En novembre 2022, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a annoncé un large plan de solarisation de ses gares. D’ici 2024, pas moins de 180 000 m⁠2 de panneaux solaires doivent être installés par l’entreprise dans plus de 119 gares. Un projet ambitieux, qui jure avec la faible avancée du solaire au Québec. Peut-on envisager que les toits de la Belle Province soient un jour peuplés de panneaux photovoltaïques ?

En France, le solaire séduit. Avec son installation, la SNCF compte produire 15 % de l’énergie consommée par les 3000 gares françaises.

Ces quelques milliers de mètres carrés de panneaux solaires devraient s’ajouter aux nombreuses autres installations déjà présentes dans l’Hexagone. Selon le bilan du Réseau de transport électrique français, en 2021, l’énergie solaire photovoltaïque représentait 3 % de la production totale d’électricité dans le pays. Un bilan bien plus haut que celui du Canada, où l’énergie solaire – non seulement photovoltaïque, mais aussi thermique – représentait 0,5 % de l’électricité produite, selon le bilan de l’Office national de l’énergie de 2017. Pourquoi cette différence ?

Une réponse simple : l’hydroélectricité. Cette technologie peu coûteuse et peu polluante écrase le marché du panneau solaire. « Au Québec, le coût de l’électricité est tellement faible que c’est compliqué pour cette technologie de percer. En plus de cela, l’hydroélectricité a aussi une faible empreinte carbone et les panneaux solaires sont souvent choisis pour diminuer cette empreinte carbone », explique Louis Gosselin, professeur au département de génie mécanique de l’Université Laval.

Sur un toit de l’UQAM

Les projets existent tout de même, mais concernent souvent des lieux isolés comme les réserves autochtones ou des infrastructures entièrement pensées pour la gestion énergétique, explique le professeur.

PHOTO FOURNIE PAR L’UQAM

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) a installé plus d’une centaine de panneaux solaires sur le toit du Complexe des sciences Pierre-Dansereau.

Parmi ces projets, il y a celui de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) qui, en 2019, a installé plus d’une centaine de panneaux solaires sur le toit du Complexe des sciences Pierre-Dansereau. « C’est une réalité que les panneaux solaires ont peu de sens au Québec à cause de notre hydroélectricité. Évidemment, l’UQAM n’a pas comme ambition de déployer des panneaux solaires sur tous ses bâtiments. Notre objectif est surtout de mettre en lumière les efforts qui peuvent être faits en termes d’énergie », explique l’ingénieur responsable du projet, Philippe Lavallée.

On a installé ces panneaux solaires pour contribuer à la conversation sur l’énergie renouvelable et pour faire de l’éducation et de la sensibilisation.

Philippe Lavallée, ingénieur

Poser des panneaux solaires pour faire parler, l’idée peut sembler étrange. Pourtant, ces discussions pourraient avoir une utilité dans un avenir proche. C’est la conclusion de l’entreprise d’architecture Lemay, responsable de la rénovation du bâtiment Le Phénix. Deuxième installation photovoltaïque en importance dans la région de Montréal, cet ancien entrepôt rénové en 2014 est vu comme un modèle de bâtiment écologique. « On sait déjà qu’on va manquer de puissance. Il faut donc augmenter la résilience. Comme on l’a vu avec l’épisode de verglas, il est important d’encourager la décentralisation de la production et de la distribution d’électricité en créant des bâtiments plus autonomes », argumente Hugo Lafrance, associé en stratégie durable chez Lemay.

« Au Québec, contrairement au reste du monde, le réseau électrique est considéré comme plus écologique que le photovoltaïque, continue Hugo Lafrance. C’est vrai si on se réfère aux données historiques, mais un bâtiment a une durée de vie par cycle. Qu’est-ce qui sera bon dans les 60 prochaines années ? Eh bien, ce ne sera plus vrai que l’hydroélectricité est plus écologique que le photovoltaïque. »

« Les ressources hydrauliques facilement accessibles ont déjà été exploitées. Il faudra mettre en place des systèmes plus complexes et donc plus coûteux », explique Louis Gosselin. Même bilan du côté financier. « Le coût des installations photovoltaïques diminue d’année en année. Dans certaines régions du monde, on est arrivé à un point de bascule où ces systèmes sont devenus rentables. Un jour, ce sera peut-être le cas au Québec », poursuit le professeur.

« La cerise sur le sundae »

Le solaire comme solution à une augmentation du coût de l’hydraulique et comme option plus verte que verte, oui, mais seulement dans une approche plus globale de la consommation et de la production d’énergie. « La vraie solution, c’est réduire nos besoins, revaloriser notre énergie. On peut ensuite voir les technologies qui émergent », soutient Philippe Lavallée.

« Il faut commencer par les gains gratuits que la nature nous donne. Cela passe par une bonne conception du bâtiment, de son enveloppe, de ses composants, sa volumétrie. Une fois que toutes ces choses sont en place, on peut faire le petit bout de chemin qui reste avec le solaire », explique Oscar Hernandez, directeur technique en performance des bâtiments pour l’entreprise d’architecture Lemay.

Dans les projets de bâtiment de l’UQAM et de Lemay, les panneaux solaires ne sont jamais seuls. Ils s’intègrent à de nombreuses autres technologies. « C’est la cerise sur le sundae », ponctue Hugo Lafrance. Un bilan qui différencie encore grandement les initiatives québécoises des grands champs de panneaux solaires français.

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