À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, une nouvelle coalition de citoyens et d’experts réclame que le lisier des porcheries soit enfin géré par bassins versants, comme l’avait recommandé le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

« Le constat global par rapport aux pesticides et au phosphore ne peut qu’inquiéter un citoyen », fait valoir le militant environnemental Pierre Avignon, qui a rédigé le document publié ce mardi par la coalition Mégaporcheries non merci.

La gestion du lisier par bassins versants est l’une des 13 demandes de la coalition, qui regroupe notamment des comités de citoyens opposés à des projets de porcheries, des organisations environnementales et agricoles (Eau Secours, Fondation Rivières, Vigilance OGM, Union paysanne) et des expertes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), comme Louise Vandelac (directrice du Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives) et Lucie Sauvé (chercheuse émérite au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté).

Ces 13 propositions « n’ont pas été inventées », souligne M. Avignon. Elles s’inspirent de recommandations du rapport d’enquête du BAPE sur la production porcine, qui avaient été publiées en 2003 sans avoir été mises en œuvre. « Ce sont des choses qui paraissent évidentes et qui sont dans l’air depuis toutes ces années. Ça existe, go ! »

Pourquoi suivre l’épandage du lisier par bassins versants ?

« Le système hydrique est global et ça finit par s’accumuler quelque part. L’idée, c’est d’avoir accès à des expertises indépendantes pour être sûr de voir les effets arriver », explique M. Avignon, citant le plus récent Rapport sur l’état des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques du Québec, publié par le ministère de l’Environnement en 2020. Sur 22 cours d’eau en milieu agricole (de 25 % à 80 % du territoire du bassin versant occupé par l’agriculture), un seul y a été jugé de qualité satisfaisante ! « La forte concentration d’élevages dans certains bassins versants » et les grandes cultures, comme le maïs et le soya, contribuent au problème, note le Ministère.

Pourquoi en parle-t-on maintenant ?

Plusieurs projets de porcherie récents, notamment en Estrie, en Outaouais et en Mauricie, ont suscité de vives réactions de citoyens et d’élus, qui se sont plaints d’être mis devant le fait accompli. Les groupes Vers un Val Vert, créé en réaction à un projet dans le Canton de Valcourt, en Estrie, et Demande de délai pour l’industrie porcine à Saint-Adelphe, en Mauricie, sont membres de la coalition. Et en février, le conseil municipal de Béthanie, un petit village de la Montérégie qui a manqué d’eau l’été dernier, a demandé au ministre de l’Environnement de rejeter la demande d’agrandissement d’une porcherie locale, et au ministre de l’Agriculture d’imposer un moratoire national sur tout projet de construction ou d’agrandissement.

Lisez « Agriculture : levée de boucliers contre les porcheries » Lisez « Agriculture : les promoteurs de la porcherie de Saint-Adelphe retardent le projet »

D’ailleurs, qu’est-ce qu’une mégaporcherie ?

« Au Québec, il n’existe aucun indicateur reconnu établissant le nombre de porcs que doit contenir une porcherie pour qu’elle soit désignée spécifiquement par le terme mégaporcherie », confirme le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office de la langue française. Selon Les Éleveurs de porcs du Québec, ce type d’installation n’existe pas ici, où les plus grandes maternités comptent en moyenne 2600 truies. « Ailleurs, comme en Chine, des sites peuvent héberger des dizaines de milliers de truies, frôlant des sommets de près de 85 000 truies », plaide le porte-parole de la Fédération, Frédéric Labelle.

« Il y a un enjeu de vocabulaire », reconnaît M. Avignon. La réglementation québécoise exigeant un examen du BAPE pour les projets de 4000 porcs ou plus, et « quand on est rendus à 3999 porcs, c’est sûr qu’on peut parler de mégaporcherie », estime-t-il. Au-delà des chiffres, c’est le modèle « industriel » d’élevage de « plusieurs milliers de porcs sur un terrain où il n’y a pas d’habitants » ou pour « des intégrateurs qui possèdent près d’un million de porcs » que dénonce la coalition. « On veut vraiment travailler à un modèle agricole respectueux du développement local et de l’environnement », dit M. Avignon, qui se défend d’être « contre l’agriculture ».

N’y a-t-il pas déjà un moratoire sur les projets de porcheries ?

Olymel ayant réduit son volume annuel d’achats et d’abattages de 530 000 porcs au Québec, Les Éleveurs ont récemment annoncé un gel des « volumes de référence », c’est-à-dire des autorisations à produire des porcs d’engraissement, imposant de facto un moratoire sur les nouveaux projets. Ce moratoire est toutefois économique, et non environnemental, et d’une durée indéterminée. « C’est une bonne période pour revoir les règles », croit cependant M. Avignon.

Quelles sont les autres revendications ?

La coalition suggère plusieurs mesures pour améliorer la protection de l’eau, notamment de réviser les normes sur les bandes riveraines et de s’assurer qu’elles soient appliquées. Elle demande aussi que les citoyens soient consultés avant que les promoteurs aient obtenu leur certificat d’autorisation, et non après, et que le ministre de l’Environnement ait le pouvoir discrétionnaire d’interdire toute installation de 2500 à 4000 unités animales par bâtiment.

Consultez « Une autre agriculture est possible ! – Les mégaporcheries, non merci »