Avec ses six immenses portes de garage rouge pompier, la nouvelle caserne de Lac-Mégantic est l’un des bâtiments les plus impressionnants de la municipalité. Ses attraits les plus époustouflants sont pourtant invisibles de la rue, puisqu’il s’agit de la première caserne coiffée de panneaux solaires au Québec. Visite guidée.

(Lac-Mégantic) Dans ce bâtiment à l’usage des pompiers, c’est par une échelle qu’on accède au sommet de l’édifice. En sortant par la trappe qui débouche sur le toit, on se retrouve dans une petite mer de panneaux solaires – 144 plaques sombres miroitant même par temps couvert.

Ce sont des panneaux bifaciaux, les premiers à Lac-Mégantic, souligne Mathieu Pépin, chargé de projet en transition énergétique à la Ville de Lac-Mégantic.

Si la membrane de la toiture est claire, ce n’est pas seulement pour éviter de créer un îlot de chaleur. Elle réfléchit les rayons solaires, qui viennent ainsi frapper le dessous des panneaux, également générateurs d’électricité. En comparaison des panneaux monofaciaux traditionnels, dont seule la face supérieure peut s’activer, « l’efficacité est améliorée d’environ 30 % », explique M. Pépin.

Un étage plus bas, dans une petite pièce ressemblant à une salle de serveurs, des batteries permettent d’emmagasiner cette énergie captée du ciel.

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Le système de gestion, de contrôle et de stockage d’énergie de la caserne.

Si un tel système combinant panneaux solaires et batteries frappe l’imagination, ce n’est pas la mesure la plus rentable dans le contexte québécois, précise le spécialiste en transition énergétique. « Le coût de l’électricité est tellement bas qu’on peut parler d’un retour sur l’investissement de plus de 15 ans sur le panneau solaire [alors que] sa durée de vie est de 15 à 20 ans. »

Efficacité énergétique

Pour augmenter l’efficacité énergétique, il faut commencer par rehausser l’enveloppe du bâtiment. « La meilleure économie d’énergie, c’est l’énergie qu’on ne consomme pas. Meilleure est l’isolation, moins on a besoin de chauffer les lieux », illustre M. Pépin, en attirant notre attention sur l’épaisseur des murs.

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Le chargé de projet en transition énergétique à la Ville de Lac-Mégantic, Mathieu Pépin, devant les panneaux solaires de la nouvelle caserne

La mécanique de ce bâtiment contribue aussi à sa performance. Le vaste garage est équipé d’un plancher radiant. « Cela rehausse la sensation de chaleur et permet même de l’abaisser un peu sans avoir l’impression que c’est moins confortable. »

Un système de récupération de la chaleur et des thermopompes permettent aussi de réduire la quantité d’énergie requise pour tempérer l’air frais amené de l’extérieur pour ventiler la bâtisse. Des systèmes de contrôle aident aussi à gérer les appels de puissance (la consommation d’énergie à des moments précis), qui ont un impact sur la facturation.

En comparaison avec un bâtiment répondant aux exigences minimales, cette caserne pourrait consommer jusqu’à 20 % moins d’énergie, et la facture d’électricité s’en trouverait allégée de plusieurs milliers de dollars par an, suggèrent des estimations préliminaires.

Quant à sa production d’énergie solaire, elle atteindrait 82,35 mégawattheures (MWh) par an, avec un pic mensuel de 9,6 MWh en juillet.

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Le garage, dont l’ouverture des portes entraîne d’importantes pertes de chaleur, est équipé d’un plancher radiant.

Reliée au microréseau

Cette caserne est le plus récent ajout au microréseau électrique du centre-ville de Lac-Mégantic, mis en service par Hydro-Québec à la fin de 2020. Ce projet intègre une trentaine de bâtiments coiffés de quelque 2200 panneaux solaires, dont environ 1700 sur le toit du centre sportif.

Ce parc solaire en hauteur totalise près de 800 kW de puissance installée, auquel s’ajoute un système de stockage pouvant emmagasiner environ 700 kWh. Toute cette énergie contribue à alimenter les bâtiments et installations reliés au microréseau, dont l’éclairage urbain situé à l’intérieur du périmètre.

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La nouvelle caserne de Lac-Mégantic, inaugurée au printemps.

Même par temps pluvieux, le solaire fournit jusqu’à 31 % de l’énergie consommée par les bâtiments du réseau, avons-nous pu constater sur l’écran de données en temps réel installé au centre-ville. Par beau temps estival, ça peut atteindre 100 %.

Dans la semaine précédant notre visite, au début de juin, « il y a eu deux belles journées où on a été en opération d’îlotage, donc complètement déconnectés du réseau principal d’Hydro-Québec », s’enthousiasme M. Pépin.

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Plaque commémorative installée sur un mur de la nouvelle caserne rendant hommage aux pompiers ayant combattu le tragique incendie provoqué par le déraillement d’un train pétrolier, en 2013.

Par l’une des fenêtres de la caserne, il nous montre une puissante borne de 180 kW pour les véhicules électriques, près de la vieille gare. Une borne de recharge rapide connectée, elle aussi, au microréseau.

« Donc quand on est en îlotage, on peut dire que l’énergie que tu mets dans ta voiture provient du soleil. Je trouve ça génial ! », s’exclame le chargé de projet.

Le Circuit électrique d’Hydro-Québec compte seulement une vingtaine de ces bornes de 180 kW dans toute la province. Et Lac-Mégantic a été la troisième ville à en avoir une, après Trois-Rivières et Stoneham, dans la région de Québec.

« Nous, dans le fond du creux du Québec, on vient de prouver que tu peux te rendre sans problème. C’est un symbole fort ! »

Consultez le site web d’Hydro-Québec dédié au microréseau de Lac-Mégantic