Les centaines de milliards de dollars que les États dépensent pour leur agriculture ne servent pas qu’à soutenir les producteurs. Près de neuf dollars sur dix ont des impacts négatifs sur la santé des populations et de l’environnement, préviennent trois agences des Nations unies. Le Sommet sur les systèmes alimentaires, qui se tient ce jeudi à New York, tente de renverser la vapeur, mais ce n’est pas une mince tâche.

540 milliards US

C’est la somme totale que les pays ayant les moyens de soutenir leurs agriculteurs dépensent annuellement à cette fin, ont calculé l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dans un rapport choc publié la semaine dernière.

1800 milliards US

Si la tendance se maintient, la valeur totale de ces aides pourrait tripler en moins de 10 ans, soit d’ici 2030, estiment les trois agences.

87 %

Environ 87 % des aides actuelles sont nuisible à divers égards (environnemental, social, prix), conclut la FAO. Autrement dit, presque 9 $ sur 10, ou 470 milliards US.

Des GES dans votre assiette

Les denrées « mauvaises pour la santé », comme le sucre, ou dont la production génère beaucoup de gaz à effet de serre (GES), comme le bœuf, le lait et le riz, sont celles qui bénéficient le plus de soutien à l’échelle mondiale.

L’argent est dans le pré

Le riz est la production qui bénéficie du plus de soutien des pays à revenu élevé, suivi du sucre, des graines de tournesol et du bétail (particulièrement le bœuf). Dans les pays à revenu intermédiaire, le sucre et le colza raflent la palme, suivis du maïs et du blé. Côté élevage, on soutient surtout la volaille, le mouton et le porc.

Des frontières coûteuses

Les mesures frontalières, comme les tarifs à l’importation et les subventions à l’exportation, sont une autre source potentielle de distorsions. Elles peuvent susciter des flambées des prix et des pénuries dans les pays à faible revenu, comme on l’a vu durant la crise alimentaire de 2007-2008. Elles peuvent aussi y concurrencer les produits locaux.

PHOTO FOURNIE PAR PATRICK MUNDLER

L’agroéconomiste Patrick Mundler, professeur au Département d'économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l’Université Laval.

« Quand j’étais en Afrique, c’était très fréquent de trouver des poulets européens qui arrivaient congelés. Quand je vais en Haïti, on mange du riz américain », illustre Patrick Mundler, professeur au département d’économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l’Université Laval.

Vu d’ici

Le Canada a considérablement réduit son soutien à l’agriculture depuis la fin des années 1980, signale l’OCDE. Ce soutien représente aujourd’hui 9 % des recettes agricoles brutes, soit environ la moitié de la moyenne des pays analysés. Le plan fédéral qui prévoit 30 % de réduction des émissions dues aux engrais est « une étape prometteuse », juge aussi l’OCDE. Quant aux produits protégés par la gestion de l’offre (lait, œufs, volaille), « il n’y a pas la moindre chance qu’un pays en développement soit privé de quelque exportation que ce soit avec ça », fait valoir M. Mundler.

Mieux dépenser

Éliminer l’aide aux agriculteurs aurait un effet brutal sur la production et ceux qui en vivent. L’ONU réclame donc plutôt « un soutien agricole plus positif », notamment pour réduire les émissions et l’utilisation des produits agrochimiques. « On peut conditionner le fait qu’on verse de l’aide à l’agriculture au respect de certaines règles », résume l’agroéconomiste Patrick Mundler. Au Québec, par exemple, l’assurance récolte pour le maïs pourrait être conditionnelle à une rotation de trois ans afin d’éviter la monoculture, dit-il. « C’est négociable. Il y aura des résistances, mais on peut amener des choses petit à petit. »

Consultez la page du Sommet sur les systèmes alimentaires 2021

Sources : A Multi-Billion-Dollar Opportunity – Repurposing Agricultural Support to Transform Food Systems ; Politiques agricoles : suivi et évaluation 2021

Lisez le résumé d’A Multi-Billion-Dollar Opportunity – Repurposing Agricultural Support to Transform Food Systems (en anglais) Lisez le résumé de Politiques agricoles : suivi et évaluation 2021