(Sherbrooke) Les campeurs qui séjournent au Camping des Voltigeurs, à Drummondville, transporteront bientôt leurs bûches dans un sac aux couleurs étrangement familières. Et pour cause : ils seront fabriqués avec la toile beige des tentes Huttopia en fin de parcours, résultat d’une entente d’économie circulaire entre la SEPAQ et l’entreprise d’insertion estrienne Récupex.

Logé en pleine zone industrielle à Sherbrooke, l’entrepôt de Récupex est un véritable carrefour des textiles en quête d’une nouvelle vie.

L’organisme à but non lucratif, qui gère une centaine de cloches de dons en Estrie, est le plus gros récupérateur de vêtements de la région. Il reçoit environ 4 millions de livres de vêtements par an.

Au triage, les plus belles pièces sont conservées pour la coquette friperie t.a.f.i. et cie, située rue Wellington Nord, au centre-ville. Le reste est transféré à l’organisme d’économie sociale Renaissance – sauf les manteaux de cuir et de fourrure. Ceux-là sont mis de côté pour servir de matière première aux sacs, mitaines, étuis et autres coussins fabriqués au deuxième étage, dans l’atelier de couture. Ces créations soignées, confectionnées par des participants au programme Expérience en entreprise d’insertion, de Services Québec, sont également vendues chez t.a.f.i.

  • Mitaines ornées de fourrure récupérée, confectionnées chez Récupex et vendues dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Mitaines ornées de fourrure récupérée, confectionnées chez Récupex et vendues dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

  • Sacs confectionnés chez Récupex avec du cuir et des tissus usagés, vendus dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Sacs confectionnés chez Récupex avec du cuir et des tissus usagés, vendus dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

  • Sacs confectionnés chez Récupex avec du cuir et des tissus usagés, vendus dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

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    Sacs confectionnés chez Récupex avec du cuir et des tissus usagés, vendus dans sa friperie t.a.f.i. et cie.

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Revendre ces manteaux de cuir et de fourrure tels quels dans la friperie rapporterait sans doute plus d’argent, reconnaît le directeur général, Danny Roy.

« Mais on est une entreprise d’insertion : notre objectif est de permettre à des gens de vivre une expérience de travail pour s’intégrer au marché de l’emploi », explique-t-il.

Les participantes (en majorité des femmes) suivent une formation pratique de six mois, à raison de 35 heures par semaine rémunérées par Services Québec. Plusieurs participantes étant immigrantes ou réfugiées, des cours de francisation sont aussi offerts sur place.

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Danny Roy, directeur général de Récupex.

On travaille beaucoup sur le savoir-faire, mais aussi sur le savoir-être, la culture du marché de l’emploi, les bonnes habitudes et la communication au travail.

Danny Roy, directeur général de Récupex

Cette mission, et l’importante capacité d’entreposage de Récupex, a convaincu le responsable du développement durable de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ).

« Dans les cinq prochaines années, on aura environ 500 tentes Huttopia à renouveler », souligne Hugues Sansregret. Ces tentes utilisées pour le prêt-à-camper, une tendance parfois appelée « glamping », doivent être remplacées lorsqu’elles sont trouées ou abîmées, environ tous les cinq ans. Le Parc national du Bic a été le premier à soulever le problème : que faire pour ne pas jeter toute cette toile ?

« On a fait une consultation interne des employées », raconte M. Sansregret. La SEPAQ ayant plusieurs modèles de barbecue, l’idée d’une housse pour ces appareils a dû être écartée. « Mais quand le porte-bûches est sorti à la réunion des responsables de maintenance, tout le monde a dit oui ! »

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Asia Wali, participante au programme d’insertion en entreprise chez Récupex, coud un porte-bûches dans de la toile de tente Huttopia.

Ces sacs de transport ouverts sur les côtés sont constitués d’un simple panneau de textile muni de ganses. La SEPAQ en achète jusqu’à 2000 par an, aux plus bas soumissionnaires retenus par Québec. Mais pour ce nouveau projet, c’est plutôt un service de couture dont elle avait besoin. Ses recherches l’ont amenée chez Récupex.

Après quelques mois à tester des prototypes et des processus de fabrication, l’entreprise a installé un tout nouveau poste de travail au cœur de son entrepôt, avec une table de coupe pour les toiles, une station pour les ganses et deux machines à coudre.

Ça nous permet de diversifier notre offre de formation en couture. Être capable de faire de la répétition et d’aller chercher une certaine rapidité de production, c’est vraiment un plus pour nos participants. Et avec une première entente de trois ans, c’est un projet qui donne une perspective à moyen terme.

Danny Roy, directeur général de Récupex

Chaque porte-bûches doit pouvoir soutenir le poids de 0,7 pied cube de bûches. La toile mate, moins robuste, doit être doublée, ce qui permet de fabriquer 60 porte-bûches par tente, contre 120 avec les tentes au fini lustré. Environ 70 % des toiles est ainsi récupérée. Et c’est sans compter les attaches de métal et la toile des séparateurs intérieurs des tentes, jamais exposée aux intempéries, qui pourraient servir à fabriquer d’autres articles, comme des sacs.

Ce porte-bûches coûte 7 $ à la SEPAQ, soit environ 2,50 $ de plus que le modèle actuellement acheté aux fournisseurs ayant soumissionné aux plus bas prix.

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Un des porte-bûches actuellement utilisés dans les SEPAQ, qui seront progressivement remplacés par ceux fabriqués à partir de toile de tente récupérée.

« Il nous coûte plus cher, mais c’est du bonbon à nos yeux parce qu’on réinjecte l’argent dans l’économie circulaire. On crée des occasions d’emploi et l’argent reste chez nous. Le bénéfice est beaucoup plus grand », fait valoir M. Sansregret.

Et sans ce projet, la SEPAQ aurait dû payer pour se débarrasser de ses 500 tentes. « C’est l’équivalent de six hectares de toile : il y a un coût environnemental et un coût de gestion à cela ! Ça n’a donc pas été très difficile à vendre chez nous. »

Les 800 premiers porte-bûches qui sortiront de chez Récupex d’ici la fin mai iront au Camping des Voltigeurs. Les prochains seront répartis entre les parcs nationaux de Frontenac et de Mont-Mégantic durant l’été. Les autres seront ensuite distribués progressivement dans le reste du réseau de la SEPAQ.