Lianes et hamacs faits de tuyaux d’incendie, vieux pneus transformés en ballons, barils de jus revitalisés : lors de votre prochaine visite au Zoo de Granby, gardez l’œil ouvert pour remarquer ces objets qui, plutôt que d’enrichir les dépotoirs, font aujourd’hui la joie des animaux.

La savane africaine du zoo est luxuriante sous le ciel plombé de ce matin de juin. À moins d’une heure de l’ouverture, le personnel s’active pour terminer d’offrir soins et nourriture à sa ménagerie. Ici, les animaux ne mangent pas dans de simples gamelles : tout est mis en œuvre pour imiter le système d’alimentation de leur habitat naturel.

Pour arriver à cette fin, le Zoo de Granby compte sur la générosité d’entreprises et de municipalités de sa région qui lui fournissent un nombre étonnant d’objets vétustes. Le but : amuser, nourrir et stimuler ses pensionnaires à poils et à plumes, tout en donnant une seconde vie à ces articles.

Élégante et majestueuse, Sarah, la doyenne des trois pachydermes du zoo, s’approche nonchalamment de sa « mangeoire » : un baril bleu, percé de multiples trous et suspendu sur un système de poulies.

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Isabelle Fortin, technicienne en soins animaliers de la savane au Zoo de Granby

Dans la nature, les éléphants ont l’habitude de manger des branches, du feuillage, haut dans les arbres. On essaie de reproduire leur comportement.

Isabelle Fortin, technicienne en soins animaliers de la savane au Zoo de Granby

Ce sont les Industries Lassonde, qui produisent notamment les marques de jus Oasis et Rougemont, qui fournissent les barils alimentaires vides au Zoo de Granby. « Ils contenaient du concentré de jus, précise Alex Chandonnet, coordonnateur des services animaliers. On sait donc que c’est sécuritaire pour nos animaux. »

L’éléphante étire sa trompe agile pour faire tourner le baril sur lui-même, libérant des cubes de luzerne compressés qu’elle ramasse ensuite au sol, un à un. « Ça permet [aux animaux] de faire de l’exercice et d’augmenter leur temps de nutrition, précise Mme Fortin. Si ça leur prend dix heures en nature pour se nourrir, il faudrait que ça leur en prenne dix ici aussi. »

Un environnement fait pour jouer

En faisant un tour d’horizon du vaste enclos, il est possible de remarquer d’autres utilisations ingénieuses de matériel réutilisé. Par exemple, un ballon fait avec deux vieux pneus venant de garages des environs, ou une autre mangeoire fabriquée à partir de tuyaux d’incendie. Remplie de foin, elle fait la joie de Tutume, l’éléphant mâle du groupe.

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Alex Chandonnet, coordonnateur aux soins animaliers du Zoo de Granby

On essaie de varier leur quotidien pour que ce soit plus stimulant. Ils sont comme quelqu’un à la retraite, sans projet : ils ont besoin de quelque chose pour se stimuler l’esprit !

Alex Chandonnet, coordonnateur aux soins animaliers du Zoo de Granby

Les tuyaux d’incendie, appréciés pour leur revêtement en textile et leur robustesse, sont utilisés au Zoo de Granby depuis les années 1990. Au fil des ans, leur usage s’est accentué, au point de devenir incontournable. Par exemple, dans l’habitat des mandrills, petits primates apparentés aux babouins, elles servent de lianes, de hamacs, de passerelles, de rideaux et même de « ruche » : une distributrice de nourriture faite de tuyaux compressés entre lesquels on insère des morceaux de légumes. « On a un groupe jeune et très actif, les lianes mobiles leur permettent de pratiquer leur dextérité, comme dans la nature », souligne M. Chandonnet.

  • L’éléphante Sarah utilise un baril alimentaire recyclé pour se nourrir de façon stimulante au Zoo de Granby.

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    L’éléphante Sarah utilise un baril alimentaire recyclé pour se nourrir de façon stimulante au Zoo de Granby.

  • Une distributrice de nourriture faite avec des tuyaux d’incendie permet de nourrir les éléphants.

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    Une distributrice de nourriture faite avec des tuyaux d’incendie permet de nourrir les éléphants.

  • Les mandrills mangent des légumes cachés dans cette « ruche » faite à partir de tuyaux d’incendie.

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    Les mandrills mangent des légumes cachés dans cette « ruche » faite à partir de tuyaux d’incendie.

  • Les vieux pneus font office de ballons pour les éléphants du zoo.

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    Les vieux pneus font office de ballons pour les éléphants du zoo.

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L’équipe de la construction et de l’entretien du Zoo utilise sa créativité pour fabriquer toutes ces installations. Plusieurs postes de pompiers de municipalités aux alentours, comme ceux de Bromont, d’Acton Vale et de Warwick, de même que l’entreprise montréalaise en protection des incendies Guard-X, approvisionnent le zoo en tuyaux. Puisque les postes de pompiers doivent effectuer des tests d’entretien réguliers sur leur matériel, ces dons leur permettent d’éviter de jeter des tuyaux abîmés au dépotoir. En février 2021, une douzaine de tuyaux du poste de Warwick ont permis la rénovation et l’amélioration de l’habitat des mandrills.

Tout peut servir

Tous les mardis, l’établissement reçoit une livraison de branches venant d’émondeurs de la région. L’érable à sucre est le grand favori des gorilles, mais les branches de merisier et de pommier sont aussi les bienvenues. Justement, bien installé sur sa plateforme faite de tuyaux, l’imposant gorille de 21 ans, Zwalami, déguste une branche de merisier en la passant entre ses gencives.

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Le gorille Zwalami et sa branche de merisier.

Du côté des lémurs, ce sont les cartouches de filtration d’eau de l’aquarium du zoo qui sont transformées en distributrice de nourriture, tandis que dans la section sur l’Océanie, la brosse d’un ancien balai mécanique utilisé par la Ville de Granby permettait, jusqu’à tout récemment, aux animaux de se frotter et se gratter.

Le personnel du zoo est aussi encouragé à apporter ses contenants vides, comme des boîtes de céréales, qui permettent de cacher de petites gâteries pour les primates, et ses coquilles d’œufs dans lesquelles peuvent se dissimuler des insectes.

Ces différentes idées sont diffusées par l’association Aquariums et zoos accrédités du Canada, afin d’en assurer l’efficacité et la sécurité. « Si on cache de la nourriture dans un pot de mayonnaise vide pour un petit panda, donne en exemple M. Chandonnet, on doit s’assurer que l’ouverture ne soit pas trop étroite pour que sa tête ne risque pas de rester prise. » Il précise qu’heureusement, le Zoo de Granby n’a jamais été le théâtre d’un accident du genre.