(Montréal) Un accord « historique » pour renverser le déclin mondial de la biodiversité a été arraché dans la nuit de dimanche à lundi, à la 15e conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15), à Montréal.

Le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal a été adopté en plénière, vers 3 h 30 du matin, après une longue journée de tractations marquée par un bras de fer entre la présidence chinoise de la conférence et la République démocratique du Congo.

L’objectif phare de protéger « au moins 30 % des terres, des eaux intérieures et des océans » y demeure, et une voie de passage a été trouvée pour solutionner l’épineuse question du financement des mesures de protection de la biodiversité dans les pays en développement.

Un fonds d’affectation spécial consacré spécifiquement à la biodiversité sera créé à même le Fonds pour l’environnement mondial et sera doté d’au moins 20 milliards de dollars par année d’ici 2025 et d’au moins 30 milliards d’ici 2030, contentant à la fois l’Union européenne qui refusait la création d’un nouveau fonds et les pays en développement qui en réclamaient un.

« Nous avons ensemble franchi un pas historique ce soir », s’est exclamé Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique.

On a finalement le « moment Paris » pour la biodiversité, ici, à Montréal. C’est sincèrement un moment qui va marquer l’histoire comme Paris l’a marquée pour le climat.

Steven Guilbeault

L’accord est « à la fois fragile et historique », estime Eddy Perez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.

« Son succès sera mesuré par sa mise en œuvre », dit-il.

Or, si le cadre est ambitieux, il « demeure faible » quant aux mesures qui seront déployées pour réaliser ses objectifs, estime M. Pérez.

Au niveau mondial, le principal défi sera donc de trouver le financement.

Sur le plan national, la priorité du Canada, selon M. Perez, serait d’adopter rapidement une loi sur la biodiversité.

Il faut garder le momentum. C’est quand même transformateur ce qui vient de se passer.

Eddy Pérez

Compromis

L’accord final a été expurgé de certains passages qui bloquaient l’atteinte d’un consensus, dans les derniers jours.

La cible chiffrée de réduction de l’usage des pesticides, qui était dans une ébauche précédente d’au moins 50 %, voire les deux tiers, a été abandonnée dans la version finale, qui évoque plutôt une réduction de moitié du « risque global lié aux pesticides et aux produits chimiques hautement dangereux ».

L’élimination des rejets de déchets de plastique et de déchets électroniques a été remplacée par « prévenir, réduire et travailler à l’élimination de la pollution plastique ».

La Vision mondiale pour la biodiversité à l’horizon 2050 a en outre été dépouillée de ses objectifs intermédiaires pour 2030, ce qui rendra « difficile d’évaluer si oui ou non le cadre mondial pour la biodiversité génère réellement des impacts positifs sur les écosystèmes », s’est inquiété l’organisation non gouvernementale Avaaz.

De la bisbille, mais une procédure respectée

PHOTO ANDREJ IVANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le délégué de la République démocratique du Congo, s’exprimant lors de la plénière.

Déplorant le « manque d’ambition » du texte sur la question du financement des mesures de conservation et sur l’objectif de protection de 30 % des terres, des eaux intérieures et des océans, la République démocratique du Congo (RDC) s’est dite lors de la plénière « dans l’incapacité d’appuyer l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité post-2020 dans son état actuel », jetant un froid dans la salle.

Le Mexique a ensuite pris la parole et lancé « un appel au bon sens, à la souplesse » et demandé l’adoption du cadre mondial, provoquant un tonnerre d’applaudissements et une ovation debout.

Après plusieurs minutes de discussions à micro fermé avec son entourage, le président de la COP15 et ministre chinois de l’Environnement Huang Runqi a déclaré avoir entendu l’« appui retentissant de la salle » envers le projet d’accord et proposé son adoption, enchaînant avec un coup de maillet symbolique et déclarant le texte adopté, provoquant un nouveau tonnerre d’applaudissements.

PHOTO ANDREJ IVANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre chinois de l’Environnement et président de la COP15, Huang Runqi.

Cette adoption rapide a néanmoins été critiquée par certains pays africains, le Cameroun déplorant « un passage en force » et l’Ouganda s’inscrivant en faux contre « la manière » employée.

Le conseiller juridique de la Convention sur la diversité biologique a pris la parole pour signaler qu’il n’avait entendu aucune objection formelle, mais seulement « des observations ».

« Ce qui a lieu aujourd’hui est dépourvu de toute erreur du point de vue juridique », a-t-il précisé.

Le ministre Steven Guilbeault s’est également dit complètement à l’aise avec le déroulement de l’adoption de l’accord.

« J’ai été dans plusieurs COP où les choses ont déboulé rapidement, a-t-il dit. Ce n’est pas la première fois que ça arrive dans une réunion des Nations unies, et c’est peu probable que ce soit la dernière d’ailleurs. »

En savoir plus
  • 6
    nombre de documents adoptés dans la nuit de dimanche à lundi, dont le nouveau cadre mondial pour la biodiversité post-2020
    Source : Secrétariat de la Convention SUR la diversité biologique
    33 %
    proportion des réductions d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour réaliser les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat qui pourraient provenir de solutions fondées sur la nature
    SOURCE : RAPPORT PERSPECTIVES MONDIALES DE LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE 5