Comment ils sont passés de la parole aux actes

En théorie, les serres sont une excellente idée pour renforcer notre autonomie alimentaire pendant l’hiver, quand les champs du Québec sont moins généreux qu’en ce moment. En réalité, cultiver des fruits et légumes en saison froide est souvent très énergivore… Pas pour l’agriculteur Jean-Martin Fortier, qui approvisionne son restaurant en plein hiver grâce à une serre écoresponsable.

Jean-Martin Fortier, à qui l’on doit la Ferme des Quatre-Temps et qu’on connaît aussi sous le nom du jardinier-maraîcher, croit fermement à l’agriculture durable. Son dernier projet, l’Espace Old Mill, est un restaurant fermier situé à Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est. Ouvert depuis le printemps, ce commerce offre des plats du terroir cuisinés uniquement avec des produits locaux. Et tous les légumes du menu poussent sur le domaine... même en plein hiver !

Pour y arriver sans consommer trop d’énergie, le jardinier-maraîcher a conçu une serre un peu spéciale.

Un système de chauffage carboneutre

Le nerf de la guerre, c’est le chauffage. Le besoin énergétique est tellement important que le courant électrique standard n’est pas assez puissant. Ainsi, la majorité des serres qui fonctionnent en hiver au Québec doivent être chauffées au propane.

On est chanceux au Old Mill, parce qu’on a accès au courant électrique triphasé [600 volts]. On a installé la serre juste à côté du chemin, alors on peut se connecter au réseau. On n’a pas besoin de combustibles fossiles.

Jean-Martin Fortier, jardinier-maraîcher

En effet, le bâtiment utilise un appareil de chauffage 100 % électrique. Il est connecté à un ventilateur qui diffuse l’air chaud à travers des ballons perforés placés au sol. De cette manière, la chaleur reste davantage autour des plants, au lieu d’être perdue dans l’air ambiant.

« Jusque-là, ce n’est rien de trop innovant », explique le jardinier-maraîcher, qui utilise la méthode des tubes d’air chaud dans plusieurs projets. « Le plus intéressant au Old Mill, c’est que j’ai une serre dans une serre ! »

Les serres en poupées russes

Dans sa serre, Jean-Martin Fortier a en effet installé deux autres serres, plus petites, pour recouvrir les plants de légumes et les tubes d’air chaud. En hiver, il suffit de chauffer ces compartiments et non l’espace au complet, ce qui représente une importante économie d’énergie.

De plus, le principe d’une serre est de laisser entrer la lumière tout en emprisonnant la chaleur. Ainsi, en installant une deuxième couche pendant l’hiver, on peut doubler cet effet qui garde les légumes au chaud.

« Le jour, le sol absorbe de la chaleur. Et le soir, quand on ferme la membrane, toute cette chaleur accumulée dans le sol est relâchée et reste contenue dans la petite serre », indique Jean-Martin Fortier. Le simple fait d’ajouter la petite serre augmente la température interne de 6 ou 7 °C.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, LA PRESSE

Les arches qui forment la structure des petites serres

Grâce à cet ajout, Jean-Martin Fortier estime qu’il économise environ 30 % d’énergie en hiver.

En été, il enlève complètement la membrane de la petite serre pour faire pousser des plants plus hauts, comme des tomates et des petits pois.

Choisir ses légumes

Ce n’est pas qu’une histoire de design de serre ; le succès de cette culture hivernale carboneutre réside aussi dans le choix des légumes.

D’une part, parce que le maraîcher doit planter des cultures basses pour qu’elles puissent être recouvertes par la petite serre. Mais surtout, parce qu’il tient à cultiver des légumes résistants au froid. Il chauffe la serre à seulement 5 °C pour économiser le maximum d’énergie.

« Je ne veux pas chauffer à 18 °C la nuit en hiver, souligne le maraîcher. Je ne crois pas que c’est un modèle adapté au Québec. »

PHOTO ALEX CHABOT, FOURNIE PAR L’INSTITUT JARDINIER-MARAÎCHER

L’hiver, on referme la membrane de plastique sur la petite serre pour enfermer la chaleur pendant la nuit.

Plutôt que de faire pousser des poivrons et des aubergines, Jean-Martin Fortier se concentre sur des plants qui tolèrent une chaleur minimale, comme les légumes-feuilles et les échalotes.

Il suffit d’adapter le menu en fonction des saisons, indique le jardinier-maraîcher en rappelant qu’il est tout de même possible d’avoir une diversité d’aliments. « J’arrive à faire pousser une quinzaine de légumes différents dans la serre en hiver. Puis, avec les réserves de légumes racines et de choux dans le caveau, on arrive vraiment à cuisiner des plats intéressants. »

Jean-Martin Fortier souhaite montrer aux gens qu’on peut manger local toute l’année. Il invite donc les clients du restaurant à visiter la serre. Car l’objectif de l’Espace Old Mill est de valoriser les tables de saison.

« Si je suis capable de le faire dans mon restaurant, on est tous capables de le faire à la maison ! »

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