Le gouvernement Couillard puisera environ 10 milliards au cours des cinq prochaines années dans le Fonds des générations pour les consacrer au remboursement de la dette, a appris La Presse. À terme, la manoeuvre devrait réduire de 1 milliard par année le service de la dette, qui avoisine actuellement les 10 milliards annuellement.

Cette mesure se trouvera au centre du budget que Carlos Leitão déposera le 27 mars à l'Assemblée nationale. On ne pouvait repousser plus loin, puisque les députés devront voter dans les deux jours qui suivent, avant le congé de Pâques, le quart des crédits budgétaires.

Québec fera des ponctions d'environ 2 milliards par année au Fonds créé en 2006 et qui atteint désormais 13 milliards. En même temps, il poursuivra ses contributions annuelles - de 2,3 milliards cette année et de 2,5 milliards pour 2018-2019 -, ce qui fera que la cagnotte ne diminuera pas, mais sa croissance sera très lente.

Il y a de l'économique et de la politique derrière cette décision. La correction récente des marchés boursiers a convaincu le ministère des Finances qu'il serait utile de mettre en partie le Fonds à l'abri des fluctuations d'un marché qui est en fin de cycle, craint-on à Québec. De plus, l'augmentation prévisible des taux d'intérêt porte à croire qu'il y a avantage à réduire la dette. 

Du côté politique, on veut couper l'herbe sous le pied du chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, qui a dit qu'il pourrait puiser dans le Fonds des générations pour financer des baisses d'impôt pour les contribuables québécois. Québec pense pouvoir marquer des points dans un débat sur la réduction nécessaire de la dette après avoir procédé à des baisses d'impôt depuis deux ans.

Une étude des fiscalistes Luc Godbout et Yves St-Maurice, l'automne dernier, suggérait pourtant de ne pas faire de ponction dans le Fonds des générations. On admettait que le risque d'une récession pourrait inciter à revoir cette stratégie - surtout, on indiquait qu'il ne fallait pas se servir de cette cagnotte pour autre chose que la réduction de la dette. Le Fonds des générations a été mis en place en 2006, quand Michel Audet était aux Finances - Québec s'engageait du même coup à ce que la dette soit ramenée à 45% du PIB en 2025. Au 31 mars 2017, la dette brute était de 203,5 milliards, soit 51,9% du PIB.

Dans un communiqué diffusé cette semaine, l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec plaidait pour une «politique de décaissement du Fonds des générations aux fins du remboursement de la dette [...] afin de soustraire dans une certaine mesure les sommes accumulées aux soubresauts des marchés financiers». Les économistes du Québec de même que la Fédération des chambres de commerce sont dans le même camp.

Sous le gouvernement Marois, le ministre des Finances Nicolas Marceau avait mis 1 milliard de ses surplus à la réduction de la dette. Ministre des Finances en 2001, Pauline Marois avait versé 500 millions pour réduire la dette.

600 millions de dépenses devancées

De diverses sources, La Presse a aussi colligé d'autres informations sur le budget à venir. Beaucoup d'argent ira aux mesures de formation de la main-d'oeuvre - dans plusieurs ministères, de la Solidarité de François Blais jusqu'à l'Immigration de David Heurtel. La pénurie de main-d'oeuvre est un obstacle majeur pour la croissance économique dans les prochaines années, le manque de personnel est devenu un problème lancinant dans plusieurs régions du Québec, plaide-t-on.

Comme le demandait le Barreau du Québec, Québec injectera beaucoup d'argent pour l'informatisation du travail des officiers de justice. On parle d'environ 500 millions sur cinq ans - dont 150 millions environ iront dans la modernisation des palais de justice.

Toutes les décisions ne sont pas arrêtées, mais le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, pourra compter sur au moins 150 millions pour l'embauche d'infirmières afin de réduire la charge de travail de celles qui sont déjà employées.

L'an dernier, en raison d'un surplus important, Québec avait payé en 2016-2017 pour 400 millions de factures qui auraient dû être décaissées cette année. Cette année encore, des surplus importants - 2,9 milliards, selon les derniers chiffres du ministère des Finances - incitent à devancer encore le paiement de factures ; il y en aura pour 600 millions cette année. Des dépenses de toutes sortes, notamment 9 millions pour payer à l'avance des subventions au mouvement de Pierre Lavoie.

La Culture obtient une centaine de millions dans ces devancements, une vingtaine de projets jusqu'aux déficits prévus pour des équipements comme le Grand Théâtre de Québec. On décaissera aussi à l'avance pour des infrastructures comme le projet du Diamant de Robert Lepage à Québec. Mais les fonds dévolus à une nouvelle politique culturelle seront bien moindres que les attentes, prévient-on.