Un exemple concret des conséquences du dérèglement climatique a récemment frappé le Canada, a rappelé Justin Trudeau aux dirigeants du monde réunis à la COP26, pendant que son homologue de la Barbade a mis la langue de bois de côté pour sermonner ses pairs.

Prenant la parole lors du « segment de haut niveau pour les chefs d’État et de gouvernement », Justin Trudeau a entamé son allocution en rappelant le record absolu de chaleur de 49,6 °C qui a précédé la destruction du village par les flammes.

« On doit faire plus et plus vite » pour lutter contre le dérèglement du climat, a martelé le premier ministre devant ses pairs, soulignant que le Canada se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, et trois fois plus vite dans le cas du nord du pays.

Augmenter l’ambition pour réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre est « le noyau » de la COP26, a-t-il insisté, ajoutant que les pays développés doivent aider les pays en développement à réduire leurs émissions et à s’adapter au dérèglement du climat, dressant un parallèle avec la lutte contre la COVID-19.

« Comme on collabore tous pour en finir avec la pandémie de COVID-19, nous devons appliquer cette même urgence d’agir contre la crise climatique et la perte de biodiversité », a-t-il lancé à l’auditoire.

Cupidité et égoïsme

Dans un vibrant plaidoyer aux allures de sermon à ses pairs, la première ministre de la Barbade a quant à elle souligné qu’un réchauffement de 2 °C serait une « condamnation à mort » pour les populations de nombreux pays, dont le sien.

« Nous voulons exister dans 100 ans, et si notre existence signifie quelque chose, alors nous devons agir dans l’intérêt de nos peuples qui dépendent de nous, a lancé Mia Amor Mottley. Si nous ne le faisons pas, nous permettrons à la cupidité et à l’égoïsme d’encourager notre destruction commune. »

Fustigeant le manque d’ambition affiché par la communauté internationale à l’aube de cette conférence pour le climat, la première ministre Mottley a demandé combien de témoignages supplémentaires de gens souffrant de la crise climatique il faudrait pour agir.

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Mia Amor Mottley, première ministre de la Barbade

Sommes-nous si aveuglés et si insensibles que nous ne sommes plus capables de reconnaître les pleurs de l’humanité ?

Mia Amor Mottley, première ministre de la Barbade

La dirigeante a aussi déploré l’absence à Glasgow de certains grands pays émetteurs et la non-atteinte de l’objectif de 100 milliards de dollars par année pour aider les pays en développement dans leur lutte contre la crise climatique.

« Je vous le demande : que devons-nous dire à nos peuples […] quand l’ambition et certains visages qu’il faudrait voir ici sont absents ? Quelles excuses devons-nous donner pour les échecs ? », a-t-elle lancé.

« Quand les dirigeants vont-ils diriger ? », a-t-elle demandé, cinglante, prévenant que les populations touchées par la crise climatique « regardent et prennent des notes ».

Biden et Macron, optimistes

Aux gens inquiets de voir la conférence de Glasgow rater l’objectif ambitieux qui est attendu, le président français Emmanuel Macron a rappelé que l’inquiétude était grande également avant celle de Paris, en 2015.

« Si nous sommes attendus collectivement aujourd’hui, c’est pour retrouver, je crois, ce qui a permis, il y a six ans, à tous d’avancer et de conclure un accord qui n’était pas construit au début de la COP, permettant les accords de Paris », a-t-il déclaré.

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Le président français Emmanuel Macron

Reconnaissant quant à lui que les États-Unis n’ont pas été à la hauteur des attentes dans les dernières années sur la question climatique, le président Joe Biden a dit vouloir non seulement marquer leur « retour à la table », mais aussi « mener par l’exemple ».

« Mon administration travaille d’arrache-pied pour montrer que notre engagement pour le climat est plus que des mots », a-t-il déclaré, rappelant que « la science est claire » au sujet de la « brève fenêtre » dont le monde dispose pour agir.

« Glasgow doit être le coup d’envoi d’une décennie d’ambition », a lancé le président états-unien, insistant sur la nécessité de l’action collective.

« Mettons-nous au travail », a-t-il lancé, avant de conclure par… « que Dieu sauve la planète ».

Fin des exportations de charbon

Justin Trudeau a annoncé à la COP26 qu’Ottawa « travaille à mettre fin aux exportations de charbon thermique d’ici 2030 », concrétisant ainsi un engagement pris durant la récente campagne électorale.

Le Canada est le 8exportateur net de charbon dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie, avec 26 millions de tonnes (Mt), loin de l’Australie et de l’Indonésie, avec près de 400 Mt chacune.

« C’est mineur d’un point de vue global », a déclaré à La Presse le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, soulignant que la mesure aurait surtout des conséquences en Colombie-Britannique, d’où proviennent les exportations canadiennes de charbon.

« Ce qui est proposé n’est pas à la hauteur de ce que la science exige et de ce que doit être la contribution d’un pays riche comme le Canada, qui figure parmi les 10 plus grands pollueurs de l’histoire », a déploré Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada.

Le charbon est un véritable cancer pour la planète et l’interdiction complète de son exportation devrait être effective d’ici 2023.

Patrick Bonin, Greenpeace Canada

Différents groupes de défense de l’environnement, dont l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, manifesteront d’ailleurs devant les bureaux du premier ministre Trudeau à Ottawa, mardi, pour réclamer l’interdiction des exportations de charbon dès 2023.

Ils déposeront aussi « de nombreuses pétitions » en ce sens.

Justin Trudeau a également indiqué que le Canada consacrera 1 milliard de dollars à aider les pays en développement à effectuer la transition du charbon à des sources de production d’électricité plus propres, à partir de sa contribution de 5,3 milliards au financement international de la lutte contre les changements climatiques.