(Montréal) Les Québécois seraient prêts à payer en moyenne un montant de 55 $ par personne annuellement pour protéger les populations de caribous des bois, et ce, sur une durée de 20 ans.

C’est ce que rapporte une étude de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais.

« Notre étude réitère que le caribou des bois est une espèce très appréciée et que la population est prête à soutenir des actions de conservation », a indiqué Jérôme Dupras, professeur et titulaire de la Chaire.

Les scientifiques ont questionné 863 personnes dans le cadre de cette étude.

La grande majorité des répondants (90 %) aimerait que « le gouvernement du Québec mette un peu ou beaucoup plus d’effort » pour protéger l’espèce, avec presque la moitié (48 %) qui favoriserait beaucoup plus d’effort.

Seulement 2 % des personnes interrogées ont rapporté qu’elles souhaitaient moins de support et 8 % des répondants ont indiqué qu’ils ne voudraient aucun changement.

Les chercheurs ont présenté aux répondants différents scénarios de protection du caribou incluant la détérioration de sa protection, le statu quo et l’amélioration de sa situation. Ces scénarios étaient également accompagnés de contribution financière.

Les résultats de l’exercice montrent qu’en moyenne, la population québécoise est prête à financer le rétablissement des populations du caribou à la hauteur de 55 $ par année sur une période de 20 ans.

Le professeur Dupras a expliqué « qu’il n’y avait pas, à l’intérieur de l’étude, de choix sur les types d’actions » que les Québécois voudraient voir pour protéger le caribou, mais que « ces actions, elles sont connues, il faut faire une restauration écologique ».

Ce qu’il faut retenir, selon lui, c’est le « signal » que la population envoie au gouvernement.

« On a un reflet quantifié exact de ce que les gens désirent qu’on fasse avec leur argent en termes de biodiversité, donc ils souhaiteraient que 55 $ en moyenne de leurs impôts qu’ils paient chaque année, soit dédié à la protection et la restauration du caribou. »

Cette contribution individuelle représenterait une valeur de 258 millions annuellement, selon l’étude.

Une enquête commandée par le ministère

L’étude découle d’une commande effectuée par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs il y a quelques années.

« C’était une étude sur la valeur économique des espèces menacées au sens large », a précisé Jérôme Dupras.

L’enquête portait également sur le rétablissement de la tortue des bois, le chevalier cuivré, le béluga et le bourdon à tache rousse.

« L’étude révisée par les pairs, elle est parue à l’automne dernier et ensuite, on est retourné dans cette base de données et avec nos traitements statistiques, on a pu isoler les données sur le caribou spécifiquement », parce qu’il s’agit d’une espèce que les Québécois affectionnent particulièrement, a expliqué le chercheur Jérôme Dupras.

Les répondants étaient également invités à donner leur avis, à partir de choix de réponses, sur les raisons pour lesquelles certaines espèces vulnérables les attiraient plus que d’autres.

La raison la plus souvent choisie (60 %) était « les espèces à statut précaire jouent un rôle écologique important », suivi de « les espèces à statut précaire sont très vulnérables » à 47 %, « les espèces à statut précaire sont emblématiques pour le Québec » à 38 %, « les espèces à statut précaire sont rares » à 31 % et « J’ai lu/écouté quelque chose sur ces espèces et ça m’a marqué » à 29 %, souligne l’enquête.

Le caribou poursuit son déclin

Les populations de caribous du Québec, fortement perturbées par l’activité humaine, poursuivent leur déclin selon les derniers inventaires publiés en début d’année par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

Ces inventaires ont été réalisés en 2021 et 2022 dans la région de la Gaspésie, du Nord-du-Québec et de la Côte-Nord, et dans les trois régions les populations continuent de décliner, principalement en raison de la destruction de leur habitat. Seule la population de caribous de Caniapiscau serait en croissance.

Une stratégie sera présentée en juin

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, doit présenter sa stratégie de protection du caribou en juin prochain.

Mardi, lors d’une étude de crédits budgétaires à Québec, le ministre a expliqué que de nouvelles aires protégées seront bientôt annoncées.

« Il y aura des aires protégées, annoncées dans les prochaines semaines, je ne commencerai pas à nommer, au risque d’en oublier. Puis, il reste encore du travail à compléter de notre côté. Mais il y aura aussi des mesures de protection sur le côté du Pipmuacan. Ça, c’est un incontournable », a-t-il dit.

Le Conseil des Innus de Pessamit demande depuis longtemps que soit protégé le secteur du lac Pipmuacan pour empêcher notamment l’industrie forestière de décimer le cheptel de caribou dans cette région située au nord-est de la ville de Saguenay.

En août 2022, le conseil avait même envoyé une mise en demeure à Ottawa et Québec pour qu’ils protègent le caribou dans cette région.