Pendant que les chantiers au Québec fracassent des records de production de résidus de construction, l’aéroport Montréal-Trudeau (YUL) mène des travaux quasi zéro déchet. Que ce soit pour la réhabilitation d’une piste aérienne ou à l’intérieur du gigachantier de la future station du REM, les entrepreneurs doivent recycler et revaloriser leurs résidus.

Jean-Pierre Bernier, chef environnement des projets majeurs d’Aéroports de Montréal (ADM), a donné rendez-vous à La Presse à la porte 25, à 11 h 50 tapantes, près des arrivées internationales. Il faut acquiescer aux consignes de sécurité, enfiler les bottes réglementaires, puis Martin Massé, vice-président au développement durable, et Jean-Pierre Bernier nous ouvrent la voie à travers des tunnels de contreplaqués.

« Ce qu’on réalise ici avec les déchets de construction, ce sont les standards de demain. Après des années noires, Montréal devient enfin une ville internationale avec ce point d’accès sur le centre-ville », lance M. Massé, s’arrêtant sec sur le flanc d’un trou devant mesurer 35 mètres de profond. Il s’agit de la future station YUL – Montréal-Trudeau du REM, dont la mise en service (maintenant prévue en 2027) a pris du retard.

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Jean-Pierre Bernier, chef environnement des projets majeurs d’Aéroports de Montréal, et Martin Massé, vice-président au développement durable

Juste à côté du cratère, une pelle mécanique déverse un mélange de terre et de gravier en continu. Selon une compilation effectuée par ADM, le chantier du REM de l’aéroport afficherait un taux de récupération de 99,3 % depuis son ouverture. Afin d’y parvenir, M. Bernier explique que la mixture extraite du sol est soumise sur place à un triage, avec un système de tamis mécaniques, pour ensuite prendre la destination d’une réutilisation.

L’entrepreneur doit nous garantir un taux de recyclage et de valorisation d’un minimum de 90 % de ses résidus. C’est à lui de trouver un centre pour réutiliser ce qui sort de terre.

Jean-Pierre Bernier, chef environnement des projets majeurs d’ADM

« On exige un registre démontrant le mode de gestion et la destination par catégories de matières », précise le chef environnement. Il est devenu le chien de garde de la récupération des déchets à l’aéroport un peu malgré lui, concède-t-il.

Martin Massé ajoute que les résidus doivent être entreposés de façon à ne pas contaminer les eaux de ruissellement. La non-atteinte des cibles à la fin du chantier entraîne des pénalités financières substantielles, assure-t-il.

Selon lui, toutes ces règles environnementales vont finir par être payantes pour les entreprises exemplaires. « C’est quand même un petit milieu, la construction. Dans un sens, c’est un investissement pour les entreprises. Elles se font un nom auprès des gestionnaires d’ouvrages majeurs comme nous. »

Plus de 3 millions de tonnes de résidus par an

Chaque année, 3,5 millions de tonnes de résidus de construction, rénovation et démolition (CRD) sont produites au Québec, selon les données recueillies par Recyc-Québec. À titre comparatif, l’ancienne structure du pont Champlain a engendré 250 000 tonnes de béton, 25 000 tonnes d’acier et 12 000 tonnes d’asphalte à valoriser.

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Chaque année, 3,5 millions de tonnes de résidus de construction, rénovation et démolition (CRD) sont produites au Québec.

Dans ce contexte, un chantier de construction atteignant un taux de recyclage ou de revalorisation de 90 % de ses résidus est qualifié « zéro déchet », explique Brigitte Geoffroy, porte-parole de Recyc-Québec.

Selon elle, ce taux est rendu possible grâce à un tri à la source. « Les matières ne sont pas mélangées. Nous avons soutenu l’ADM dans divers projets, ils ont une bonne vision d’ensemble. L’une des clefs pour réduire les résidus de construction est de prévoir des mesures en amont. Les procédés de gestion des CRD doivent être prévus dans les devis. Par exemple, il n’y a aucune raison de ne pas récupérer et réutiliser du bois », ajoute Mme Geoffroy.

Concours

Au Québec, d’autres grands chantiers de construction servent d’exemple dans le domaine de la récupération des déchets. La société des ponts Jacques-Cartier et Champlain a eu l’idée de lancer un concours pancanadien afin de donner une seconde vie à ses vieux matériaux à travers l’art et l’architecture.

Chez Recyc-Québec, on explique que l’avenir de la construction va forcément passer par le « surcyclage ou le recyclage », ce qui signifie la récupération des matériaux ou des produits qui n’ont plus leur usage initial pour les transformer en produits de qualité ou d’utilité supérieure.

« L’avenir passe également par une mutualisation des espaces, c’est-à-dire qu’il faut se poser des questions sur ce qui est déjà bâti et sur la reconstruction, dit Brigitte Geoffroy. Deuxièmement, il y a la notion de design, le choix des matériaux, la durabilité. La clef de la réussite passe par des outils pour réduire les déchets CRD à la source, avec entre autres des grilles de suivi. »

Dans une première version de cet article, on mentionnait que les finalistes du concours de la société des ponts Jacques-Cartier et Chantier seront dévoilés sous peu. Or, ils viennnent d’être nommés. Nos excuses.

En savoir plus
  • GPS
    À l’aéroport Montréal-Trudeau, les mesures vont jusqu’au suivi obligatoire en temps réel, par GPS, des chargements de matériaux.
    Aéroports de Montréal