La modernisation du Code de gestion des pesticides proposée par Québec, qui fait l’objet d’une consultation publique jusqu’à ce samedi, s’attire des commentaires positifs, mais aussi des demandes de correctifs. Les herbicides contenant du glyphosate, comme le Roundup, ne devraient plus être vendus directement aux particuliers, réclament plusieurs voix.

« L’une des choses qu’on salue énormément, c’est que le Code va étendre l’interdiction au-delà de la surface gazonnée pour inclure l’ensemble des espaces verts et l’intérieur des bâtiments », a commenté Nadine Bachand, analyste principale, agriculture et alimentation, chez Équiterre, en entrevue téléphonique.

« C’est quand même un grand pas en avant », nous a aussi dit Micheline Lévesque, présidente de Solutions Alternatives Environnement (SAE), qui a aidé plusieurs municipalités à se doter d’une réglementation anti-pesticides plus sévère que l’actuel Code provincial, en vigueur depuis 2003.

C’est « un pas dans la bonne direction », estime aussi la Ville de Granby, en Estrie, qui a renforcé son propre règlement en début d’année.

« Avec une réglementation qui s’applique à l’ensemble du Québec, cela évite les disparités d’application entre les différentes villes », a relevé l’attaché de presse de la mairie, Cédrick Beauregard, par courriel.

« Niveler par le haut »

Le nombre d’ingrédients actifs interdits dans les produits vendus aux particuliers sera presque triplé, passant de 22 à 61, prévoit le nouveau Code. « Une hausse remarquable », ont reconnu les organismes Victimes des pesticides du Québec et Vigilance OGM dans un communiqué conjoint.

Toutefois, le glyphosate, herbicide connu sous la marque Roundup, « manque à l’appel », ont-ils dénoncé dans un point de presse tenu devant le parlement lundi dernier.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE VICTIMES DES PESTICIDES DU QUÉBEC

Point de presse de Vigilance OGM et Vicitimes des pesticides du Québec devant le parlement, le 3 avril à Québec

Les deux groupes demandent à Québec d’ajouter le glyphosate à sa liste d’interdiction de vente aux particuliers. Ils citent notamment les changements promis par Bayer, le fabricant du Roundup, aux États-Unis.

Dans les produits destinés au marché américain des pelouses et jardins résidentiels, le glyphosate sera remplacé par d’autres ingrédients actifs à partir de 2023, a annoncé Bayer il y a deux ans.

Un geste posé uniquement « pour gérer les risques de poursuites et non en raison d’inquiétudes quant à l’innocuité », précise le site de la multinationale.

Victimes des pesticides et Vigilance OGM demandent à Québec de « niveler par le haut », et aux citoyens de participer à la consultation.

Équiterre recommande aussi d’ajouter les herbicides à base de glyphosate à la liste des interdictions de vente aux particuliers.

À Montréal et Granby seulement

Montréal et Granby sont les deux seules villes québécoises à avoir adopté de telles interdictions. Cette dernière invite Québec « à considérer de modifier son règlement avant son adoption et d’ajouter le glyphosate », a commenté la mairie.

« Le glyphosate n’a pas sa place en milieu urbain », nous a aussi déclaré le cabinet de la mairesse Valérie Plante.

Pour les problèmes graves d’espèces exotiques envahissantes, comme la renouée du Japon, la berce du Caucase ou l’herbe à puces, « on n’a aucun autre outil de contrôle que le glyphosate en ce moment », note la présidente de SAE.

Ces cas extrêmes étant gérés par des firmes spécialisées, « on pourrait se passer d’une utilisation citoyenne de ces produits-là ».

Le cercle barré rouge disparaîtra des affichettes des firmes qui appliqueront des biopesticides ou des ingrédients comme le borax, remplacé par un cercle barré jaune, prévoit le nouveau Code. Équiterre et Mme Lévesque demandent le maintien du rouge. Autrement, les citoyens risquent de penser qu’il y a « moins de danger » et de faire « moins attention », explique cette dernière.

Le défi de l’application

« Même si on améliore le Code de gestion et qu’on resserre les règles, serons-nous davantage en mesure de l’appliquer ? », a soulevé la conseillère en environnement de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, Marie-Lou Lacasse, par courriel.

Même après avoir été trouvées en défaut, des entreprises continuent d’appliquer des pesticides interdits à Salaberry-de-Valleyfield, parfois à l’insu des clients qui font appel à leurs services, avait dénoncé la municipalité l’été dernier1.

Le service de contrôle environnemental du ministère de l’Environnement, qui compte plus de 300 inspecteurs, aura « des moyens accrus pour intervenir », a assuré son porte-parole par courriel. Les changements annoncés prévoient des sanctions administratives pécuniaires, une hausse des amendes et des avis d’exécution, détaille Frédéric Fournier. L’entrée en vigueur étalée sur deux ans devrait aussi aider, dit-il.

Équiterre demande aussi des modifications relativement à certains usages permis – dans les lieux pouvant être fréquentés par des enfants, ou pour maintenir la salubrité ou l’intégrité d’un bâtiment, contre des fourmis charpentières, par exemple. « On n’est pas contre, mais comment ça va être contrôlé ? », demande Mme Bachand. Il faudrait « une hiérarchisation de solutions alternatives reconnues » afin que les pesticides de synthèse ne soient utilisés « qu’en tout dernier recours », dit-elle.

Équiterre salue par ailleurs le fait qu’en agriculture, tout usage de semences enrobées de pesticides devra être justifié par une prescription agronomique. Cette exigence, qui touchait déjà les semences enrobées de néonicotinoïdes, vise « une meilleure protection de la vie aquatique et des abeilles », soulignent les documents du Ministère.

Consultez la page du ministère de l’Environnement sur la consultation publique 1. Lisez « Des règles bafouées encore et encore »
En savoir plus
  • 60,5 tonnes
    Quantité d’ingrédients actifs utilisés qui serait évitée annuellement en vertu des interdictions proposées en milieu urbain, pour l’entretien des espaces verts et des plantes d’intérieur ainsi que pour la gestion parasitaire
    Source : Mémoire du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, au Conseil des ministres du gouvernement du Québec, 9 février 2023