Une étude de l’Université de Montréal publiée fin février a démontré qu’au moins six villes au Québec ont des niveaux de perfluorés supérieurs à de nouvelles normes canadiennes. Chacune a répondu différemment à ce défi.

Ce qu’il faut savoir

Le Canada envisage de réduire considérablement les limites recommandées de perfluorés dans l’eau potable.

Au moins six villes québécoises ont des taux de perfluorés supérieurs aux normes proposées, selon des chercheurs.

Les perfluorés sont des composés utilisés dans les matériaux antiadhésifs et antitaches et dans les mousses anti-incendie.

Sainte-Cécile-de-Milton

Dans l’étude publiée dans la revue Water Research, Sainte-Cécile-de-Milton, près de Granby, affichait un taux de perfluorés de 36 nanogrammes par litre (ng/L), soit légèrement plus que la norme proposée de 30 ng/L.

Ici, on a seulement des puits, on n’a pas d’aqueduc. Alors on a décidé de tester quelques puits un peu partout.

Paul Sarrazin, maire de Sainte-Cécile-de-Milton

L’opération a mené à une grosse surprise : un secteur de la ville, près d’un dépotoir actif depuis les années 1950, affichait des taux frisant les 100 ng/L. « On a organisé une rencontre avec les citoyens pour discuter des résultats, dit M. Sarrazin. On a invité la Santé publique et le ministère de l’Environnement. »

M. Sarrazin a demandé au ministère de l’Environnement de financer un projet pilote visant à tester les puits du quartier limitrophe du dépotoir. « J’ai l’appui de la Santé publique, mais je n’ai pas de nouvelles de l’Environnement », déplore-t-il.

Nancy Corriveau, des communications du CIUSSS de l’Estrie, confirme la version de M. Sarrazin. Au ministère de l’Environnement, la relationniste Sophie Gauthier indique que l’évaluation des « actions possibles afin de notamment cibler les sources potentielles de contamination » est en cours, de même que des discussions avec le ministère des Affaires municipales.

Regardez la séance du conseil de Sainte-Cécile-de-Milton où les perfluorés sont abordés

La Baie

Les chercheurs de l’Université de Montréal continuent à échantillonner les eaux d’autres villes québécoises. Quand le taux de perfluorés dépasse 30 ng/L, ils préviennent la ville concernée. Ç’a été le cas à La Baie, où des taux dépassant 120 ng/L ont été mesurés dans certains quartiers.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU MUSÉE DE LA DÉFENSE AÉRIENNE DE BAGOTVILLE

La base militaire de Bagotville

L’information a circulé et a fait l’objet de questions à une séance du conseil municipal en juillet. « Selon nos informations, c’est probablement lié à la base de Bagotville », dit Dominic Arseneau, du service des communications de Saguenay. « Nous allons avoir des filtres pour les puits contaminés dès 2024. Et nous allons connecter à l’aqueduc une trentaine de résidences en zone semi-rurale qui ont des puits dans les zones concernées. »

Des analyses sanguines seront-elles proposées aux résidants des quartiers concernés, comme cela se fait près d’anciennes bases militaires ailleurs au Canada ? « Nous sommes en train de discuter avec les différents ordres de gouvernement pour corriger la situation, dit M. Arseneau. Nous n’avons fait aucune demande de tests sanguins, ces tests ne sont pas de compétence municipale. »

Val-d’Or

Parmi les autres municipalités, Val-d’Or se démarquait avec un taux très élevé de 171 ng/L. « C’était à cause d’un puits d’appoint, où les taux de perfluorés sont très élevés », dit Benjamin Turcotte, conseiller municipal délégué à l’environnement à Val-d’Or. « On a réglé le problème en ne l’utilisant plus. On a d’autres puits pour alimenter l’aqueduc. » Sans le puits problématique, les taux de perfluorés baissent à moins de 40 ng/L.

Val-d’Or a, en outre, mandaté une firme pour étudier la provenance des perfluorés. Est-ce aussi une base militaire qui est en cause ? « On ne sait pas, répond M. Turcotte. Mais il y a déjà eu une base militaire à Val-d’Or. » La base a été en activité de 1954 à 1976 et a déjà abrité des missiles nucléaires.

Val-d’Or recherche aussi des filtres permettant d’éliminer les perfluorés des puits encore utilisés. L’un des auteurs de l’étude de février, Benoît Barbeau, de Polytechnique Montréal, est mandaté pour ce faire.

Saint-Donat

À Saint-Donat, où l’étude de février affichait des taux de 68 à 82 ng/L, le maire Joé Deslauriers a pris le taureau par les cornes : la Ville va carrément changer de source d’eau. « Actuellement, on tire notre eau de la nappe phréatique, dit M. Deslauriers. On va changer ça pour l’eau du lac Archambault. Cet été, on fait des tests pour confirmer la qualité des eaux du lac, et on détermine le tracé des canalisations. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Joé Deslauriers, maire de Saint-Donat, devant le lac Archambault

Un projet de construction d’une usine de traitement de l’eau était déjà lancé, en raison de la présence de manganèse dans l’eau de la nappe phréatique. « L’usine de traitement du manganèse coûtait plus cher que pour le traitement de l’eau du lac, dit M. Deslauriers. Mais avec les canalisations, le budget total devrait être similaire. On espère se qualifier pour des subventions. »

Sainte-Adèle et L’Épiphanie

Dans deux autres villes qui dépassaient la norme proposée de 30 ng/L dans l’étude de février, des tests subséquents ont révélé des taux en deçà de ce seuil. Il s’agit de Sainte-Adèle et de L’Épiphanie, où des valeurs respectives de 34 ng/L et de 44 ng/L avaient été enregistrées.

« Nous allons continuer de suivre de près le ministère de l’Environnement dans ce dossier, puisque la qualité de l’eau est une priorité constante pour la Ville », dit Steve Plante, maire de L’Épiphanie.

De son côté, Sainte-Adèle a indiqué par voie de communiqué « poursuivre ses démarches afin de mieux cerner la problématique ».

L’a b c des perfluorés

Découverts dans les années 1940, les perfluorés sont très résistants, ce qui leur permet de s’accumuler dans l’environnement et les organismes vivants sans être dégradés. Ils sont notamment utilisés dans les antitaches, les antiadhésifs et les mousses anti-incendie de haute performance. On utilise aussi le sigle anglais PFAS, dont le sens se traduit par « substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées », pour parler des perfluorés.

Un risque accru de développer certains cancers a été observé près de sites très contaminés par les perfluorés. Plus récemment, des problèmes immunitaires ont été notés avec des taux de contamination plus bas, ce qui a entraîné de nouvelles normes. La demi-vie des perfluorés – une mesure technique de l’élimination de la moitié d’une quantité d’un produit – approche parfois une dizaine d’années.

Les concentrations dans la population américaine de certains perfluorés bannis en 2004 par la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, qui couvre notamment les BPC, ont commencé à baisser, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) du gouvernement américain.

En savoir plus
  • De 200 à 600 ng/L
    Normes actuelles pour les perfluorés dans l’eau potable au Canada
    Source : Santé Canada