(New York) Avec les inondations historiques au Pakistan, la pression sur les pays développés qui ont construit leur richesse grâce aux énergies fossiles a grimpé d’un cran, les plus pauvres réclamant des compensations pour les dévastations provoquées par le réchauffement de la planète.

Le terme officiel pour les discussions internationales sur le financement de ces dégâts qui n’ont pas été évités est « pertes et préjudices ». Mais certains militants veulent aller plus loin et insistent pour parler « réparations », sur le modèle des revendications de compensations pour les descendants des esclaves.

Au delà d’une question de vocabulaire, les défenseurs du climat réclament également l’annulation des dettes de pays au bord du gouffre financier qui dépensent une part immense de leur budget à payer les intérêts au lieu d’investir dans des mesures pour se préparer aux désastres inéluctables.

« Il y un précédent historique, pas seulement la révolution industrielle qui a conduit à l’augmentation des émissions et à la pollution au carbone, mais aussi l’histoire du colonialisme et l’histoire de l’extraction des ressources, de la richesse et du travail », commente la militante Meera Ghani.

« Colonialisme »

« La crise climatique est une manifestation de systèmes d’oppression imbriqués les uns dans les autres, c’est une forme de colonialisme », déclare celle qui a été membre de l’équipe de négociateurs climat du Pakistan.

L’idée n’est pas nouvelle, lancée il y plusieurs décennies avec le soutien des petits États insulaires menacés par la montée du niveau de la mer. Mais avec l’ampleur inédite des inondations qui ont ravagé le Pakistan, elle bénéficie d’un nouvel élan.

Il est clair que les pays les plus vulnérables du Sud sont les moins responsables du réchauffement. Et aujourd’hui, le Pakistan par exemple produit moins de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, contre près de 80 % pour les pays du G20.

Sur la scène internationale, la réponse à la crise climatique a longtemps été centrée sur la réduction des émissions, l’adaptation aux impacts à venir, et l’aide aux pays pauvres pour financer ces deux aspects. Avec l’accélération déjà en cours des catastrophes, les « pertes et dommages » sont devenus un dossier brûlant.

Mais les pays pauvres n’ont pas obtenu d’engagement financier l’an dernier à la COP26, les pays riches concédant seulement la tenue d’un dialogue sur le sujet jusqu’à 2024.

De toute façon, les pays riches ne respectent toujours pas leur promesse passée de porter à 100 milliards par an d’ici 2020 l’aide aux pays en développement pour s’attaquer à la réduction de leurs émissions et se préparer aux impacts. Et l’adaptation est le parent pauvre de cette finance climat qui arrive de plus souvent sous forme de prêts.

« Pourquoi les pays qui ont peu contribué aux émissions devraient demander de l’aide [aux pays riches], sous forme de prêts, avec des conditions de remboursements onéreuses ? », lance Maira Hayat, de l’université Notre Dame dans l’Indiana.  

« Si le vocabulaire en dérange certains, la prochaine étape est de se poser cette question : est-ce qu’ils contestent l’histoire ou les conséquences actuelles du passé ? »

« Actions significatives »

Dans la sphère climatique, tout le monde n’est pas convaincu.  

« Au delà d’une certaine rhétorique qui consiste à compter les points, ça ne va nulle part », estime Daanish Mustafa, du King’s College de Londres, qui plaide pour le développement d’une économie bas carbone.

Même s’il reconnaît que le Nord est largement responsable du réchauffement, il craint que cet argumentaire n’excuse les choix politiques qui peuvent exacerber l’impact des évènements météo extrêmes.

Ainsi, au Pakistan, les pluies diluviennes ont effectivement « probablement » été renforcées par le réchauffement, mais les impacts ont aussi été aggravés par la gestion déficiente des cours d’eau, des digues et des barrages, ou l’urbanisation incontrôlée, selon les scientifiques du World Weather Attribution.  

À moins de deux mois de la COP27 en Égypte, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a cette semaine estimé qu’il était « grand temps d’avoir une discussion sérieuse et des actions significatives » sur les pertes et dommages.

Mais le sujet est sensible pour les pays riches, notamment les États-Unis. Lors de la conclusion en 2015 de l’accord de Paris, qui mentionne les « pertes et préjudices », ils avaient obtenu une clause qui précise que l’accord « ne servira pas de base » pour engager « des responsabilités ou des compensations ».