Depuis trois ans, la moitié des directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints des centres de services scolaires ou des commissions scolaires ont été remplacés. Un sauve-qui-peut semblable à ce que l’on voit du côté des maires ? Leur association assure qu’il s’agit essentiellement de départs à la retraite, mais que les bons candidats pour les remplacer à cet emploi très intense se font rares.

Ce qu’il faut savoir

  • Il y a un jeu de chaises musicales très intense à la haute direction des centres de services scolaires et des commissions scolaires.
  • En cause, en bonne partie : les départs à la retraite.
  • En conséquence, ces organisations – dont les budgets sont plus élevés que ceux de bien des municipalités – sont gérées par des administrateurs peu expérimentés.

Depuis l’abolition des élections scolaires en 2020, le poste de directeur général est plus que jamais névralgique dans les centres de services scolaires. Leur organisation gère des centaines de milliers de dollars, voire jusqu’à 1,2 milliard dans le cas du centre de services scolaire de Montréal.

Quand les élus des centres de services scolaires ont disparu du paysage en 2020, les directeurs généraux ont été appelés du jour au lendemain à assumer une partie de leur rôle.

En plus de leurs tâches de gestion – qu’ils accomplissaient jusque-là essentiellement dans l’ombre –, ils ont été appelés à jouer un rôle plus politique.

Du moins sur papier, ils doivent aussi agir comme porte-parole et porteur de ballon des centres de services scolaires sur la place publique, ce que faisaient avant les présidents de chaque commission scolaire.

« Si une personne n’est pas prête à travailler 70 heures par semaine, ça ne vaut même pas la peine qu’elle pense poser sa candidature. Il faut être prêt à répondre aux appels du ministre la fin de semaine. C’est du 7 jours sur 7 », résume Normand Lessard, secrétaire général de l’Association des directions générales scolaires du Québec.

Sur le site de cette association, les offres d’emploi sont nombreuses.

Nombreux nouveaux

En fait, depuis la rentrée du mois d’août, 22 directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints ont été nommés dans l’une ou l’autre des 72 organisations scolaires, indique M. Lessard.

Dans la plupart des cas, il s’agit de départs à la retraite, mais certains sont partis gérer d’autres organisations, comme des cégeps, explique M. Lessard.

Certains des postes pourvus l’ont été par des directeurs généraux provenant d’un autre centre de services scolaire, mais beaucoup de nouveaux venus sont arrivés.

En tout, « 37 % des directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints ont moins de trois ans d’expérience », fait observer M. Lessard.

Cela étant, il indique que l’association qu’il représente multiplie les initiatives pour épauler ces gestionnaires dans leur apprentissage des meilleures pratiques.

Les postes vacants finissent par être pourvus, parfois après un deuxième affichage, explique M. Lessard, qui note que les candidats avec les compétences requises ne se bousculent pas au portillon.

Des fonctions « difficiles »

Jean Bernatchez, professeur de sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski, constate lui aussi que les fonctions de directeur général ou de directeur général adjoint sont difficiles.

Parce qu’ils ont dû gérer une pandémie, mais aussi parce qu’ils se retrouvent, à son avis, dans une position particulièrement inconfortable depuis décembre.

M. Bernatchez évoque la loi votée en décembre 2023 qui permet désormais au gouvernement Legault de limoger les directeurs généraux et de casser leurs décisions.

Ils assumaient déjà très peu leur rôle de porte-parole de leur organisation et prenaient déjà très peu la parole pour défendre des enjeux locaux, dit M. Bernatchez, mais depuis cette loi, ils se retrouvent « plus que jamais sous la lorgnette du ministre » et n’ont aucune envie de prendre position sur la place publique.

Normand Lessard ne cache pas que parmi les directeurs généraux, « il y en a qui sont plus nerveux » à l’idée de faire des sorties publiques.

« On leur rappelle que selon la loi, ce sont eux, les porte-parole. »

Mais dans la mesure où le directeur général est « nommé, évalué et peut être suspendu par le ministre [de l’Éducation], ajoute M. Lessard, le rôle de porte-parole est à redéfinir ».

Simon Viviers, professeur à l’Université Laval, à la faculté des sciences de l’éducation, fait valoir que les directions générales « ont des responsabilités importantes, mais pas de marge de manœuvre, de latitude décisionnelle » et que cela, en soi, alourdit leur fardeau.

Interpellé au sujet des nombreux départs à la tête des organisations scolaires, le cabinet de Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, n’a pas répondu.