Les négociations se sont poursuivies très tard dans la nuit de dimanche à lundi à Montréal. Une séance plénière d’abord annoncée à 18 h, reportée plus d’une fois en soirée, a finalement débuté à 2 h 55 du matin. En coulisses, les négociateurs ont multiplié les rencontres pour arracher un accord « historique ».

Un accord en vue

En fin d’après-midi, dimanche, plusieurs observateurs signalent à La Presse qu’un accord est en vue et qu’il pourrait même être adopté le soir même, 24 heures avant la clôture officielle de la COP15 à Montréal. Le sourire en coin, Eddy Pérez, directeur de la diplomatie climatique internationale au Réseau action-climat, nous invite à rester au Palais des congrès pour toute la soirée. Sur Twitter, le journaliste français Thomas Baïetto écrit à 21 h 56 qu’« un négociateur européen confirme que cela va se dénouer dès ce soir, avec un jour d’avance ». « La présidence chinoise a été très rusée, elle a déposé un texte qui n’était pas une “merde”, on était tous coincés », lui confie sa source.

Ça se complique…

Le temps passe, et aucune plénière en vue, signe que les négociations achoppent encore. Toujours sur Twitter, le journaliste Thomas Baïetto écrit à 22 h 46 que « le ministre [français de la Transition écologique] Christophe Béchu croit plutôt à une adoption de l’accord demain matin : “Nous n’avons pas encore le texte, il faut le traduire dans toutes les langues”, explique-t-il ». Des sources indiquent aussi à La Presse que l’Union européenne et le Brésil se font tirer l’oreille. La République démocratique du Congo (RDC) se dit insatisfaite de l’accord qui est sur la table. L’Argentine ruerait aussi dans les brancards.

D’intenses tractations

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Le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, s’adresse à des journalistes avant la séance plénière.

La soirée avance et les négociateurs comprennent que la principale opposition à l’adoption d’une entente vient de la République démocratique du Congo. En entrevue avec La Presse, lundi, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, indique que c’est en travaillant à une modification mineure, qui était une question de syntaxe, « qu’on a compris que le Congo [RDC] ne voulait rien savoir et que le Cameroun était avec eux, et l’Ouganda ». Steven Guilbeault précise que la présidence chinoise a demandé au Canada de rencontrer les représentants du Cameroun. On a également demandé si les Canadiens « avaient des contacts au Congo ». « J’ai dit non, on n’en a pas beaucoup, mais on va demander aux Britanniques, aux Américains, qui eux en ont plus. On a fait ça pendant plusieurs heures », a ajouté M. Guilbeault. Une source a précisé lundi à La Presse que le Royaume-Uni est effectivement intervenu auprès de la RDC.

Coup de théâtre en pleine nuit

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Un représentant de la République démocratique du Congo lors de la séance plénière

La séance plénière est ouverte avec huit heures de retard. Il est 2 h 55. Après avoir expliqué le déroulement de la rencontre, le président de la COP15, le ministre chinois de l’Écologie et de l’Environnement, Huang Runqiu, donne la parole à la République démocratique du Congo. Après un très long préambule, son représentant affirme que son pays « est dans l’incapacité d’adopter le cadre mondial dans son état actuel ». La RDC n’est pas satisfaite des sommes prévues dans l’accord pour le financement international des pays en développement. C’est la consternation dans la salle. De rares applaudissements se font entendre après l’intervention congolaise.

Le Mexique saute dans l’arène

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Des délégués applaudissent après la déclaration du Mexique.

La représentante du Mexique demande à prendre la parole après la RDC. « Il n’y aura jamais de texte parfait, la perfection est l’ennemi du bien », déclare-t-elle. Elle demande au président de procéder à l’adoption de tous les documents qui ont été rendus disponibles vers 2 h 30 du matin. Elle termine son allocution en affirmant : « Demain, c’est mon anniversaire, et le meilleur cadeau que je puisse demander, c’est l’adoption du cadre mondial post-2020. » Un tonnerre d’applaudissements se fait entendre. Presque tous les délégués présents se lèvent pour manifester leur appui au Mexique. Il est 3 h 20 du matin.

Une pause avant l’adoption

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D’un geste symbolique, le président de la COP15 officialise l’adoption de l’accord d’un coup de marteau.

Le président de la COP15 consulte son équipe et des membres du Secrétariat de la Convention de la diversité biologique pendant plusieurs minutes. La tension est vive dans la salle. Vers 3 h 30, Huang Runqiu ouvre son micro. En mandarin, il déclare que tous les documents constituant le nouvel accord de Kunming-Montréal, incluant le nouveau cadre mondial pour la biodiversité, sont adoptés. D’un geste symbolique, il donne un coup de marteau, officialisant leur adoption. La salle se lève à nouveau et applaudit vivement la décision. Cependant, le Cameroun et l’Ouganda protestent contre ce qu’ils jugent être « un abus de procédure ». Ils indiquent néanmoins qu’ils appuient l’accord.

La RDC se rallie

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La représentante de la République démocratique du Congo serre la main du président de la COP15 et ministre chinois de l’Environnement, Huang Runqiu.

Lundi après-midi, des rumeurs circulent voulant que la République démocratique du Congo puisse tenter de contester l’adoption de l’accord. Sur Twitter, le journaliste du quotidien The Guardian Patrick Greenfield écrit qu’une entente serait intervenue pour abandonner les objections soumises la veille par la RDC. On s’attendrait cependant à une forme d’excuse de la présidence chinoise. Dans la salle où une nouvelle séance plénière est prévue, des représentants de la Chine discutent de longues minutes avec la représentante congolaise. Le président Runqiu ouvre finalement la séance plénière en fin d’après-midi et donne immédiatement la parole à la RDC. « Mon pays, la RDC, […] félicite également pour l’adoption du cadre mondial pour la biodiversité post-2020 et ses cinq autres décisions qui l’ont accompagné », indique-t-elle d’entrée de jeu. Elle précise cependant que la RDC souhaite que ses réserves au sujet de la cible 19 (sur le financement international) « apparaissent clairement dans le rapport final de la COP15 ». « J’ai écouté ce que vous avez dit. J’en prends bonne note », répond le président.

Avec la collaboration de Jean-Thomas Léveillé, La Presse