Après huit années de démarches auprès d'Ottawa, la municipalité de Nominingue, dans les Laurentides, a obtenu une interdiction des bateaux à moteur à essence sur le petit lac Sainte-Marie. « Le processus est beaucoup trop complexe », dit un citoyen.

Les riverains du lac Sainte-Marie, à Nominingue, dans les Laurentides, ont de quoi célébrer ces jours-ci : leur lac est plus propre, et la contamination récurrente aux cyanobactéries (algues bleues), qui y a déjà fait interdire la baignade, a moins de risque de revenir ruiner leur été.

C'est qu'après huit ans de démarches, Transports Canada a ajouté le lac Sainte-Marie à sa liste des lacs interdits aux bateaux à moteur à essence à la fin de l'année 2017. Une victoire pour les élus et les citoyens, qui disent avoir été surpris par la lourdeur et les coûts associés à ce processus.

« Le plan d'eau est fédéral, le fond de l'eau est provincial, et les berges sont au municipal, résume Georges Décarie, maire de Nominingue. C'est clair que c'est une grande victoire pour nous. Mais tout ce processus-là est long et ardu. Il a fallu faire des efforts financiers et humains considérables. »

Le lac Sainte-Marie n'est pas bien grand : il fait 0,64 km2 et a une profondeur moyenne de moins de 4 m. On y trouve 72 habitations.

Léonard Lafontaine, président de l'association des résidants du lac Sainte-Marie, explique qu'une poignée d'amateurs de bateaux à moteur y circulaient à haute vitesse depuis des années.

« On avait des moteurs de 250 chevaux, 400 chevaux dans notre petit lac. De nombreux résidants autour du lac se plaignaient », explique monsieur Lafontaine.

Les moteurs à essence relâchent des hydrocarbures dans l'eau, et leur puissante hélice soulève les sédiments accumulés au fond du lac, dont les cyanobactéries se nourrissent. Cinq épisodes de contamination aux cyanobactéries ont été documentés dans le lac Sainte-Marie par le ministère de l'Environnement entre 2004 et 2015.

À la suggestion de Transports Canada, les résidants du lac Sainte-Marie se sont d'abord dotés d'un code d'éthique qui balisait l'utilisation des bateaux à moteur. Mais la municipalité a reçu des dizaines de plaintes affirmant que le code d'éthique n'était pas respecté.

Quelque 90 % des riverains ont aussi signé une pétition demandant l'interdiction des bateaux à moteur sur le lac.

UN PROCESSUS JADIS MOINS DIFFICILE

Mélissa Laniel, chargée de projet au Conseil régional de l'environnement des Laurentides, l'organisme à but non lucratif qui a travaillé pendant quatre ans avec la municipalité de Nominingue dans le dossier du lac Sainte-Marie, note qu'il a déjà été très facile pour une municipalité d'obtenir une interdiction des bateaux à moteur sur un plan d'eau.

« Il y a 30 ou 40 ans, des municipalités, notamment Sainte-Anne-des-Lacs, ont obtenu ce règlement pour l'ensemble de leurs lacs », dit-elle.

L'arrivée au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper, au milieu des années 2000, a changé la donne. Soucieux de réduire la réglementation en général, le gouvernement fédéral a alourdi le processus menant aux restrictions à la conduite des bateaux à moteur.

Les demandes de Transports Canada vont loin, note Mme Laniel.

« Par exemple, le gouvernement nous demandait si ça allait avoir un impact sur la station-service locale, qui pourrait vendre moins d'essence... Le gouvernement met l'accent sur les impacts socioéconomiques, alors qu'il faudrait peut-être davantage tenir compte des impacts environnementaux », explique-t-elle.

Léonard Lafontaine croit que le gouvernement devrait tout simplement permettre aux municipalités de réglementer les activités qui se font sur leurs lacs.

En 1999, un rapport du Comité de consultation sur la sécurité nautique et la qualité de vie sur les lacs et les cours d'eau du Québec recommandait d'ailleurs d'interdire les embarcations à moteur à essence sur les lacs de moins de 1 km2 et sur les lacs de moins de 4 km2 servant de réservoirs d'eau potable. « Ces recommandations n'ont pas été appliquées », note M. Lafontaine.

« Actuellement, au Québec, n'importe qui peut mettre n'importe quel bateau sur presque n'importe quel lac. C'est la pagaille. Le processus auprès de Transports Canada est très long et complexe, ce qui explique peut-être que peu de municipalités décident de l'entreprendre. »

« L'IDÉE N'EST PAS D'IMPOSER UNE RÉGLEMENTATION »

Marie-Anyk Côté, porte-parole de Transports Canada, note que le rôle du ministère est de travailler avec les citoyens et les municipalités dans cette démarche.

« L'idée, ce n'est pas de débarquer et d'imposer une réglementation, dit-elle. On accompagne les municipalités qui, avec les citoyens, arrivent à un accord. »

La démarche se fait en plusieurs étapes, dit-elle. « Ça doit être fait de façon rigoureuse, parce qu'il faut aller chercher le plus possible un consensus autour d'un lac. Il faut réaliser que le résultat de cette démarche-là va être une réglementation qui va être enchâssée dans une loi. »

Pour le maire de Nominingue, Georges Décarie, l'idée n'est pas de chercher à restreindre les droits d'un groupe de citoyens au profit d'un autre. La municipalité de Nominingue compte 97 lacs - et les moteurs à essence ne sont interdits que sur le lac Sainte-Marie.

« Certains lacs, comme le lac Témiscouata, sont vastes, profonds, et peuvent recevoir des embarcations avec des moteurs de forte puissance, dit-il. Dans le cas du lac Sainte-Marie, utiliser un gros bateau est, d'après moi, un non-sens. C'est tout petit comme lac. »

Photo fournie par Laurent McComber

Le lac Sainte-Marie a déjà été aux prises à la contamination récurrente aux cyanobactéries (algues bleues), comme ici, en 2015

PHOTO FOURNIE PAR LAURENT McCOMBER

La municipalité de Nominingue compte 97 lacs - et les moteurs à essence ne sont interdits que sur le lac Sainte-Marie.