Gertrude Bourdon avait demandé pas moins de 8% dans ses échanges avec la Coalition avenir Québec. À la tête de la Santé sous un gouvernement libéral, elle aurait droit à une hausse annuelle « minimale » de 4,2% des dépenses de son ministère, annonce Philippe Couillard, promettant d'être « plus ferme avec les médecins ». Il menace de pénalités financières le corps médical, dont la rémunération a soulevé la controverse en fin de mandat.

Selon le rapport préélectoral des Finances approuvé par la vérificatrice générale avant le début de la campagne, le gouvernement prévoyait une croissance annuelle moyenne de 4% des dépenses en santé. Il la revoit donc légèrement à la hausse, à 4,2%. C'est une différence de près de 80 millions de dollars. L'augmentation pourrait être plus importante « si la situation économique le permet », précisent les libéraux.

Lors de la campagne électorale de 2014, Philippe Couillard avait promis une croissance au « rythme annuel de 4% » pour la Santé. Or, ce fut inférieur à cet engagement en début de mandat, afin de retrouver l'équilibre budgétaire. Par contre, l'augmentation atteint 4,6% cette année, la dernière du mandat.

Philippe Couillard promet plus de fermeté envers les médecins de famille et les spécialistes qui ne respectent pas les cibles prévues à leur entente avec le ministère de la Santé. « Les pénalités prévues aux encadrements seront appliquées si les objectifs attendus au 31 décembre 2018 ne sont pas atteints », annonce-t-il. Les médecins pris en défaut verraient leur rémunération être amputée jusqu'à 30% selon la loi 20 de Gaétan Barrette.

La mise en application de cette loi a été suspendue il y a quelques mois. Les médecins devaient initialement atteindre leurs cibles avant la fin de 2017, selon une entente conclue deux ans plus tôt. Gaétan Barrette a voulu leur donner un peu plus de temps pour les atteindre. Les pénalités n'ont donc pas été imposées.

En entrevue à La Presse juste avant le déclenchement des élections, Gaétan Barrette se disait « extrêmement déçu de la façon dont les choses ont avancé en 2018 ». En date du 30 juin, c'est 80 % de la population qui avait un médecin de famille, alors que la cible à laquelle il s'était engagé est de 85 %. Chez les spécialistes, malgré des améliorations, il y a encore trop de patients qui attendent plus d'un an pour une intervention chirurgicale, par exemple.

« Pour moi, le regret, c'est de ne pas être arrivé à destination », reconnaissait le ministre. Il disait avoir été « très, très indulgent envers les médecins de famille et les spécialistes » en suspendant la loi 20. 

Gertrude Bourdon, désignée ministre de la Santé d'un prochain gouvernement libéral, se chargerait donc de l'application des lois de Gaétan Barrette. « J'ai une main de fer dans un gant de velours », répondait-elle en entrevue à une station de radio de Québec plus tôt cette semaine.

Philippe Couillard prend l'engagement que 90% de la population ait un médecin de famille d'ici la fin du mandat. Passer de 80% à 90% signifie qu'environ 900 000 Québécois de plus auraient un médecin de famille.

Il s'engage à ce que le taux d'assiduité des omnipraticiens soit de 95% dans le même délai. Ce taux correspond à la part des visites médicales faites par les patients auprès de leur médecin de famille. Il vise à vérifier l'accessibilité d'un omnipraticien auprès des patients qu'il a inscrits. Ce taux serait aujourd'hui à 80%, ce qui est conforme à la cible fixée dans l'entente.

Philippe Couillard a l'intention d'avoir les médecins à l'oeil : il promet la mise en place d'une « reddition de compte concernant les frais de cabinet médicaux ».

En vertu des ententes de rémunération conclues avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins omnipraticiens, l'enveloppe de rémunération des 20 000 médecins passera de 7,6 milliards en 2017-2018 à 8,7 milliards en 2022-2023.

ENTENTE FMSQ

• Récurrent : 1,4 % par an sur 8 ans (2015-2023)

• Non récurrent : 1,5 milliard sur 10 ans (2017-2027)

ENTENTE FMOQ

• Récurrent : 1,8 % par an sur 8 ans (2015-2023)

• Non récurrent : 650 millions

Soins à domicile et infirmières

Le chef libéral s'engage à consacrer 200 millions de plus par année aux soins à domicile, afin d'ajouter du personnel. L'augmentation annuelle était de 150 millions auparavant.

Il promet de donner suite aux projets-pilotes sur une baisse des ratios de patients par infirmière. Selon l'annonce faite en mars, une infirmière en CHSLD aurait à s'occuper d'environ cinq patients de moins le jour, et le nombre de résidants à sa charge le soir et la nuit serait réduit de moitié.

Ratios actuels en CHSLD

• Jour : 25 à 32 patients par infirmière

• Soir : 50 à 64

• Nuit : 75 à 96

Ratios prévus aux projets pilotes

• Jour : 20 à 27 patients par infirmière

• Soir : 25 à 32

• Nuit : 37 à 44 

Les libéraux maintiennent l'objectif de 2000 super-infirmières d'ici 2024-2025. Il y en a 493 qui sont certifiées à l'heure actuelle ; 380 sont étudiantes ou en attente de procéder à leur examen de certification. Le chef libéral entend travailler avec les ordres professionnels pour « assouplir les règles encadre leur pratique » et augmenter la collaboration avec les médecins.

Le Parti libéral veut lancer une campagne « massive » de promotion du métier de préposé aux bénéficiaires et mettre en place un programme de formation en alternance travail-études dans toutes les régions du Québec. Le Québec compte 40 000 préposés aux bénéficiaires, et « on en manque 1000 » aux dires de Philippe Couillard.

RÉACTIONS

« Pour atteindre le 95 %, il faudrait carrément interdire aux patients de consulter ailleurs qu'à la clinique où ils sont inscrits, fermer les super cliniques, interdire l'accès aux salles d'urgence pour certains cas, etc. Contre-productif et farfelu à la limite. Selon votre plan, toujours de nouvelles menaces coercitives et contre-productives envers seulement les médecins de famille...  Tellement malheureux cette dévalorisation, aux nombreux effets pervers et typiquement québécoise, de la médecine familiale. »

-Fédération des médecins omnipraticiens du Québec 

« L'Association se réjouit que ses demandes aient trouvé écho dans ces promesses et espère que toutes les formations politiques emboiteront le pas dans cette direction afin d'améliorer la qualité des soins offerts aux patients. »

-Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec