Après une longue attente, le gouvernement du Québec a rendu son verdict : le projet gazier de GNL au Saguenay ne pourra aller de l’avant. Une décision qui a déçu le promoteur et divers intervenants régionaux, mais qui a été saluée comme un « geste de cohérence » face à l’urgence climatique qui force des pays à revoir à la hausse leurs cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES).

« C’est un projet qui a plus de désavantages que d’avantages », a affirmé le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, qui s’était déplacé à Saguenay pour annoncer la décision du gouvernement. Le ministre a rappelé que le promoteur devait satisfaire à trois conditions pour obtenir un feu vert, soit viser l’acceptabilité sociale, favoriser la transition énergétique et contribuer à la diminution mondiale des GES. « Ces conditions n’ont pas été remplies », a-t-il dit.

Cette décision, qui a été entérinée par le Conseil des ministres, fait suite au rapport du BAPE, rendu public en mars dernier, qui n’était guère favorable au projet d’usine de liquéfaction et de terminal maritime. L’organisme estimait notamment que le projet de 14 milliards de dollars se traduirait par un ajout de 8 millions de tonnes de gaz à effet de serre (GES). Or, en mai dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que les gouvernements ne devraient pas autoriser de nouveaux projets d’exploitation de gaz, de pétrole ou de charbon afin de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C.

« Je trouve que le gouvernement a posé un geste de cohérence, affirme Hugo Séguin, spécialiste des négociations climatiques internationales qui enseigne à l’Université de Sherbrooke. C’était une décision inévitable à partir du moment où les trois conditions ont été annoncées [par le ministre]. »

« C’était la seule décision responsable qu’on pouvait prendre », estime Sylvain Gaudreault, député péquiste de Jonquière, qui aurait cependant aimé voir le gouvernement annoncer des investissements pour mieux préparer la main-d’œuvre de la région à un virage vers des technologies vertes. « Ça prend une transition juste pour nos gens. »

GNL s’est dite déçue de la décision qui se répercutera sur ses employés et ses investisseurs. « Nos valeurs nous ont menés à élever les standards pour ce type de projet et à développer avec cœur le terminal d’exportation de GNL le plus vert et durable au monde s’étant par ailleurs engagé à être carboneutre, afin de générer d’importantes retombées positives au Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec et pour la planète », indique le communiqué de presse de l’entreprise.

Le Port de Saguenay et l’Association de l’énergie du Québec, qui représente des acteurs de l’industrie, ont également manifesté leur déception par voie de communiqué.

Un projet qui avait du plomb dans l’aile

En 2020, l’important fonds d’investissement Berkshire Hathaway, propriété du milliardaire Warren Buffett, avait annoncé qu’il n’investirait pas dans le projet. « Le retrait d’investisseurs a miné la crédibilité du projet, croit Sylvain Gaudreault. Il y avait de moins en moins de supporteurs pour l’appuyer. »

Le député croit tout de même que la région a tout ce qu’il faut pour tirer son épingle du jeu dans la nouvelle économie. « On a un potentiel incroyable. Il faut maintenant tourner la page et se rassembler autour de nouveaux projets. »

Le projet constituait aussi un risque pour la survie et le rétablissement du béluga, une espèce qui est vite devenue un symbole pour les opposants à GNL.

Une énergie de transition dépassée

Dans son rapport, le BAPE signalait que le projet n’allait pas contribuer à la transition énergétique vers des énergies propres, contrairement à ce que promettait son promoteur. Selon Hugo Séguin, qui est également membre du comité consultatif sur les changements climatiques formé par le gouvernement, le gaz naturel a longtemps été vu comme une énergie de transition, « mais plus le temps passe, moins c’est une solution », dit-il.

Les efforts nécessaires pour réduire les émissions de GES sont rendus trop importants, souligne M. Séguin. Le gaz naturel, même s’il émet moins de GES que le pétrole, contribue au réchauffement planétaire. Or, il faut commencer à réduire de façon draconienne ces émissions pour atteindre les cibles annoncées par les différents gouvernements.

« C’est évident que les politiciens ne peuvent plus parler des deux côtés de la bouche ! », lance Hugo Séguin, qui insiste sur la cohérence des décisions gouvernementales en matière de lutte contre les changements climatiques. Un argument qui est repris par le député Sylvain Gaudreault, qui fait une lecture similaire. « Si le gouvernement pense que ça lui donne une passe gratuite pour faire le troisième lien… »

Avec la collaboration de Pascaline David et du Quotidien

Ils ont dit

La principale raison de dire non à ce projet est de réduire les incitatifs à l’accroissement des hydrocarbures. Les bélugas ont été instrumentalisés dans ce dossier, mais ça reste une très bonne nouvelle pour eux.

Robert Michaud, président et directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)

Je pensais que le gouvernement avait des couilles, mais visiblement, il n’a pas le courage. Il se laisse impressionner par le tapage médiatique et la surexposition des opposants. Il faut s’attendre à ce que tout le milieu industriel des régions soit en colère contre ça.

Pierre Charbonneau, porte-parole du groupe GNL Sag-Lac

Un feu vert aurait été difficile à faire passer dans le contexte actuel, d’autant plus que les manifestations du réchauffement planétaire sont de plus en plus visibles. Les changements climatiques sont la plus grande menace à la santé au XXIsiècle.

La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins en environnement