(New York) Il ne s’est pas donné que des tapes dans le dos, mercredi, lors du premier Sommet sur l’ambition climatique organisé par l’ONU, où le Canada et le Québec étaient représentés par leurs chefs de gouvernement respectifs.

Au moment de présenter Justin Trudeau, la secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les communications globales, Melissa Fleming, l’a apostrophé en affirmant qu’il avait été « l’un des leaders mondiaux de l’expansion des énergies fossiles l’an dernier ».

« Pourriez-vous expliquer les mesures prises par le Canada pour s’aligner sur le programme d’accélération du secrétaire général afin de protéger l’objectif de 1,5 [degré de réchauffement] et de livrer la justice sociale ? », a-t-elle demandé.

La haute responsable onusienne faisait vraisemblablement référence au rapport publié plus tôt ce mois-ci par l’organisme Oil Change International, qui qualifie le Canada d’« hypocrite climatique » en raison de la hausse de sa production pétrolière et gazière.

Pendant sa brève intervention, le premier ministre canadien n’a pas relevé la pointe de la modératrice d’un sommet au cours duquel quelque 30 chefs ou représentants de gouvernement se sont exprimés. Mais il a laissé entendre que son pays était parti de loin et qu’il avait pris des décisions sans précédent pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

« En 2015, le Canada, l’un des principaux fournisseurs de gaz et de pétrole, était très en retard en matière d’action climatique. Grâce à un travail acharné, nous avons pu changer cette situation. Les émissions du Canada suivent en fait une courbe descendante », s’est-il félicité après avoir fait allusion à l’année de la formation de son premier gouvernement.

Parmi les initiatives canadiennes, Justin Trudeau a évoqué l’élimination des subventions aux combustibles fossiles, une première pour un pays du G20, et le dévoilement prochain d’un cadre réglementaire pour réduire les émissions de méthane de 75 %.

« Si nous abandonnons ce combat, comme certains voudraient que nous le fassions, l’avenir ne sera pas brillant. Si nous continuons à agir, les choses s’amélioreront et notre avenir commun sera plus fort », a-t-il conclu.

En mêlée de presse, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, Steven Guilbeault, s’est montré plus direct et partisan au sujet des « certains » évoqués par Justin Trudeau.

« Est-ce que le Canada aurait été invité à participer à ce genre de sommet il y a dix ans ? La réponse est non. Est-ce que le Canada serait invité à participer à ce genre de sommet si Pierre Poilievre devenait premier ministre du Canada ? La réponse est également non. »

Interrogé sur la façon dont la secrétaire générale adjointe pour les communications globales a apostrophé Justin Trudeau, Steven Guilbeault a répondu : « Le gouvernement fédéral n’a aucune compétence en matière d’utilisation des ressources naturelles. Ce que nous avons dit et ce que nous faisons, c’est taxer la pollution provenant du secteur pétrolier et gazier et de toutes les autres industries. »

Même s’il n’a pas eu la chance de prendre la parole lors du Sommet sur l’ambition climatique, François Legault a déclaré que l’invitation d’y assister était un « moment de fierté » pour le Québec. Il a également estimé que l’évènement constituait une belle occasion d’établir des contacts et d’inscrire le Québec dans l’économie verte.

« Le message, c’est ça », a-t-il dit mercredi matin lors d’une mêlée de presse devant le siège des Nations unies. « Préparons-nous à acheter de l’aluminium vert plutôt que d’acheter de l’aluminium gris. Préparons-nous à acheter des véhicules électriques avec des batteries électriques. Préparons-nous à acheter des autobus électriques. Ces produits-là sont déjà disponibles au Québec. C’est ça, le message. Il faut accélérer cette transition. »

Steven Guilbeault s’est également réjoui de la présence de François Legault au sommet onusien. Mais il a émis des réserves sur les prétentions vertes du Québec à titre de membre de Beyond Oil and Gas (BOGA), une coalition de gouvernements en faveur de l’interdiction de produire des hydrocarbures sur leurs territoires. Lundi, au côté de l’ancien vice-président américain Al Gore, le premier ministre du Québec a accueilli des membres de cette alliance lors d’une table ronde tenue à la Délégation générale du Québec à New York.

« Si on ne réduit pas notre consommation de pétrole, collectivement, ça ne nous avance pas en matière de lutte aux changements climatiques », a déclaré le ministre de l’Environnement et du Changement climatique. « Le Québec s’est engagé à faire partie de cette organisation, mais on continue d’importer du pétrole au Québec – 360 000 barils de pétrole par jour. On a besoin de ces initiatives-là, mais il faut regarder l’ensemble de l’équation. »

Autres réserves, exprimées celles-là par André-Yanne Parent, directrice générale de Réalité climatique Canada, l’antenne canadienne de l’organisation internationale d’éducation climatique fondée par Al Gore. Selon elle, François Legault et les autres membres de BOGA mériteront le titre de « héros », mot louangeur utilisé par Gore mardi, seulement « s’ils continuent à éliminer progressivement le pétrole et le gaz et à recruter d’autres membres pour faire de même ».

En début de soirée, Justin Trudeau a également pris la parole devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui tenait une session exceptionnelle sur l’Ukraine.

« Ce n’est pas seulement l’Ukraine, ou l’Europe, qui souffre si nous ne défendons pas nos valeurs, a-t-il dit. Nous en souffrirons tous, y compris vous tous dans le Sud. Il ne s’agit pas seulement de l’impact à long terme, mais de la souffrance actuelle. La Russie instrumentalise l’énergie et la nourriture, ce qui conduit des millions de personnes à faire face à des pénuries, à la faim et même à la famine. »

Plus tôt dans la journée, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait dénoncé l’assaut « criminel » et « injustifié » de la Russie et appelé le Conseil de sécurité à retirer son droit de veto au pays de Vladimir Poutine.