(Monaco) Le rapport des experts climat de l’ONU sur le piteux état de santé des océans et des zones glacées, dont le contenu sera dévoilé mercredi à Monaco, a été adopté mardi après une nuit de débats freinés par les objections saoudiennes.

Ce nouveau constat des experts du GIEC est attendu comme une nouvelle preuve de l’urgence à lutter contre le réchauffement climatique, alors que les dirigeants mondiaux sont accusés d’inaction par des citoyens et des jeunes de plus en plus mobilisés à travers le monde.  

Ce rapport spécial sur les océans et la cryosphère (calottes glaciaires, banquises, glaciers, pergélisol) va clore une séquence climatique marquée par des manifestations de millions de jeunes en fin de semaine dernière et un sommet à l’ONU lundi où les paroles de la militante suédoise Greta Thunberg à la tribune n’ont pas suscité l’impulsion recherchée par les défenseurs du climat.

Au terme de cinq jours de discussions à Monaco, derrière des portes closes, entre scientifiques et diplomates des 195 États membres du GIEC, la synthèse de ce rapport de 900 pages a été formellement adoptée mardi.  

« Un fort agréable moment […] après 2 ans de travail et une dernière session de 27 heures », a commenté sur Twitter Jean-Pierre Gattuso, un des auteurs.

Débutées vendredi, les discussions qui devaient se terminer lundi soir ont finalement duré jusqu’au bout de la nuit, jusqu’à mardi en fin de matinée.

La faute à l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, ont indiqué à l’AFP plusieurs participants sous couvert de l’anonymat.

Les Saoudiens voulaient écarter les références au rapport spécial du GIEC d’octobre 2018 qui montrait les grandes différences d’impacts entre un monde à +1,5 °C et à +2 °C.

Ce véritable coup de semonce des scientifiques expliquait qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50 % d’ici 2030 pour rester sous +1,5 °C, objectif idéal de l’accord de Paris sur le climat.

Mais malgré son adoption par consensus, quelques pays, Arabie saoudite en tête, n’acceptent pas ses conclusions.

Montée des eaux

« On dirait qu’ils ne sont venus à cette réunion que pour empêcher toute référence au rapport 1,5 °C ou à la baisse des émissions de CO2 », a déclaré un participant, dénonçant une volonté « méprisable » de discréditer la science.

Finalement, les délégations ont accepté de retirer la référence la plus forte au rapport 1,5 °C, selon une source proche des négociations.

Malgré tout, « la science qui sous-tend ce rapport est bien dedans », a tempéré un autre participant.

Lors de la réunion climat de l’ONU à Katowice fin 2018 (COP24), États-Unis, Arabie saoudite et Russie avaient déjà refusé la mention « accueille favorablement » ce rapport +1,5 °C dans la décision finale. Depuis, à chaque occasion, les Saoudiens rejettent les références à ce texte.

Le contenu du rapport adopté mardi matin, qui passe en revue les effets catastrophiques du réchauffement sur les océans et la cryosphère, sera dévoilé mercredi à 5 h (HE).

Mais les grandes lignes d’une somme de travail qui rassemble les résultats de milliers d’études scientifiques sont connues.

Les océans, qui couvrent plus de 80 % de la surface du globe, ont absorbé environ un quart des émissions de gaz à effet de serre générés par l’Homme. Avec des conséquences palpables : hausse de la température de la mer, acidification, perte d’oxygène, qui entraînent des impacts en cascade sur les écosystèmes dont dépend l’Homme pour sa protection et sa nourriture.

Les zones gelées de la planète ne sont pas non plus épargnées par les impacts ravageurs du réchauffement.  

La montée des eaux liée au rétrécissement des calottes de l’Antarctique et du Groenland va menacer de nombreuses régions côtières, des petits États insulaires aux grandes métropoles comme New York ou Shanghai, en passant par les deltas du Gange ou du Mékong.

Mais l’ampleur de la catastrophe annoncée dépendra des actions prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les engagements actuels des États, s’ils étaient respectés, conduiraient à un monde à +3 °C, alors qu’avec un seul degré de plus, l’Humanité subit déjà de plus en plus de tempêtes, sécheresses et canicules.