Quelques années après que la Société de protection des forêts du New Hampshire a créé une ferme d’arbres de Noël, Nigel Manley, qui supervise les opérations, a commencé à remarquer des changements intéressants en bordure des rangées de sapins baumiers et de sapins Fraser odorants.

Au printemps, les zones entourant les jeunes arbres attirent des oiseaux nichant au sol, comme le goglu des prés – un oiseau chanteur qui migre vers l’Amérique du Sud –, le pluvier kildir et la bécasse, qui profitent de ces espaces ouverts pour faire leur parade nuptiale et élever leurs petits. Les cerfs cachent leurs faons dans les hautes herbes. Les jaseurs et les merles d'Amérique nichent dans les vieux arbres et leurs petits s’envolent plusieurs mois avant la récolte. Les souris et les campagnols vivant sur la terre attirent les renards et les rapaces migrateurs, tels que les faucons crécerelles et les busards, qui se régalent de la corne d’abondance chaque fois que l’herbe est fauchée.

En ces temps de péril climatique, où les propriétés rafraîchissantes et oxygénantes des arbres n’ont jamais été aussi appréciées, il semble contre-intuitif de soutenir leur abattage. Pourtant, les avantages écologiques des vrais arbres de Noël sont la raison pour laquelle de nombreux écologistes les préfèrent aux fausses versions à base de pétrole qui sont expédiées de l’autre bout du monde.

Les fermes d’arbres de Noël peuvent fonctionner comme de jeunes forêts, déclare Andy Finton, écologiste forestier auprès de Nature Conservancy dans le Massachusetts. Deux ou trois jeunes arbres sont généralement plantés pour chaque arbre récolté et, selon Jill Sidebottom, porte-parole de la National Christmas Tree Association, les fermes d’arbres de Noël sont souvent installées sur des terres agricoles inutilisées, ce qui permet aux producteurs de conserver leurs espaces verts.

« Ils retirent le carbone de l’atmosphère », déclare M. Finton à propos des arbres.

Ils purifient l’air et, dans de nombreux cas, l’eau potable. Ils maintiennent le paysage non aménagé, empêchant les surfaces imperméables, en offrant des incitations économiques aux propriétaires fonciers.

Andy Finton, écologiste forestier auprès de Nature Conservancy

Face aux pressions intenses du développement et à l’accélération de la disparition des forêts naturelles, les fermes forestières peuvent fournir des habitats à la faune, en particulier aux oiseaux et aux mammifères qui préfèrent les espaces ouverts à la lisière des forêts.

Une étude allemande publiée l’année dernière a montré que les plantations de conifères pouvaient constituer des refuges importants pour quatre espèces menacées d’oiseaux des terres agricoles : la linotte, le pipit des arbres, l’alouette lulu et le bruant jaune. Les insectes pollinisateurs peuvent bénéficier de l’utilisation d’une couverture végétale. Il y a 10 ans, des chercheurs ont recensé 80 espèces végétales dans des exploitations arboricoles de Caroline du Nord, notamment des asclépiades poussant à hauteur de la taille en bordure des champs, qui attiraient 17 genres d’abeilles et d’insectes prédateurs qui dévoraient les arbres nuisibles.

PHOTO NASUNA STUART-ULIN, THE NEW YORK TIMES

S’il semble contre-intuitif de soutenir l’abattage des arbres de Noël, ces derniers ont des avantages écologiques indéniables comparativement aux fausses versions à base de pétrole.

Tom Norby, président de la Pacific Northwest Christmas Tree Association, affirme qu’une petite partie des arbres est récoltée chaque année, laissant environ 90 % des autres pousser et être disponibles pour les animaux. Dans sa propre ferme, il a vu des cerfs, des lapins, une chouette pygmée, des ours, des coyotes et des cougars, qui suivent les élans qui s’alimentent dans ses champs lorsque les chaînes de montagnes sont couvertes de neige.

Pesticides

L’appui aux fermes n’est pas universel. Nathan Donley, directeur de la santé environnementale au Centre pour la diversité biologique, déclare qu’un vrai sapin est de loin préférable à un sapin en plastique, et que les fermes d’arbres de Noël sont écologiquement supérieures aux terrains de golf ou d’athlétisme.

Mais il ajoute que les grandes exploitations d’arbres, en particulier celles du nord-ouest du Pacifique, sont généralement des monocultures à plantations serrées. Aussi, alors que les cultures agroalimentaires sont généralement pulvérisées plusieurs fois par an, il s’inquiète du fait que le cycle de croissance plus long des arbres de Noël pourrait se traduire par une charge plus lourde et cumulative de pesticides. Ceux-ci pourraient se retrouver dans les rivières et les ruisseaux avoisinants. « On s’accroche aux espèces qui en profitent », déclare M. Donley. « Dans l’intérêt de l’efficacité, la durabilité est reléguée au second plan. »

Bert Cregg, professeur d’horticulture et de sylviculture à l’Université de l’État du Michigan, affirme que si l’utilisation des pesticides varie selon les espèces et les régions, les producteurs d’arbres de Noël souhaitent généralement minimiser l’utilisation des produits chimiques. Les pesticides sont chers, dit-il, et de nombreux producteurs vivent à leur ferme et ils ne veulent pas être exposés. Il indique également que l’utilisation accrue de plantes couvre-sol, telles que le trèfle, abaisse les températures du sol et absorbe l’azote, réduisant ainsi le besoin d’engrais.

Entre 2013 et 2018, les producteurs d’arbres de Noël de Caroline du Nord ont signalé une réduction de 21 % de l’utilisation des pesticides. M. Norby affirme également que l’utilisation d’insecticides était en baisse.

Les experts s’accordent à dire qu’au moment où les arbres parviennent aux consommateurs, il ne reste que très peu de pesticides résiduels. Il existe également des producteurs biologiques qui proposent des arbres non traités.

Une denrée agricole

En ce qui concerne la question de savoir s’il est conseillé ou éthique d’abattre des arbres, David Mizejewski, naturaliste à la National Wildlife Federation, estime que les arbres de Noël doivent être considérés comme une denrée agricole.

« J’ai grandi en pensant la même chose, du genre : “Oh non, c’est mal de tuer l’arbre” », dit M. Mizejewski. Mais cette attitude d’« écologiste urbain » revient, selon lui, à simplifier la complexité de la vie et de la mort sur la planète. « Tout comme vous mangez du brocoli, vous tuez le plant de brocoli, n’est-ce pas ? »

Après Noël, de nombreuses municipalités broient les arbres de Noël pour en faire du compost ou les utilisent comme remparts contre l’érosion des plages. Ils peuvent être enfoncés dans des étangs pour créer des habitats pour les poissons ou être cassés pour servir d’abri aux animaux de la maison.

« Cela ne veut pas dire qu’une ferme d’arbres de Noël remplace une nature intacte », déclare M. Mizejewski. « J’encourage les gens à considérer les choses sous un angle écologique, où tout a un cycle de vie. Et le plus important, c’est que pendant qu’il vit, il contribue à l’écosystème. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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