Un organisme international de surveillance environnementale affirme qu’il existe des preuves convaincantes montrant que les bassins de résidus des sables bitumineux en Alberta ne sont pas étanches.

Selon un rapport de la Commission de coopération environnementale, un organisme créé en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain, « il existe de solides preuves scientifiquement valides (montrant) une infiltration dans les eaux souterraines proches des champs autour des bassins de résidus ».

Le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a jugé cette conclusion « troublante ». « Les conclusions du rapport ne peuvent être ignorées, a-t-il dit. Je prends assurément ces résultats à cœur. »

La commission a également constaté que les gouvernements de l’Alberta et du Canada ne collaboraient pas pour assurer le respect des normes environnementales par l’industrie, malgré de nombreux accords en ce sens.

La commission « n’a pu trouver aucune information étayant une relation entre l’Alberta et le Canada en ce qui concerne les rejets des bassins de résidus », indique le rapport, publié jeudi.

En 2017, deux groupes environnementaux et un membre d’une nation autochtone des Territoires du Nord-Ouest ont demandé à la commission de déterminer si le Canada en avait fait assez pour enquêter sur les fuites provenant des bassins de résidus, et pour savoir si les dispositions de la Loi sur les pêches concernant la protection de l’eau étaient respectées. La loi interdit de rejeter toute substance nocive dans les cours d’eau où peuvent se trouver des poissons.

Des résidus de bitume sont détectés depuis longtemps dans la rivière Athabasca, ses affluents et les eaux souterraines de la région, dans le nord de l’Alberta. Mais Environnement Canada et l’industrie soutiennent qu’il est impossible de déterminer si ce résidu est d’origine industrielle ou naturelle.

La commission, qui s’appuie sur des années de recherches évaluées par des pairs ainsi que sur des experts internationaux, a conclu que cette incertitude n’est plus justifiée.

Elle affirme que les eaux résiduelles des sables bitumineux s’infiltrent à la fois dans les eaux souterraines sous les bassins de résidus et dans deux affluents de la rivière Athabasca. Bien qu’il n’y ait pas de preuves de la présence de résidus de sables bitumineux dans la rivière elle-même, il y a des « indications » montrant que les résidus ont atteint les sédiments de la rivière.

L’industrie reconnaît les fuites

Le rapport s’appuie également sur des données de l’industrie qui reconnaissent les fuites provenant des bassins.

« Les données présentées dans le rapport de surveillance Syncrude montrent des preuves cohérentes d’infiltration », écrit la commission. Syncrude a estimé que 785 000 mètres cubes d’eau d’un bassin de résidus — l’équivalent de 314 piscines olympiques — avaient fui en 2017.

La commission a également relevé qu’il n’y avait aucune preuve montrant que les gouvernements fédéral et provincial travaillaient ensemble pour mettre fin à ces fuites.

Le ministre Wilkinson a indiqué qu’Ottawa et l’Alberta se concertaient pour surveiller l’industrie des sables bitumineux, mais qu’ils pouvaient faire mieux. « La question des bassins de résidus doit être abordée et cela exigera une coopération renforcée et un niveau d’urgence accru de la part des deux gouvernements », a-t-il dit.

Le scientifique en chef par intérim de l’Alberta, Garry Scrimgeour, a souligné que le rapport venait tout juste d’être publié et que l’Alberta devait prendre le temps de l’analyser. Il a néanmoins assuré que les deux gouvernements travaillaient bel et bien ensemble dans ce dossier, en soulignant que le programme de surveillance des sables bitumineux est coprésidé par des représentants d’Ottawa et d’Edmonton.

« C’est une collaboration de longue date qui a des racines profondes », a-t-il affirmé.

Daniel Smith, directeur régional d’Environnement Canada pour cette zone, a expliqué que les scientifiques du gouvernement utilisent maintenant une technologie qui leur permet de suivre la contamination provenant des sables bitumineux jusqu’à la source et qu’ils analysent des échantillons prélevés en 2019.

« Nous avons réalisé que nous devions améliorer la science, a-t-il admis. Si les agents d’Environnement Canada découvrent des violations (de la Loi sur les pêches), nous prendrons des mesures. »

Dale Marshall, de l’organisation Environmental Defence, l’un des groupes ayant déposé la plainte initiale, a souligné que le rapport confirmait les craintes des environnementalistes.

Selon lui, le manque de coopération entre Edmonton et Ottawa a fait en sorte que l’application de la loi est « tombée entre les mailles du filet ».

Il espère voir des changements immédiatement. « Je ne vois pas ce qu’on pourrait faire d’autre », a-t-il dit, en soulignant que les données de l’industrie même suggèrent que la loi est transgressée.

« Le gouvernement fédéral a toutes les preuves dont il a besoin. Il est temps de faire quelque chose. »