les contaminants rejetés dans l’air par la Fonderie Horne, précise M. Green.

Zone tampon « insuffisante »

La zone tampon ne permettra donc pas d’assurer une protection suffisante de la population vivant dans les quartiers environnants, conclut Mères au front, qui exhorte à nouveau le gouvernement Legault à se montrer plus exigeant envers la Fonderie Horne.

L’organisation réclame que l’entreprise appartenant à la multinationale anglo-suisse de négoce Glencore soit assujettie dès cette année à une concentration maximale d’arsenic dans l’air de 15 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) plutôt qu’à la fin de 2027, comme le prévoit l’autorisation ministérielle délivrée par Québec en mars 2023 – la norme québécoise est quant à elle de 3 ng/m⁠3.

Lisez l’article « Rejets de contaminants : Québec serre la vis à la Fonderie Horne »

Mères au front a d’ailleurs livré un échantillon de neige fondue de Rouyn-Noranda au bureau du premier ministre François Legault et à certains de ses ministres pour marteler son message.

Dans une déclaration écrite transmise aux médias, la Fonderie Horne a indiqué qu’elle ne ferait pas de commentaire sur les analyses de neige, « ne connaissant pas la méthodologie et les résultats détaillés de cette étude », mais s’est dite sensible « aux préoccupations des membres de la communauté ».

Les groupes citoyens à l’origine de la démarche projettent de faire de nouvelles analyses avant la fin de l’hiver en cours et de retourner au printemps prendre des échantillons de sol aux mêmes endroits, afin de faire des comparatifs plus précis entre les taux mesurés dans la neige et ceux dans le sol.

En savoir plus
  • 34,7 mg/m⁠2
    plus haut taux d’arsenic mesuré dans la neige dans le quartier Notre-Dame, voisin de la Fonderie Horne
    source : Bureau Veritas
    18,9 mg/m⁠2
    plus haut taux d’arsenic mesuré dans la neige au sud du lac Osisko, à deux kilomètres de la Fonderie Horne
    source : Bureau Veritas