Son passage était attendu et son retour est maintenant confirmé. El Niño, le phénomène météo, s’est installé dans l’océan Pacifique et il risque fort d’amplifier les effets du réchauffement planétaire. La seule question qui demeure : son influence sera-t-elle modérée, forte ou exceptionnelle ?

El Niño, on n’avait pas déjà annoncé son retour il y a quelques semaines ?

Vous avez raison ! Dès le printemps, les scientifiques prévoyaient qu’il y avait 66 % de chances qu’El Niño fasse son apparition d’ici la fin de l’année 2023. « Le set-up est quasiment parfait pour l’arrivée d’El Niño d’ici l’hiver, avait affirmé Alain Bourque, directeur général du consortium Ouranos, dans une entrevue avec La Presse en mai dernier. La National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) a confirmé, le 8 juin dernier, que le phénomène météo s’était installé dans l’océan Pacifique et que ses effets se feraient ressentir plus particulièrement en Amérique du Nord au cours du prochain hiver.

Qu’y a-t-il de nouveau alors ?

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a confirmé mardi qu’El Niño s’était installé dans le sud de l’océan Pacifique et qu’il était « extrêmement probable (à 90 %) qu’il se poursuive au cours du second semestre de 2023 ».

J’entends souvent parler d’El Niño, mais chaque fois, je pense plutôt à la chanson de Plume Latraverse.

Si cela peut vous rassurer, vous n’êtes pas le seul à faire cette association avec le coloré auteur-compositeur-interprète québécois. Il faut dire que sa pièce El Niño, sortie en 1998, anticipait en quelque sorte les conséquences des changements climatiques. C’est comme construire une étable/Pis d’l’installer au bord de l’eau/Dans une zone inondable/Parce que la nature, c’est donc beau/Si y a des victimes du casino/Bin c’t encore la faute à El Niño.

Je sais bien qu’El Niño n’est pas une chanson, mais je ne suis pas sûr de comprendre ce que c’est exactement.

C’est un phénomène naturel qui se produit en moyenne tous les deux à sept ans. Il dure généralement de 9 à 12 mois. En gros, l’eau de surface dans le sud de l’océan Pacifique se réchauffe, entraînant des précipitations et des températures à la hausse dans certaines régions du monde. Ironiquement, cela provoque des conditions plus humides dans certaines régions et plus sèches dans d’autres.

Si je comprends bien, c’est comme si El Niño venait s’additionner aux effets des changements climatiques ? C’est pour cela qu’on en parle autant ?

Exactement. L’arrivée d’El Nino est d’autant plus préoccupante que l’année 2022 s’est retrouvée au 6e rang des années les plus chaudes depuis l’ère préindustrielle, et ce, malgré le phénomène La Niña, l’opposé d’El Niño, qui amène des températures plus fraîches. L’OMM estime d’ailleurs qu’il y a 98 % de chances qu’au moins une année entre 2023 et 2027 dépasse l’année la plus chaude jamais enregistrée, soit 2016. « Avec le record de chaleur enregistré en juin, l’année 2023 dans son ensemble est désormais la favorite pour être l’année la plus chaude jamais enregistrée », a écrit le climatologue Zeke Hausfather sur Twitter, lundi.

Il me semble pourtant avoir lu quelque part que La Niña avait stoppé le réchauffement sur la planète.

C’est faux. Selon le réputé climatologue Michael Mann, « prétendre que le climat a atteint un point de bascule à cause d’El Niño n’est pas mieux que de prétendre que le réchauffement planétaire s’est interrompu à cause de La Niña. Les négationnistes du climat ont utilisé cette dernière affirmation erronée pour détourner le discours et l’action en matière de politique climatique pendant une décennie. Faisons mieux qu’eux. Le réchauffement de la planète est conforme aux prévisions des modèles climatiques. La vérité est déjà assez mauvaise », a-t-il écrit mardi sur Twitter.

À quoi faut-il s’attendre cette fois-ci ?

L’OMM estime que cet épisode d’El Niño sera « au moins de force modérée » et la NOAA calcule que les probabilités qu’il soit fort sont de 56 % et estime qu’il y a 25 % de risques qu’il soit exceptionnel.

Sommes-nous touchés par El Niño au Québec ?

Selon Ouranos, « un épisode d’El Niño peut avoir tendance à adoucir l’hiver dans l’ouest du pays. Le phénomène n’a cependant que peu d’influence au Québec ». En 1998, il aurait cependant intensifié l’épisode de pluie verglaçante qui a touché la Belle Province. « El Niño n’a pas vraiment d’influence sur l’été au Québec, mais il peut amener des hivers plus doux, il peut y avoir plus de pluie, même du verglas », précise le météorologue Gilles Brien.

J’ai droit à une dernière question ? Pourquoi l’appelle-t-on El Niño ?

Ce sont des pêcheurs d’Amérique du Sud qui ont baptisé ainsi ce phénomène puisque ses effets les plus importants se manifestent généralement autour de Noël. « El Niño » signifie l’enfant, en référence à Jésus.

Lisez l’entrevue avec Alain Bourque du consortium Ouranos