L’agrandissement par décret du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore, à Drummondville, était la seule solution possible, se justifie le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, dans une entrevue avec La Presse.

« Il n’y en avait pas, d’autre solution, à court terme », a plaidé Benoit Charette auprès des élus de la Ville de Drummondville, jeudi matin, pour justifier la décision de Québec de forcer l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) du secteur de Saint-Nicéphore.

« Ce n’est pas le genre de décision qu’on aime prendre, je tenais à être sur place », a expliqué le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques dans une entrevue avec La Presse, quelques heures plus tard.

Rejeté par les citoyens lors d’un référendum en 2013 et bloqué par la Ville, à qui la Cour supérieure a donné raison l’hiver dernier – un jugement porté en appel –, l’agrandissement se réalisera tout de même en raison d’un décret du gouvernement Legault, a-t-on appris mercredi.

« Les autres sites d’enfouissement ne sont pas sous-utilisés », fait valoir le ministre Charette, qui prévoit que le Québec continuera de générer d’importantes quantités de matières résiduelles, en dépit des réformes de son gouvernement pour moderniser la consigne et la collecte sélective et augmenter la récupération des matières organiques.

Très rapidement, on pourra voir des changements majeurs, mais ces changements-là ne nous permettent pas à court terme de nous départir de la capacité d’accueil des sites d’enfouissement.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Accusé par l’opposition et des groupes environnementaux de multiplier les autorisations d’agrandissement du LET avant même que la commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) sur la gestion des résidus ultimes rende son rapport, en décembre prochain, le ministre répond que celui-ci guidera « l’après-implantation de toutes [ses] réformes ».

Situation intenable

Si l’agrandissement des sites d’enfouissement est la seule option à court terme, aussi bien agrandir les meilleurs, plaide le ministre Charette.

« J’aime mieux un site d’enfouissement avec valorisation du gaz [comme à Saint-Nicéphore] qu’un site qui n’en a pas du tout », dit-il.

PHOTO ANDREJ IVANOV, ARCHIVES REUTERS

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Il ajoute que la fermeture du LET de Saint-Nicéphore aurait pu placer dans une « situation intenable » la Ville de Drummondville, elle qui envoie pour l’instant les ordures de ses ménages au LET de Saint-Rosaire, près de Victoriaville.

Or, ce site est « très problématique [et] pourrait devoir cesser ses opérations, car il est en non-conformité », prévient le ministre.

Il ajoute que les industries, commerces et institutions (ICI) de Drummondville, qui envoient leurs matières résiduelles au site de Saint-Nicéphore, seraient confrontés à un sérieux casse-tête en cas de fermeture.

Les environnementalistes « ont raison »

Accorder des autorisations d’agrandissement à des « mégasites d’enfouissement », qui plus est pour de longues périodes – 10 ans dans le cas de Saint-Nicéphore –, nuit au développement d’autres solutions au traitement des matières résiduelles en maintenant les tarifs à un bas niveau, déplorait mercredi le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.

« Les groupes environnementaux, je leur donne raison ; le coût de l’enfouissement n’est pas suffisamment élevé », lance le ministre.

« Cet avantage que semblent avoir les lieux d’enfouissement est appelé à disparaître », puisque la redevance pour l’enfouissement augmentera « au cours des prochaines années », au Québec, assure-t-il.

Ce sera de moins en moins avantageux pour une ville et pour les ICI de recourir à l’enfouissement.

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Il ajoute que l’extension de la responsabilité élargie des producteurs les rendra davantage responsables des coûts d’élimination de leurs produits, ce qui les incitera à les concevoir de façon à faciliter leur recyclage.

« C’est une révolution, ni plus ni moins, dans la gestion des matières résiduelles qui est en préparation au Québec, qui prend du temps, mais qui après coup va faire en sorte que ce sera plus avantageux de miser sur l’économie circulaire que de plutôt bêtement enfouir », affirme le ministre.