Que s’est-il passé durant ces trois mois ?

Informée par le consulat que l’agence Travailleurs.ca a « placé illégalement le travailleur guatémaltèque pour une durée de trois mois », une enquêtrice de la CNESST se rend à l’aéroport pour recueillir la version des faits du travailleur le 27 juillet 2022.

« Lors de cet échange, le travailleur a dénoncé, entre autres, les frais de recrutement d’une valeur de 200 $ exigés par Travailleurs.ca pour le référer à un employeur qui l’accueillerait sans document valide », peut-on lire dans sa déclaration solennelle.

Au Québec, le Règlement sur les agences de placement de personnel et sur les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires interdit, en règle générale, à tout titulaire d’un permis d’agence d’exiger des frais pour le recrutement.

M. Garcia Castillo affirme qu’il aurait uniquement travaillé pour un autre employeur : la scierie Planchers des Appalaches.

L’entreprise de Cowansville est située à environ trois kilomètres du logement où était hébergé M. Garcia Castillo.

Le président de l’entreprise, Jean Leduc, et son responsable des ressources humaines, Martin Duval, affirment qu’ils n’ont aucun souvenir de ce travailleur même s’ils confirment avoir déjà eu recours aux services de Travailleurs.ca.

« Dire à un monsieur qui n’a pas d’argent qu’il faut qu’il paye pour venir travailler ici ? Je n’ai jamais entendu ça de ma vie. Jamais. Je ne comprends même pas que ça puisse exister », a déclaré M. Leduc en entrevue avec La Presse.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Jean Leduc, président de la scierie Planchers des Appalaches

Je trouve ça révoltant qu’il y ait quelqu’un qui a abusé d’un monsieur qui veut gagner sa vie pour sa famille et qu’il fait payer pour faire ça. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé après, mais nous autres, avoir su que quelque chose de même se passait, Travailleurs.ca ne serait jamais rentré ici.

Jean Leduc, président de la scierie Planchers des Appalaches

« On n’était aucunement, aucunement, aucunement au courant », a ajouté M. Duval. « Le niveau de protection, quand on fait affaire avec une agence, c’est justement l’enregistrement à la CNESST […] Moi, ce que je reçois, c’est la facture des heures travaillées au taux où on s’est entendus, et c’est tout », a-t-il ajouté.

Il dit avoir cessé de recourir à cette agence en raison du ralentissement économique et du fait que certains de leurs travailleurs disparaissaient « sans avertissement » « du jour au lendemain ».

Depuis, pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, il a recruté des TET en Tunisie.

353 $ pour une chambre

Durant le séjour de M. Garcia Castillo à Cowansville, l’agence « lui aurait facturé l’hébergement [à] une somme mensuelle de 353 $ pour une chambre et le WiFi », peut-on aussi lire dans la déclaration sous serment de l’enquêtrice.

Est-ce qu’une agence peut demander à un TET de payer son hébergement ?

« Les modalités entourant le paiement des repas et de l’hébergement lorsque ceux-ci doivent être fournis au salarié en raison de ses conditions de travail […] incombent à l’employeur du salarié et non à l’agence », a répondu le conseiller en relations de presse de la CNESST Antoine Leclerc-Loiselle.

31,74 $ 

Montant maximal par semaine pour une chambre qui peut être déduit par l’employeur qui fournit (ou veille à ce que soit fourni) l’hébergement d’un salarié

Source : Loi sur les normes du travail

57,11 $ 

Montant maximal qui peut être déduit par l’employeur par semaine pour un logement lorsque la chambre héberge quatre salariés ou moins. Le montant est de 38,10 $ pour un logement lorsque la chambre héberge cinq salariés ou plus.

Source : Loi sur les normes du travail

C’est parce qu’il était incapable de payer le loyer qu’il se serait rendu à l’aéroport pour quitter le pays, indique la déclaration sous serment.

Même si elle n’avait aucun lien avec cette affaire, c’est l’agence de recrutement agricole FERME qui a finalement payé le billet d’avion.

« Les informations que nous avions reçues du Consulat sont que le travailleur s’est présenté à l’aéroport espérant que quelqu’un l’aide. Il avait abandonné la compagnie où il travaillait pour travailler illégalement avec une agence, mais il a eu d’autres problèmes et il n’avait pas d’argent pour retourner au Guatemala. Le Consulat nous a demandé notre aide pour retourner ce travailleur et il a demandé au travailleur de faire une plainte à la CNESST avant de quitter le Canada », a expliqué le directeur général de FERME, Fernando Borja.