Selon le plus récent rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), les changements climatiques sont plus rapides que prévu et leurs conséquences, plus importantes. Est-il trop tard pour agir ? Quelles sont les solutions ? Tour d’horizon.

L’enjeu du temps

Est-ce que l’humanité est foutue ? Est-il trop tard pour agir face aux changements climatiques ? La réponse simple est non. Comme l’a déjà expliqué le spécialiste du climat Zeke Hausfather, il n’existe pas non plus de date limite après laquelle tout effort sera vain. Par exemple, il semble de plus en plus évident que d’ici 2040, le monde se réchauffera de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Mais tout degré supplémentaire, tout dixième de degré de plus, amplifiera des conséquences déjà importantes. Comme l’a illustré M. Hausfather, dans un message sur Twitter publié l’été dernier, l’humanité se complique néanmoins la vie en retardant les décisions difficiles. Le chercheur écrivait que si le monde avait commencé à réduire ses émissions dès 2000, ce serait comme descendre une piste de ski pour débutant. Or, 20 ans plus tard, la piste à dévaler est maintenant classée comme très difficile.

Consultez le tweet de Zeke Hausfather (en anglais)

Verdir les villes

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Une ville plus verte permettrait d’atténuer les effets de la chaleur.

Une récente étude de Statistique Canada a permis de constater que les villes du pays deviennent de plus en plus… grises. Les trois quarts des grandes et moyennes villes canadiennes étaient moins vertes en 2019 qu’elles ne l’étaient en 2001. Montréal, comme Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton, a perdu des espaces verts pendant cette période. Le verdissement des villes contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). La plantation d’arbres permet aussi de limiter les îlots de chaleur urbains. À Montréal, par exemple, il fera de plus en plus chaud d’ici la fin du siècle. Selon le consortium Ouranos, spécialisé dans l’étude des changements climatiques au Québec, la température moyenne en été grimpera de presque 6 °C d’ici 2100, dans un scénario d’émissions de GES élevées. La température moyenne en été dépassera les 26 °C. Il pourrait aussi y avoir jusqu’à 75 jours par année où le mercure dépassera les 30 °C. Le nombre de vagues de chaleur augmentera considérablement. Une ville plus verte permettrait d’atténuer les effets de la chaleur.

Consultez l’étude de Statistique Canada Consultez les portraits climatiques d’Ouranos

Laisser le carbone dans le sol

Une étude publiée pendant la COP26, à Glasgow, en novembre dernier, a permis de mieux quantifier la quantité de carbone stockée dans le sol canadien. Cette étude réalisée par des chercheurs de l’Université McMaster pour la section canadienne du Fonds mondial pour la nature (WWF) a calculé qu’on retrouvait l’équivalent de 384 milliards de tonnes de carbone dans le sol au Canada. C’est au Manitoba qu’on retrouve la proportion la plus importante avec 110 milliards de tonnes. Le Québec figure au cinquième rang au pays avec l’équivalent de 45,7 milliards de tonnes. C’est plus de 10 fois la quantité de carbone capturé par les forêts québécoises (4,3 milliards de tonnes). Tout ce carbone se trouve la plupart du temps dans des tourbières et des milieux humides. Chaque fois que ces milieux sont perturbés, du CO2 est relâché. Pour compenser ces émissions, il faut alors réduire d’autant celles d’origine humaine. Pour ne pas se compliquer la vie, il est préférable de laisser tout ce carbone dans le sol.

Consultez l’étude des chercheurs de l’Université McMaster (en anglais)

Les limites des actions individuelles

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

De plus en plus d’experts font valoir qu’il y a des limites à faire porter le poids de la transition sur les individus.

Recycler, composter et même rouler en voiture électrique : c’est devenu le quotidien de nombreux Québécois. Mais de plus en plus d’experts font valoir qu’il y a des limites à faire porter le poids de la transition par les individus. Selon René Audet, qui enseigne au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, « il faut sortir de la question des comportements individuels ». « Pour y arriver, il va falloir qu’il y ait des contraintes plus importantes, fixées par les gouvernements. » Un peu comme le port de la ceinture de sécurité, l’alcool au volant ou le tabagisme, qui ont nécessité la mise en place de lois plus strictes pour changer les comportements, l’urgence climatique exige la même approche. René Audet croit qu’il y aura de plus en plus de pression sur les gouvernements pour les forcer à agir.

Le mot tabou : décroissance

Une récente enquête du magazine scientifique New Scientist a calculé que l’humain crée chaque année l’équivalent de 100 milliards de tonnes d’objets de toutes sortes. Or, la grande majorité de ces objets sont fabriqués avec des ressources qui ne sont pas infinies tout en produisant de très grandes quantités de GES. Une équation mathématique qui n’est guère soutenable à moyen et à long terme. Depuis quelques années, le concept de décroissance est de plus en plus abordé comme la solution à la crise climatique. Un mot tabou pour beaucoup de gens, qui y voient un synonyme d’appauvrissement. Mais pour René Audet, la décroissance, c’est aussi la réduction de notre pollution et de nos déchets. C’est mettre en place une économie circulaire qui limite au maximum la production de déchets. « La réalité, c’est qu’il faut planifier différemment notre économie. Nous sommes mûrs pour une bonne discussion franche sur la transition écologique. »

Une vision globale

L’une des principales conclusions des derniers rapports du GIEC, c’est qu’il faut une vision globale pour faire face aux changements climatiques. Car les émissions de GES ne connaissent pas les frontières. Peu importe leur provenance, elles se retrouvent dans l’atmosphère. Selon le plus récent relevé de l’observatoire du Mauna Loa, situé à Hawaii, la concentration de carbone dans l’atmosphère affichait 419,03 parties par million (ppm) le 2 mars dernier. Un an plus tôt, à la même date, elle s’élevait à 417,98 ppm. Au-delà de 400 ppm, il sera difficile, voire impossible, de contenir le réchauffement au-dessous de 1,5 °C. L’autre avertissement du GIEC, c’est que passé 1,5 °C, les conséquences des changements climatiques se multiplient. L’un des meilleurs exemples demeure le couvert de glace aux deux pôles. Celui-ci permet normalement de réfléchir les rayons du soleil qui frappent la Terre. Or, le réchauffement provoque une diminution rapide de ce miroir de glace, ce qui diminue sa capacité à réfléchir les rayons solaires.

Consultez les relevés de concentration de CO2 dans l’atmosphère
En savoir plus
  • De 3,3 à 3,6 milliards
    Nombre d’êtres humains vivant déjà « dans des contextes très vulnérables » aux changements climatiques
    Source : rapport du GIEC
    15 fois plus
    Taux de décès supplémentaires entre 2010 et 2020 attribuables aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes dans les régions les plus vulnérables, en comparaison aux régions moins vulnérables
    Source : rapport du GIEC