(Ottawa) Les Canadiens devraient modifier si vite de vieilles habitudes pour choisir leur véhicule et chauffer leurs édifices que le gouvernement libéral aura bien du mal à atteindre sa plus récente cible climatique, conclut le directeur parlementaire du budget.

Le premier ministre Justin Trudeau a promis en avril que le Canada réduirait d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % par rapport aux niveaux de 2005. Le Canada avait déjà signé en 2015 l’accord de Paris, qui prévoit une réduction de 30 % d’ici 2030. Mais le gouvernement libéral s’est depuis joint à d’autres pays pour rehausser encore cette cible, afin de stimuler les efforts internationaux de lutte contre le changement climatique.

Le gouvernement libéral affirme que les mesures existantes, notamment son régime de redevance sur le carbone, placent déjà le Canada sur la bonne voie pour réduire ses émissions de 36 % d’ici 2030. Les libéraux n’ont pas encore précisé comment ils réussiraient à combler l’écart jusqu’à 40 à 45 %.

Le directeur parlementaire du budget (DPB) a étudié les objectifs plus élevés du gouvernement : il conclut que même s’il existe aujourd’hui des technologies qui permettent cette réduction, « l’ampleur et la vitesse des changements nécessaires rendront sa réalisation difficile ».

Le rapport, publié mercredi, donne des exemples dans des secteurs tels que les transports ou le pétrole et le gaz. Le DPB estime ainsi qu’étant donné que le parc actuel de voitures et de camions légers au Canada se situe à environ 23 millions, il faudrait, pour atteindre l’objectif révisé, qu’environ la moitié des ventes de véhicules neufs à partir de l’année prochaine soient des véhicules « zéro émission » — rechargés seulement avec de l’« électricité non polluante ». Or, « seule une subvention d’un coût prohibitif permettrait d’atteindre un tel objectif », estime le DPB.

Par ailleurs, le chauffage des bâtiments à l’aide de méthodes qui émettent moins de carbone et la réduction supplémentaire des émissions dans le secteur des sables bitumineux nécessiteraient le déploiement rapide de nouvelles technologies, la bonne infrastructure devant être en place.

« Ainsi, le principal obstacle à surmonter dans chaque cas est la nécessité de remplacer à grande échelle l’équipement existant », résume le DPB. À titre d’exemple, le rapport mentionne que mettre plus de véhicules électriques sur les routes signifie qu’ils doivent être soutenus par une capacité de production électrique appropriée pour la recharge.

La « taxe carbone »

Le rapport a également analysé comment la hausse de la redevance sur le carbone des libéraux affectera potentiellement l’économie canadienne.

En décembre dernier, le gouvernement a confirmé que la redevance augmenterait régulièrement, passant progressivement de 50 $ la tonne en 2022 à 170 $ la tonne en 2030. Cette décision a été critiquée par de nombreux acteurs des industries pétrolière et gazière de l’Ouest canadien, ainsi que par les conservateurs à Ottawa, qui affirment tous que les coûts du carburant pèsent inéquitablement sur les Canadiens qui n’ont d’autre choix que de conduire un véhicule. Ils plaident aussi que cette politique mine la compétitivité des entreprises canadiennes, puisque tous les pays n’ont pas mis en place une telle redevance sur le carbone.

Le rapport du DPB indique que la hausse de la redevance à 170 $ la tonne et d’autres politiques climatiques du gouvernement « réduiront le niveau prévu du PIB réel de 1,4 % en 2030 ». Le DPB présente toutefois ce chiffre avec deux mises en garde : il n’y a pas d’estimation des répercussions que pourraient avoir les changements climatiques au Canada, et on ne connaît pas non plus les éventuels gains de productivité qui pourraient découler de l’adoption de nouvelles technologies.

Le rapport souligne également que les impacts sur le revenu réel du travail se feront principalement sentir dans les secteurs du pétrole, du gaz et des transports — et surtout chez les travailleurs ayant un niveau d’éducation inférieur.