La COP27 risque d’aboutir à un résultat décevant et néfaste pour l’humanité si les négociations continuent d’avancer aussi « lentement », s’inquiètent des observateurs de la grand-messe annuelle du climat.

À un peu plus de 24 heures de l’échéance prévue de cette 27e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tient jusqu’à vendredi à Charm el-Cheikh, en Égypte, l’ébauche de déclaration finale en laisse beaucoup sur leur faim.

« Le travail est très peu avancé », juge Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada, jointe par La Presse mercredi soir.

La présidence égyptienne ne semble pas reconnaître l’urgence de la situation [et] ne semble pas comprendre que sa performance en tant qu’hôte sera jugée sur la clarté et la conviction de la déclaration finale.

Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales du Réseau action climat Canada

Certains poids lourds de la communauté internationale retardent le groupe, déplore Mme Brouillette, citant le Brésil qui suggérait « de ne même pas avoir de déclaration finale ».

C’est certes le propre des grandes conférences internationales de progresser laborieusement, mais « cette année, les discussions sont particulièrement lentes », constate lui aussi Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques d’Équiterre.

« C’est une COP de mise en œuvre [des ententes conclues précédemment], donc c’est encore plus difficile de s’entendre », poursuit-il.

Abandonner les énergies fossiles

L’élimination progressive des combustibles fossiles, qui est nécessaire pour freiner la hausse de la température planétaire, doit figurer en toutes lettres dans la déclaration finale, exhortent de nombreux observateurs.

À la COP26, il y a un an, seule l’élimination progressive du « charbon sans système de capture et de stockage du carbone » (unabated coal) avait fait son chemin jusque dans la déclaration finale, une première.

C’est ça, la réalité de prendre des décisions à l’unanimité avec 196 parties. C’était une petite victoire l’an passé, là on espère aller plus loin.

Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques d’Équiterre

L’intégration d’une référence à la nécessité de mettre fin à « la dépendance de l’économie mondiale à toutes les sources de combustibles fossiles, pas seulement le charbon » dans la déclaration finale est la « grande question » de ce sprint final de négociations, estime Caroline Brouillette.

Elle voit ainsi d’un bon œil la déclaration du Groupe des 20 économies principales de la planète (G20), qui s’est dit mercredi déterminé à poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5 °C, au terme de son sommet qui se tenait à Bali, en Indonésie.

« Ça donne une impulsion », croit-elle.

Le fameux « article 6 »

Encore cette année, les discussions achoppent sur le fameux article 6 de l’accord de Paris, qui porte sur les échanges de droits d’émission entre pays.

« On est encore en train de négocier l’accord de Paris, qui a été conclu il y a sept ans », s’exaspère Émile Boisseau-Bouvier.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Militant pour le climat devant la station balnéaire égyptienne de la mer Rouge, à Charm el-Cheikh, mercredi, lors de la conférence sur les changements climatiques COP27.

Plusieurs propositions « épeurantes » ont d’ailleurs été faites dans le cadre de ces discussions, souligne-t-il, comme la « fertilisation des océans » avec des produits chimiques dans le but de stimuler la croissance de certains organismes pour qu’ils séquestrent davantage de carbone.

On commence à jouer aux magiciens, si on va dans cette direction-là.

Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques d’Équiterre

Ces « excellentes fausses solutions » détournent l’attention du « vrai problème », soit l’utilisation des combustibles fossiles qui continuent de rejeter du carbone dans l’atmosphère, déplore M. Boisseau-Bouvier.

Pertes et préjudices

L’une des « pièces maîtresses » de la COP27 serait la conclusion d’une entente sur la question des « pertes et préjudices » subis par les pays en développement en raison des changements climatiques, indique Caroline Brouillette.

Le seul ajout de ce sujet au programme des discussions était en soi une « grande victoire », ajoute Émile Boisseau-Bouvier, mais rien n’est acquis, reconnaît-il.

La démonstration de force d’un groupe de quelque 130 pays qui ont réclamé un fonds sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a amené « plusieurs pays riches [à] adoucir leur position », note Caroline Brouillette.

Or, « les États-Unis refusent de bouger, ne serait-ce que d’un poil », regrette Caroline Brouillette.

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Militantes représentant des organisations non gouvernementales (ONG) lors d'une discussion sur la forêt amazonienne à laquelle participe le président désigné du Brésil lors de la conférence sur le climat COP27, dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh, mercredi.

« Ils savent qu’en vertu des principes de la CCNUCC et de l’accord de Paris, ils sont parmi les plus grands responsables de la crise climatique et donc des pertes et préjudices », avance-t-elle comme explication.

Tout n’est toutefois pas noir, indique Mme Brouillette, soulignant que de nouveaux États se sont joints durant la COP27 à l’Alliance au-delà du pétrole et du gaz, qui travaille à l’élimination progressive de ces combustibles, et dont le Québec avait été l’un des membres fondateurs à la COP26.

« C’est quelque chose d’extrêmement rafraîchissant dans le contexte d’une COP dominée par la présence de lobbyistes des énergies fossiles et de l’écoblanchiment. »

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  • 12 jours
    Durée prévue de la COP27
    Source : Organisation des Nations unies