Un nouveau projet d’accord a été dévoilé mardi à la COP28 et le débat fait toujours rage pour savoir si l’on abordera directement le rôle du charbon, du pétrole et du gaz dans le réchauffement planétaire. Le choix de chaque mot fait toujours l’objet d’intenses discussions au cours d’une conférence qui accueille un nombre record de représentants de l’industrie des énergies fossiles.

Toutes les options sont sur la table

Au moment où la COP28 s’apprête à entrer dans sa deuxième phase, une nouvelle version d’un projet d’accord a été dévoilée mardi à Dubaï. Le document de 24 pages garde toutes les options sur la table, y compris la possibilité de convenir d’une sortie (phase-out) des énergies fossiles, une option qui ne plaît pas à tout le monde. À l’inverse, plusieurs États, dont le Canada, soutiennent plutôt leur élimination progressive (phase-down), moins contraignante. La possibilité que l’accord final ne fasse aucune référence aux énergies fossiles est également sur la table, une option qui constituerait un aveu d’échec pour la COP28, estiment plusieurs représentants de la société civile.

Un thème central des négociations

Le texte soumis mardi comporte plusieurs options offertes aux négociateurs. On propose d’inscrire un objectif visant à tripler les énergies renouvelables dans le monde d’ici 2030 ou encore de n’en faire aucune mention. Une autre solution serait d’adopter un texte prônant la sortie rapide du charbon d’ici la fin de la décennie ou de ne pas en faire mention. « C’est au cœur des négociations et je ne vois pas comment on peut atteindre un compromis qui n’inclurait pas des mots sur les énergies fossiles. Bien sûr, ça semble difficile actuellement, mais d’un autre côté, ça n’a jamais été un thème aussi central au programme, donc je suis assez optimiste », a déclaré à l’Agence France-Presse le ministre danois du Développement et de la Politique climatique, Dan Jørgensen. « J’ai bon espoir que nous allons trouver un compromis qui va nous faire avancer dans la bonne direction », a affirmé John Kerry, envoyé spécial des États-Unis sur les questions climatiques.

« Un impact sur des millions de vies humaines »

« Dans le contexte des négociations climatiques, une différence d’un mot peut avoir un impact sur des millions de vies humaines », estime Caroline Brouillette, directrice générale du Réseau action-climat au Canada. « La vitesse et l’ambition avec lesquelles le monde s’embarquera dans une transition proactive et planifiée hors des énergies fossiles feront une différence sur le thermomètre de l’augmentation de la température moyenne mondiale », ajoute-t-elle. Selon les dernières estimations des Nations unies, les engagements actuels des pays conduiraient à un réchauffement de 2,5 à 2,9 degrés d’ici la fin du siècle, largement au-dessus de la cible de l’Accord de Paris, entre 1,5 et 2 degrés.

Des conséquences positives pour la santé

Par exemple, une étude publiée récemment dans la revue British Medical Journal indique que la pollution de l’air engendrée par la combustion d’énergies fossiles tue en moyenne entre 5 et 13 millions de personnes par année. Selon l’un des auteurs de l’étude, Jos Lelieveld, également directeur de la chimie atmosphérique au Nax Planck Institute for Chemistry, le choix des mots peut faire une grande différence à la COP28. « Une sortie [phase-out] des combustibles fossiles aurait des conséquences extrêmement positives sur la santé. C’est quelque chose que nous avons essayé de communiquer aux personnes qui négocient actuellement à la COP28 », a-t-il déclaré dans une entrevue au Washington Post.

Une industrie plus présente que jamais

Selon un bilan dévoilé mardi par Kick Big Polluters Out (KBPO), une coalition regroupant plus de 450 organisations non gouvernementales, un nombre record de 2456 représentants de l’industrie fossile ont obtenu une accréditation pour la COP28. Selon KBPO, ce nombre serait quatre fois plus élevé que le précédent record enregistré lors de la COP27, à Charm el-Cheikh, l’an dernier. Ce nombre dépasse aussi la délégation combinée de 10 pays (1609 délégués) parmi les plus touchés par les changements climatiques. Une nouveauté cette année, l’ONU oblige les participants à dévoiler le nom de leur employeur dans leur demande d’accréditation.

« Écouter la science et les populations »

« Il est inquiétant de constater que le lobby pétrolier est présent en nombre record à la COP28 et tente par tous les moyens de faire retirer la mention de la sortie des énergies fossiles dans le texte », a réagi Salomé Sané, chargée de campagne climat à Greenpeace Canada. « L’élimination complète, rapide et équitable des combustibles fossiles n’est pas une option, mais une nécessité vitale. Les pays doivent absolument résister aux pressions des pollueurs et écouter la science et les populations qui demandent l’arrêt de l’expansion et l’élimination rapide des hydrocarbures, et ce, sans exception », précise-t-elle.

Avec l’Agence France-Presse, The Washington Post et The Guardian

Consultez la nouvelle version du projet d’accord (en anglais)