La biodiversité aura-t-elle finalement son « Accord de Paris » avec un cadre mondial ambitieux ralliant 196 pays ? Le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a parlé « d’avancées historiques » dimanche après-midi à la COP15 qui se tient à Montréal.

« C’est un très très bon texte et je ne suis pas le seul à le dire. Vous avez probablement entendu plusieurs représentants d’ONG le mentionner également », a affirmé Steven Guilbeault, dimanche après-midi, dans une mêlée de presse à sa sortie d’une rencontre de négociations.

Dimanche matin, une nouvelle ébauche d’accord final ambitieuse, mais expurgée de certains passages qui bloquaient l’atteinte d’un consensus, a été publiée, à la veille de la conclusion de la 15conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15).

Le texte portant sur le cadre mondial pour la biodiversité post-2020, la pièce maîtresse de l’accord, ne contient plus de crochets, qui encadraient les passages sur lesquels il y avait désaccord.

« Dans la salle dans laquelle nous nous trouvons, il y a plusieurs pays qui ont même proposé d’adopter le texte tel quel. C’est ma 22e ou 23e COP quand on compile les COP climat et les COP biodiversité et je n’ai jamais entendu ça. Un texte de la présidence qui est présenté comme ça et qui d’emblée est appuyé inconditionnellement par plusieurs pays à la fois du nord et du sud, c’est assez exceptionnel », a souligné M. Guilbeault

« La présidence [chinoise de la COP15] a présenté un texte avec un degré d’ambition inattendu, quand même assez élevé, et avec une proposition pour le financement international qui dépasse ce que les pays développés voulaient », soutient Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada.

« La chine vise haut », constate-t-il, évoquant néanmoins un texte qui « n’est pas parfait » et qui continuera de faire l’objet de tractations d’ici lundi.

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Le directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action climat Canada, Eddy Pérez

L’épineuse question du financement des mesures de protection de la biodiversité dans les pays en développement est tranchée par la présidence chinoise, qui propose la création d’un nouveau fonds dédié à la biodiversité.

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« Il y a un fonds et il y a l’argent », constate Eddy Pérez.

« C’est un texte très équilibré. Même ceux qui aimeraient avoir un peu plus reconnaissent qu’il y a beaucoup d’équilibre dans ce texte-là. Et en termes de financement, on va beaucoup plus loin que ce qui était prévu. On va même plus loin que ce qu’on a du côté des changements climatiques par exemple », a dit Steven Guilbeault.

L’un des nombreux documents mis en ligne dimanche matin par la présidence chinoise « reconnais l’urgence d’accroître le financement international de la biodiversité et d’établir un Fonds mondial pour la biodiversité dédié et accessible en 2023 ».

La proposition prévoit un financement d’au moins 20 milliards de dollars par année d’ici 2025 et d’au moins 30 milliards d’ici 2030.

La création de ce fonds est la principale demande de plusieurs pays en développement, qui réclamaient un fonds entièrement dédié à la biodiversité, contrairement au Fonds pour l’environnement mondial (FEM), qui ratisse plus large.

Il reste à voir si l’Union européenne entérinera cette proposition. Son représentant a mentionné plus d’une fois qu’il s’opposait à la création d’un nouveau fonds.

L’objectif phare d’un éventuel cadre mondial pour la biodiversité semble en voie d’être adopté ; il est toujours question à l’objectif 3 de protéger « au moins 30 % des terres, des eaux intérieures et des océans ».

Mais la mention « au niveau national », qui était entre crochets, a été expurgée, ainsi que l’obligation de mettre en place des aires protégées « dont une partie substantielle [est] strictement protégée ».

Il est juste de dire qu’il y a aussi du bon dans ce qui a été proposé, signale Georgina Chandler, agente principale de la politique internationale au sein de l’organisation International Climate Politics Hub.

« La mission, arrêter et renverser la perte de biodiversité d’ici 2030, est forte et nous sommes très heureux de constater cela », ajoute-t-elle.

Le fait que nous nous entendons pour protéger 30 % de la surface terrestre et des océans, c’est un immense succès. Il y a une entente également sur toute la question de la restauration des terres dégradées. On s’entend sur la réduction des risques associés à l’utilisation des pesticides. Toutes ces choses-là sont des choses dont les écologistes, moi le premier, rêvons depuis très longtemps et nous y sommes presque ici à Montréal.

Steven Guilbeault.

La nouvelle ébauche propose également de réduire d’ici 2030 l’impact négatif de la pollution de toutes sources « à des niveaux qui ne sont pas nuisibles à la biodiversité et aux fonctions et services écosystémiques », ayant laissé tomber le passage « et à la santé humaine » qui était entre crochets dans la version précédente.

La cible chiffrée de réduction de l’usage des pesticides, qui était dans l’ébauche précédente d’au moins 50 %, voire les deux tiers, a été abandonnée dans la nouvelle ébauche, qui évoque plutôt une réduction de moitié du « risque global lié aux pesticides et aux produits chimiques hautement dangereux ».

En revanche, la cible de réduire « d’au moins la moitié » l’excès de nutriments perdus dans l’environnement est maintenue.

L’élimination des rejets de déchets de plastique et de déchets électroniques a été remplacée par « prévenir, réduire et travailler à l’élimination de la pollution plastique ».

La Vision mondiale pour la biodiversité à l’horizon 2050 a en outre été dépouillée de ses objectifs intermédiaires pour 2030, ce qui inquiète nombre d’observateurs.

« Sans ceux-ci, il sera difficile d’évaluer si oui ou non le cadre mondial pour la biodiversité génère réellement des impacts positifs sur les écosystèmes », a déploré l’organisation non gouvernementale Avaaz.

Les délégués des 196 pays membres de la Convention sur la diversité biologique se réuniront en plénière en après-midi, et à nouveau en soirée ; il est possible, mais incertain, qu’ils adoptent alors l’accord final.