Il ne manque pas d'électeurs au Québec pour dénoncer l'empressement de Jean Charest à nous replonger dans une nouvelle campagne électorale, seulement 20 mois après avoir été élu à la tête d'un gouvernement minoritaire et quelques semaines à peine après le dernier scrutin fédéral.

Vrai, on s'en passerait volontiers.

Mais mettez-vous un peu dans la peau du chef libéral.

Voici un homme honni ou méprisé par une majorité de l'électorat il y a deux ans à cause des gaffes de son gouvernement et d'une attitude jugée arrogante. Un homme humilié lors des dernières élections, réduit au statut de premier ministre minoritaire et un chef en sursis dans son propre parti.

 

À peine deux ans plus tard, revoici le même homme jouissant d'une très forte cote de crédibilité et dont le gouvernement bat des records de taux de satisfaction. Un premier ministre en état de grâce sur lequel rien ne colle, lui qui traînait les moindres erreurs de son premier gouvernement comme un chapelet de casseroles accroché derrière une voiture.

En plus, l'opposition se cherche, en particulier l'ADQ, qui en arrache.

Jean Charest veut y aller, ça se comprend. En fait, il veut y aller depuis le soir même du dernier scrutin, le 26 mars 2007. Jean Charest sait qu'il a mené une mauvaise campagne au printemps 2007 et il ronge son frein depuis, attendant le match revanche.

Il y a un risque à enfoncer une nouvelle campagne électorale dans la gorge des Québécois, évidemment. D'autant plus que les Québécois ont commencé à apprécier le premier ministre libéral le jour où celui-ci est devenu minoritaire.

Confiant - peut-être trop, l'avenir prochain nous le dira - M. Charest fait toutefois le pari que les électeurs égarés du côté de l'ADQ en 2007 reviendront au bercail et qu'une course plus traditionnelle entre PLQ et PQ le favorisera.

Dans son entourage, on dit qu'il est fébrile à l'idée de repartir en campagne et tout à fait serein quant à la suite des choses.

«Ce sera vraisemblablement sa dernière campagne provinciale, de toute façon, dit un membre important de son gouvernement. S'il gagne majoritaire ou même minoritaire, il aura été élu premier ministre trois fois et il pourra partir la tête haute. Et s'il perd, la question ne se posera pas de toute façon.»

Ça y est, c'est reparti pour un tour, que vous le vouliez ou non. Le 8 décembre, les Québécois éliront un nouveau gouvernement. D'ici là, les chefs de parti sillonneront de nouveau la province. Notre chroniqueur Vincent Marissal jette un regard sur cette campagne qui aura des effets majeurs sur la scène politique québécoise. À commencer pour les chefs eux-mêmes, qui jouent leur avenir et peut-être aussi celui de leur parti.

 

JEAN CHAREST

Parti : Parti libéral du Québec (PLQ)

Fonction: Chef du PLQ et premier ministre du Québec

Âge: 50 ans, né à Sherbrooke

État civil: Marié, trois enfants

Études et profession: Droit (Université de Sherbrooke) Reçu au Barreau en 1981 - A pratiqué de 1981 à 1984

Expérience politique: Député fédéral conservateur de 1984 à 1998. Ministre à trois reprises. Chef du parti de 1993 à 1998. Chef du PLQ depuis 1998. Premier ministre depuis 2003.

Circonscription: Sherbrooke. Élu depuis le 30 novembre 1998

% du vote dans sa circonscription en 2007: 36,56%. Majorité de 1332voix.

+ Redoutable en campagne et dans les débats. Sa persévérence devant la critique l'a finalement bien servi.

- Donne parfois l'impression de manquer de conviction. Tendance à être condescendant.

Bourdes passées:

Son premier mandat a été parsemé de controverses (écoles juives subventionnées, privatisation du parc du Mont- Orford, le Suroît). Depuis 2007, aucune gaffe notable.

Bon coup: A su mieux s'entourer pour son deuxième mandat, contrôle mieux son message et évite les écueils

Électorat gagné d'avance: Les personnes âgées, les fédéralistes endurcis, l'ouest de l'île de Montréal, l'Outaouais

Électorat qu'il pourrait aller chercher: Les nationalistes déçus de l'ADQ

Électorat qui ne votera jamais pour lui: Les souverainistes convaincus et les adéquistes purs et durs

Défis à surmonter ou écueils à éviter: Éviter la campagne léthargique de 2007. Ne pas effrayer l'électorat avec des annonces controversées.

Scénario idéal pendant la campagne: Une campagne sans surprise dominée par la crise financière. Convaincre l'électorat de la nécessité d'un gouvernement majoritaire expérimenté. S'imposer comme une valeur sûre.

Pire scénario pendant la campagne: Une crise identitaire ou linguistique qui redonnerait du souffle au PQ et à

l'ADQ

Fiche préparée par Karim Benessaieh