Plus de 80 pays, dont le Canada et les États-Unis, se sont entendus à la conférence de Glasgow sur le climat pour réduire leurs émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Une bonne nouvelle qui ne doit pas détourner l’attention des autres objectifs, avertissent les observateurs.

– 30 % d’ici 2030

L’accord conclu mardi vise la réduction de 30 % des émissions de méthane d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2020. Les quelque 80 pays signataires de cet engagement, paraphé également par l’Union européenne, représentent 70 % du PIB mondial, a souligné le président états-unien, Joe Biden. Le méthane (CH4), dont les émissions proviennent principalement de l’industrie des énergies fossiles, de l’agriculture, de l’élevage et des déchets, est le deuxième gaz à effet de serre (GES) en importance après le dioxyde de carbone (CO2), mais il est de 80 à 86 fois plus puissant que ce dernier sur une période de 20 ans.

« C’est ça le but »

L’accord sur le méthane est « une bonne nouvelle » aux yeux d’Équiterre. « C’est encourageant de voir qu’on a des cibles communes, c’est ça le but d’avoir une conférence sur le climat, c’est que les pays se rassemblent », a déclaré à La Presse Émile Boisseau-Bouvier, analyste en politiques climatiques et transition écologique de l’organisation québécoise. « C’est toujours bien d’avoir des cibles ambitieuses, mais il faut voir le plan de mise en œuvre » pour s’assurer qu’il permette de réellement les concrétiser, prévient-il toutefois. Il ajoute que cette mesure à elle seule ne suffira pas, rappelant que le monde doit aussi réduire sa production d’énergies fossiles. « S’attaquer aux fuites et émissions de méthane sans s’attaquer à la production de gaz et de pétrole, c’est un peu comme mettre un filtre au bout d’une cigarette : c’est moins nocif, mais ça ne règle pas la source du problème ! »

Freiner le réchauffement

La réduction des émissions de méthane permettra de freiner plus rapidement la hausse de la température mondiale, en raison de la puissance plus grande de ce gaz et de sa durée de vie plus courte que celle du CO2. « C’est une bonne stratégie pour limiter le réchauffement climatique à court terme, mais ça ne nous dédouane pas du travail qu’on a à faire sur les réductions de CO», souligne Émile Boisseau-Bouvier. Une réduction de 45 % du méthane anthropique (provenant des activités humaines comme l’exploitation des énergies fossiles, l’agriculture, etc.) au cours de la prochaine décennie permettrait de maintenir l’augmentation de la température sous les 2 °C, conformément à l’objectif de l’accord de Paris, selon un récent rapport des Nations unies.

Le Canada vise le secteur fossile

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau, lors de l’annonce de l’accord sur le méthane, à la COP26, mardi

Le premier ministre Justin Trudeau a profité de sa dernière journée à Glasgow pour officialiser la participation du Canada à l’accord sur le méthane, auquel il avait souscrit en octobre. Ottawa s’est aussi engagé à réduire d’ici 2030 les émissions de méthane provenant des activités pétrolières et gazières d’au moins 75 % par rapport à leur niveau de 2012, conformément aux recommandations de l’Agence internationale de l’énergie. « Étant le premier pays à prendre cet engagement, on demande aux autres producteurs d’énergie de se joindre à nous et de s’attaquer aux émissions de méthane dès maintenant », a-t-il déclaré.

Cible facile

La réduction des émissions de méthane de l’industrie fossile, qui sont en grande partie attribuables aux fuites, est un « fruit facile à cueillir », estime Émile Boisseau-Bouvier, qui précise que les coûts seront relativement bas pour y parvenir. Là aussi, le plan pour atteindre la cible fera foi de tout, dit-il, soulignant que le Canada n’est en voie d’atteindre que les deux tiers de son objectif précédent. L’analyste d’Équiterre prévient aussi que la mesure pourrait avoir des effets pervers. « Le gouvernement est peut-être en train d’essayer d’acheter du temps pour l’industrie du pétrole, du gaz, pour que cette industrie-là puisse continuer à produire, dit-il. Il ne faut pas ralentir la transition énergétique. »

Les États-Unis emboîtent le pas

Parallèlement à son adhésion à l’accord, Washington a annoncé mardi une série de réglementations devant mener à des « réductions significatives et rentables » des émissions de méthane de l’industrie pétrolière et gazière états-unienne. Les limites d’émissions, qui s’appliqueront aux installations existantes, devraient réduire les émissions de méthane de 41 millions de tonnes entre 2023 et 2035. La valeur des bénéfices climatiques de ces mesures, en tenant compte de leurs coûts, sera de 48 à 49 milliards US (environ 60 milliards CAN), estime l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). « Chiffrer les bénéfices climatiques en dollars est le genre de chose qui peut convaincre certains dirigeants d’agir », souligne Émile Boisseau-Bouvier.

Avec l’Agence France-Presse

17 %

Proportion d’émissions de gaz à effet de serre qui proviennent du méthane

30 %

Hausse de la température mondiale actuelle attribuable au méthane