François Legault mise sur des économies majeures dans les approvisionnements, sur un rendement accru des sociétés d'État et sur une « croissance économique accélérée » - créée par ses propres politiques - pour financier son programme électoral.

Le chef de la Coalition avenir Québec a été le premier à dévoiler son cadre financier, samedi. Il a chiffré à 2,7 milliards le coût de ses engagements - baisse de la taxe scolaire, prématernelle à 4 ans, bonification de l'allocation familiale, etc.

Et pour la première fois, il a révélé de manière détaillée comment il compte financer son programme.

« Ce qu'on veut faire ce matin, c'est vous présenter un cadre financier qui est responsable, qui va nous amener à mieux gérer les finances publiques, a dit M. Legault en conférence de presse. (Nous voulons) à la fois améliorer les services, et à la fois remettre de l'argent dans le portefeuille des Québécois. »

Son cadre financier reste muet sur les économies qu'il espère réaliser en renégociant le salaire des médecins spécialistes et en changeant le mode de rémunération des omnipraticiens. M. Legault avait déjà dit vouloir récupérer un milliard en réduisant la rémunération des spécialistes.

« Il y aura une étude. Elle servira de base à la négociation. Pour être très prudent, on n'a pas inclus ces montants dans notre cadre financier », a résumé le chef caquiste.

Pour se dégager une marge de manoeuvre, la CAQ cible plutôt les dépenses de l'État. Elle prévoit économiser 590 millions au bout de quatre ans en réduisant les coûts d'approvisionnements. Le coût de l'informatique serait sabré de 210 millions et la réévaluation des programmes rapporterait 300 millions.

M. Legault compte aussi économiser 381 millions en éliminant par attrition 5000 postes dans la fonction publique et parapublique.

Un gouvernement caquiste exigerait aussi une hausse de rendement de 7 % des sociétés d'État comme Hydro-Québec, Loto-Québec et la Société des alcools. Il demandera de leur part des gains d'efficacité, promettant qu'aucune taxe ou tarif n'augmentera davantage que l'inflation.

Effet CAQ

Enfin, M. Legault table sur une hausse des revenus de l'État de 700 millions en 2022-2023 qui découlerait d'une « croissance économique accélérée ». Cette hausse de 0,5 % supérieure aux projections actuelles serait générée par les politiques mises en place par un gouvernement caquiste, notamment en matière de formation de la main-d'oeuvre et de stimulation de l'investissement privé.

« Le rôle d'Investissement Québec va changer complètement, a expliqué M. Legault. On va être au-devant des entrepreneurs pour augmenter les investissements privés non résidentiels. Donc il va y avoir tout un changement d'attitude chez Investissement Québec, et on pense que c'est très conservateur de se contenter de 0,5 % dans les années trois et quatre. »

Santé et éducation

Un gouvernement de la CAQ maintiendrait les coûts du système, et augmenterait les budgets du ministère de la Santé de 4,1 % chaque année, et de 3,5 % pour le ministère de l'Éducation.

Contrairement au gouvernement Couillard, qui a imposé des compressions sans précédent en début de mandat, M. Legault prévoit un financement « stable » des ministères et organismes. Il n'est donc pas question de réduire les dépenses pour amasser un « trésor de guerre » en vue des élections, a-t-il dit.

« On met quand même 1,7 milliard par année dans le portefeuille, ce qui va induire une meilleure consommation, a dit M. Legault. Et on sait que c'est l'élément le plus important dans la croissance du PIB. »

Réactions

Pour le chef libéral Philippe Couillard, le cadre financier de la CAQ, « c'est du travail brouillon ». Dans les revenus comme dans les dépenses, « il y a des choses qui ont disparu, qui ont été sous-évaluées de façon massive ». Il n'a pas donné d'exemples, plaidant que Carlos Leitao le ferait plus tard. Le chef libéral a évoqué qu'il y a « très peu de détails sur les infrastructures ou quasiment pas ». 

« Ça ne marche pas. Je ne suis pas surpris. Maintenant, je pense qu'on peut donner à M. Legault et son équipe une chance de se reprendre d'ici le débat, de refaire le travail et de nous présenter un véritable cadre financier qui permet aux gens de comparer », a-t-il affirmé lors d'une brève mêlée de presse dans la circonscription de Maurice-Richard (Montréal). 

Si M. Legault n'a pas chiffré les économies découlant de la renégociation du salaire des médecins spécialistes, c'est la preuve qu'« il a reculé là-dessus », selon M. Couillard.

De son côté, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a tourné au ridicule la croissance caquiste de l'économie et les réductions de dépenses liées au « gaspillage ». 

« Je vois qu'il y a la ligne 6/49 [dans le cadre financier] de la CAQ. Ils vont gagner à la loterie en trouvant beaucoup d'argent dans le gaspillage. Il y a aussi la ligne "effet caquiste", comme nous disait Philippe Couillard [sur la croissance économique libérale]. (...) C'est de la pensée magique », a martelé le chef péquiste, qui souhaite toujours déposer son cadre financier avant le débat, mais après celui des libéraux.

Remboursement de la dette

Le gouvernement Couillard a annoncé l'hiver dernier qu'il pigera 10 milliards dans le Fonds des générations d'ici cinq ans pour rembourser la dette. Si la CAQ prend le pouvoir, elle appliquera la même politique, mais dès l'an prochain.

Cette stratégie permettra de protéger le Fonds des générations d'un éventuel repli des marchés financiers, a indiqué le candidat caquiste Éric Girard, ancien trésorier et vice-président de la Banque Nationale.

« S'il y avait une correction boursière dans les prochaines années, comme on observe présentement dans les marchés émergents, ça aurait un impact important, a dit M. Girard. Alors c'est tout simplement une prise de profit, une prudence, une gestion des risques saine. »