(Toronto) L’interdiction à venir de certains plastiques à usage unique devrait servir d’avertissement pour les Canadiens préoccupés par les dangers potentiels de produits quotidiens, affirment des experts.

Des membres de la communauté scientifique s’attendent à ce que cette décision du gouvernement fédéral stimule la recherche pour déterminer si les microplastiques affectent la santé humaine — et si oui, comment.

Le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé plus tôt ce mois-ci son intention d’ajouter les « articles manufacturés en plastique » à la liste des substances toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. Il invoque des preuves selon lesquelles des traces de pollution sous forme microplastique ont été retrouvées, entre autres, sur des rivages et à la surface de plans d’eau, dans des sédiments, dans le sol, dans des eaux souterraines, dans l’air intérieur et extérieur, ainsi que dans la nourriture et l’eau potable.

Cependant, des défis persistent pour établir un lien définitif entre le plastique ou ses particules et des problèmes de santé comme le cancer. Les experts affirment qu’il s’agit d’un champ d’études naissant où un consensus n’a pas encore atteint sur la méthodologie et les techniques d’échantillonnage à privilégier, sans même parler de relations de cause à effet.

Il ne fait aucun doute que la pollution plastique est dommageable pour l’environnement, la faune et ses habitats, relève néanmoins le professeur en études environnementales à l’Université Dalhousie Tony Walker, qui a conseillé le gouvernement fédéral sur cette question.

Il n’est pas farfelu de supposer que cette forme de pollution a des conséquences sur les humains également, avance-t-il, et cela devrait suffire à justifier une réduction de l’utilisation du plastique au quotidien.

« Les humains font partie de l’environnement, donc si ça a un impact sur l’environnement, que ce soit directement ou indirectement, ça va nous affecter », expose-t-il.

« On n’a peut-être pas encore de preuves écrasantes pour le quantifier, mais on sait qu’on en ingère. On sait qu’on en respire. »

D’ici la fin de 2021, les sacs d’épicerie, les pailles, les bâtonnets à mélanger, les porte-canettes, les ustensiles et les contenants pour emporter fabriqués à partir de plastiques difficiles à recycler en viendront à disparaître progressivement en vertu du plan avancé par le gouvernement fédéral, qui sollicite les commentaires du public jusqu’au 9 décembre.

Peut-être vaudrait-il mieux renoncer immédiatement à ces articles de tous les jours, tout comme d’autres produits en plastique dont l’interdiction est envisagée, tels que les bouteilles et les bouchons ainsi que les tasses et les couvercles pour boissons chaudes et froides, soutient M. Walker.

Même si une évaluation scientifique gouvernementale indique que « l’exposition aux macroplastiques ne devrait pas être préoccupante pour la santé humaine », on souligne aussi que les déchets se décomposent dans l’environnement — bien que très lentement — et se transforment en microplastiques.

Ces petites particules, définies comme ayant une taille inférieure à cinq millimètres, adviennent également sous forme de microfibres qui sont libérées lors de la lessive, par exemple. Les microplastiques peuvent même être trouvés dans l’air extérieur, car ils se dégagent aussi des pneus de véhicules à l’usure.

L’impact de tout cela sur le corps humain attire de plus en plus l’attention du milieu médical, selon la professeure en écologie de l’Université de Toronto Chelsea Rochman, qui est également conseillère scientifique pour l’organisation Ocean Conservancy.

« Ça a été mesuré dans les selles, donc on sait qu’on en mange et qu’on en excrète. La prochaine question est : comment est-ce que ça affecte les humains ? Et on commence à étudier ça », explique-t-elle, en faisant référence à une dizaine d’études portant sur des lignées cellulaires humaines ou sur des souris.

Une bonne partie des écrits scientifiques se concentrent sur la façon dont les particules de plastique nous affectent physiquement, affirme Chelsea Rochman, que ce soit par une inflammation des tissus ou encore par un impact sur les gènes impliqués dans la réponse du système immunitaire.

Chez les souris, les plus petites particules de plastique peuvent même quitter l’intestin pour entrer dans la circulation sanguine et dans certains organes, signale-t-elle.

Il y a aussi les additifs appliqués dans la fabrication de plastique : les stabilisants polymères, les agents ignifuges, les lubrifiants, les plastifiants et les colorants, qui peuvent se dégrader pour ensuite former d’autres produits chimiques tels que les phtalates, les polybromodiphényléthers, le plomb et le cadmium.

L’Association canadienne de l’industrie de la chimie s’oppose à l’étiquette de « toxique », décriant toute comparaison qui pourrait être insinuée entre le plastique et d’autres produits chimiques nocifs comme le mercure, l’amiante et le plomb.

Chelsea Rochman note toutefois qu’en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE), le terme « toxique » est plus nuancé que dans son usage quotidien, où il rime souvent avec une certaine nocivité.

Au regard des connaissances scientifiques actuelles, il est désormais « incontestable » que les particules de plastique ont leur place sur la liste de LCPE, soutient Tony Walker.

« De plus en plus de preuves suggèrent qu’elles sont toxiques, surtout au niveau des microplastiques et des nanoplastiques », explique le chercheur, qui a récemment co-écrit une étude sur les torts causés par les microbilles de polystyrène à la truite arc-en-ciel.