(Québec) Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université Laval suggère que les saumons de l’Atlantique pêchés puis remis à l’eau se reproduisent moins que ceux qui n’ont pas mordu à l’hameçon.

Ces nouvelles conclusions contredisent celles d’une autre étude menée il y a dix ans et ouvrent la porte à une réflexion sur un meilleur encadrement de la pratique de la remise à l’eau, croit l’auteur principal de la recherche.

L’étude publiée dans la revue Fisheries Management and Ecology s’est intéressée aux saumons de la rivière Rimouski. Ils ont constaté à l’été 2018 que le succès reproducteur de saumons pêchés puis remis à l’eau a été 27 % plus faible que celui des saumons qui n’ont pas croisé le chemin d’un pêcheur.

« Un combat entre un saumon et un pêcheur peut durer jusqu’à 30 minutes. C’est stressant et épuisant pour ces poissons », note Raphaël Bouchard, doctorant en biologie à la faculté des sciences et de génie de l’Université Laval dans l’équipe du professeur Louis Bernatchez.

« De plus, comme ils ne s’alimentent plus depuis plusieurs semaines, ils doivent puiser dans leurs réserves pour survivre, ajoute-t-il. Leur succès reproducteur peut en souffrir. »

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont pris l’empreinte génétique de 475 adultes capturés alors qu’ils s’engageaient dans la rivière. Puis, un an plus tard, ils ont capturé quelque 2500 alevins pour examiner leur ADN et remonter jusqu’à leurs parents.

Après ces laborieuses manœuvres, les chercheurs ont pu calculer le succès reproducteur de 33 adultes capturés et remis à l’eau en 2018. Au final, les saumons remis à l’eau ont eu proportionnellement moins de descendants (- 27 %).

Des hypothèses sur la température de l'eau

Il ne s’agit pas de la première étude à se pencher sur ce sujet important pour la communauté des pêcheurs qui pratiquent la remise à l’eau, une façon de faire qui se veut plus éthique et pérenne. L’équipe du professeur Bernatchez n’avait noté il y a dix ans aucun impact de la remise à l’eau sur la reproduction des saumons de la rivière des Escoumins.

« La température de l’eau pourrait être en cause, suppute Raphaël Bouchard. L’eau de la rivière des Escoumins est plus froide, de sorte qu’elle est mieux oxygénée. La capture pourrait être moins éprouvante dans ces conditions. »

Des travaux d’autres équipes suggèrent que le taux de mortalité des saumons remis à l’eau est d’environ 5 % quand la température de l’eau est de moins de 12 ℃, mais peut grimper à 20 % à des températures de 18 à 20 ℃, indique le chercheur.

La recherche signée par Raphaël Bouchard, Laurie Lecomte et Louis Bernatchez, de l’Université Laval, Kyle Wellband, de Pêches et Océans Canada, et Julien April, du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, indique une corrélation et non une causalité.

Malgré tout, M. Bouchard se demande s’il ne faudrait pas mieux encadrer la pratique de la remise à l’eau en raison de ses impacts potentiels sur la santé des populations de saumon.

« Il faut se demander s’il n’y a pas lieu de limiter le nombre quotidien de saumons qu’un pêcheur peut capturer et remettre à l’eau, dit-il. Il faut aussi se questionner sur la pertinence de permettre la pêche en période de canicule ou dans les zones plus froides d’une rivière où le saumon se réfugie lorsqu’il fait très chaud. »