Le gouvernement Legault n’est pas « fermé à l’idée », mais n’a aucun échéancier en vue pour réformer la Loi sur les espèces menacées et vulnérables adoptée il y a 33 ans. Et Québec ne montre aucun empressement à modifier son règlement sur les habitats fauniques malgré des consultations commencées il y a six ans.

Si le gouvernement du Québec était un précurseur en 1989 avec l’adoption d’une loi destinée à la protection des espèces menacées, il a depuis été dépassé, entre autres par le gouvernement fédéral et sa Loi sur les espèces en péril, entrée en vigueur en 2002 et beaucoup plus contraignante.

Or, malgré les demandes répétées de plusieurs groupes environnementaux, le gouvernement de François Legault n’est pas pressé de réformer la législation québécoise.

Lors de son passage mardi au Palais des congrès de Montréal, où se tient la COP15, le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, n’a pas voulu prendre d’engagement clair à ce sujet.

Au niveau de changements législatifs, on est en train d’examiner le tout. On n’est absolument pas fermés à l’idée, mais il fallait y aller avec une certaine mise à jour dans un premier temps, ce qui n’avait pas été fait au niveau des espèces fauniques depuis 2009.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

« C’est un tout nouveau mandat qui débute pour ce qui est du gouvernement, avec plein de défis. On sait qu’on n’aura pas le temps de s’ennuyer, donc c’est quelque chose qu’on évalue de notre côté », a-t-il ajouté.

Occasion manquée

Selon Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la Société pour la nature et les parcs au Québec (SNAP Québec), « Québec aurait pu poser un geste fort à la COP15 en annonçant son intention de réformer la Loi sur les espèces menacées et vulnérables ». « Le ministre [Charette] aurait pu au moins confirmer son intention de moderniser la loi, surtout qu’elle est très loin des standards internationaux en vigueur », ajoute M. Branchaud.

Il salue l’ajout de nouvelles espèces fauniques à la liste des espèces menacées au Québec, « un geste qui va dans la bonne direction, mais qui, dans les faits, n’apporte absolument rien pour la protection de ces espèces ».

Rappelons que le gouvernement du Québec a mis à jour récemment sa liste d’espèces menacées ou vulnérables, qui n’avait pas été revue depuis 2009. De nouvelles espèces ont été inscrites au registre et le statut de la rainette faux-grillon de l’Ouest est passé de « vulnérable » à « menacée ». Aucun changement n’a été apporté cependant pour le caribou, malgré des menaces de groupes autochtones de porter l’affaire devant les tribunaux si de nouvelles mesures de protection ne sont pas déployées.

Or, sans une réforme de la loi, les espèces menacées au Québec ne seront pas davantage protégées par un simple statut, croit Alain Branchaud. Par exemple, Québec pourrait modifier rapidement son règlement sur les habitats fauniques pour l’étendre aux terres privées, signale-t-il.

Une telle modification permettrait à Québec de mieux protéger des espèces comme la rainette faux-grillon de l’Ouest, par exemple, dont les habitats se trouvent très souvent sur des terres privées. Rappelons que cette espèce a bénéficié de deux décrets d’urgence du gouvernement fédéral en cinq ans pour stopper des projets qui avaient été autorisés par le ministère québécois de l’Environnement, et ce, même si la rainette faux-grillon était inscrite au registre québécois des espèces menacées ou vulnérables.

Une telle réforme du règlement est dans les cartons du gouvernement québécois depuis 2016, rappelle Anne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois de l’environnement (CQDE).

« Tout un travail a été bien entamé. Il y a eu des réflexions. Des consultations ont été menées. Six ans, c’est long », signale MDoré. Le CQDE dit toujours attendre d’ailleurs une proposition de texte pour un nouveau projet de règlement.

Quant à une réforme de la loi, « la porte était grande ouverte pour que le ministre [Charette] fasse une annonce », croit Anne-Sophie Doré.

« Le ministre pourrait engager dès maintenant un chantier de réforme [de la loi] en formant un comité à cet effet. On n’est pas obligés d’attendre », ajoute Alain Branchaud.

« En 1989, Québec a été un précurseur. On a été parmi les premiers en Amérique du Nord à adopter une loi sur les espèces menacées, rappelle M. Branchaud. Actuellement, ce n’est pas une priorité du gouvernement, mais nous, on pense que ça devrait l’être. Québec pourrait y voir une urgence à modifier la loi. »