Le gouvernement Legault mise sur l’électrification des transports et interdira la vente de véhicules à essence en 2035, mais ses ministres roulent encore majoritairement dans de telles voitures. À Ottawa, ils sont tous passés aux véhicules hybrides, voire électriques.

Une forte majorité de ministres québécois roulent dans des voitures de fonction à essence, et aucun membre du gouvernement Legault ne dispose d’un véhicule zéro émission (VZE).

Des 33 « véhicules protocolaires » du gouvernement du Québec, 24 sont à motorisation à essence, 7 sont hybrides et 2 sont hybrides rechargeables, indique un document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

En ajoutant les véhicules de « réserve », le compte monte à 28 véhicules à essence, 10 hybrides et 5 hybrides rechargeables, précise le document.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

François Legault, en 2018

Le portrait du parc de véhicules de fonction du gouvernement québécois contraste avec la situation à Ottawa, où les véhicules à essence pour les ministres et hauts fonctionnaires sont proscrits depuis 2018.

La Directive sur la gestion du parc automobile du gouvernement fédéral précise que les voitures de fonction doivent être des VZE ou des véhicules hybrides.

Le parc actuel est ainsi composé de 25 véhicules hybrides, 5 hybrides rechargeables, 1 électrique et 4 à essence qui ont été achetés avant l’entrée en vigueur de la directive, a indiqué à La Presse Services publics et Approvisionnement Canada.

Interdits dans 13 ans

Les véhicules à essence dominent dans le parc du gouvernement québécois, alors qu’ils sont appelés à disparaître dans un avenir rapproché.

Le gouvernement Legault a déposé mardi le projet de loi 102, qui inclut entre autres choses l’interdiction dès 2035 de la vente de véhicules légers à essence neufs annoncée l’an dernier — Ottawa a également annoncé une telle mesure en juin.

Québec, qui mise notamment sur l’électrification des transports pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), devrait prêcher par l’exemple, comme Ottawa, soutient Daniel Breton.

L’ancien ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs du Québec est aujourd’hui président-directeur général de Mobilité électrique Canada, une organisation à but non lucratif vouée à la promotion de l’électromobilité.

Il faut que les bottines suivent les babines !

Daniel Breton

L’exemplarité de l’État était d’ailleurs au cœur de la stratégie gouvernementale d’électrification des transports sur laquelle il avait planché, dans l’éphémère gouvernement de Pauline Marois.

« Si on veut que les Québécois, les Canadiens électrifient leurs véhicules, il faut qu’on donne l’exemple », dit-il, soulignant que les entreprises le font de plus en plus, ainsi que différents gouvernements, particulièrement en Europe.

Le geste peut même générer des économies pour l’État dans le cas de véhicules qui roulent beaucoup comme les véhicules de fonction, puisque les économies de carburant compenseront le coût d’achat plus élevé, précise-t-il.

Acquérir les connaissances

C’est justement pour donner l’exemple que le ministre sortant du Patrimoine canadien et ancien militant écologiste Steven Guilbeault dispose d’un véhicule de fonction électrique – le seul du parc fédéral.

« Pour pratiquer ce que je prêche », a-t-il expliqué à La Presse, mais aussi pour permettre au gouvernement d’acquérir une certaine expérience avec ce type de véhicules.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Steven Guilbeault, ministre sortant du Patrimoine canadien

Sincèrement, il y a toutes sortes d’obstacles à l’adoption d’un véhicule électrique quand tu ne connais pas ça, et le gouvernement fédéral ne connaît pas ça.

Steven Guilbeault, député de Laurier – Sainte-Marie

Il raconte que sa chauffeuse s’est vu remettre le véhicule sans carte d’abonnement à un système de recharge, même s’il avait prévenu le Ministère que cela était nécessaire.

Résultat, elle a eu beaucoup de mal à recharger le véhicule lors de sa première sortie pour rentrer à Ottawa.

« Là, mon département et d’autres départements le savent, dit Steven Guilbeault. Ils pensent à installer des bornes de recharge rapide au ministère et au parlement. »

Son collègue Jonathan Wilkinson, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, dispose quant à lui d’une voiture de fonction hybride rechargeable et sa voiture personnelle est un VZE à hydrogène – il habite en Colombie-Britannique, où l’hydrogène est plus répandu –, confirme son cabinet.

À Québec, impossible de savoir de quel type de véhicule de fonction dispose le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette ; son cabinet dit ne pas pouvoir divulguer quelque information que ce soit à ce sujet.

Véhicule inexistant

Le ministère des Transports du Québec (MTQ), qui gère le parc de véhicules de fonction du gouvernement, affirme ne pas pouvoir équiper les ministres de VZE.

« Les véhicules des ministres doivent être à traction intégrale. Par contre, jusqu’à présent, aucun modèle ne présente la caractéristique d’être à la fois à traction intégrale et zéro émission » parmi les choix offerts par le Centre d’acquisition gouvernementale (CAG), a déclaré une porte-parole du Ministère, Sarah Bensadoun.

Elle a dirigé La Presse vers le ministère de la Sécurité publique pour toute autre question, mais ce dernier « ne dévoile aucune information sur les véhicules de fonction pour éviter de réduire l’efficacité des mesures de sécurité des personnalités », a déclaré sa porte-parole, Marie-Josée Montminy.

La directive fédérale sur les véhicules de fonction ne comporte pas d’exigence quant au type de propulsion du véhicule.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

Toujours pertinents, les hybrides ?

Appelé à disparaître « dans un avenir pas très lointain », le véhicule hybride conventionnel ne mérite pas sa place dans le parc de véhicules de fonction des gouvernements, croit Steven Guilbeault. Les ministres qui représentent des circonscriptions éloignées, où la recharge d’un véhicule zéro émission peut encore représenter un défi, devraient « au moins » disposer de véhicules hybrides rechargeables, estime-t-il. Mais la demande pour ce type de véhicule diminuera aussi, avec la réduction des temps de recharge, prévoit-il. Daniel Breton est du même avis, soulignant que la « croissance exponentielle de l’autonomie des véhicules électriques » ne s’est pas produite pour les véhicules hybrides rechargeables. « Pour moi, dit-il, l’hybride, c’est vraiment le dernier recours. »