(Québec) La bataille politique se déplace sur le terrain juridique : les universités McGill et Concordia contestent devant la Cour supérieure du Québec la nouvelle politique du gouvernement Legault relative aux droits de scolarité imposés aux étudiants provenant des autres provinces canadiennes et de l’étranger.

Dans des recours distincts, mais similaires déposés vendredi, les deux institutions anglophones de Montréal demandent au tribunal de suspendre l’application de cette politique puis de se prononcer sur le fond de la question.

McGill et Concordia invoquent les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, alléguant que la nouvelle politique est discriminatoire. Le gouvernement enfreint l’égalité entre francophones et anglophones et fait fi de sa responsabilité de protéger la minorité anglophone du Québec, selon les deux universités.

McGill plaide que la nouvelle politique résulte « d’un exercice déraisonnable du pouvoir conféré à la ministre de l’Enseignement supérieur », Pascale Déry. Les mesures annoncées en décembre sont selon elle « incompatibles avec la mission dont la ministre est investie en vertu de la Loi sur l’enseignement supérieur ». Elles ont été adoptées « sans consultation en bonne et due forme et au terme d’un processus inéquitable », soutient-elle.

Elle ajoute que les nouveaux droits de scolarité constituent « une taxe déguisée et illégale, imposée sans l’autorisation de l’Assemblée nationale ». Ils créent également « des obstacles inconstitutionnels au commerce interprovincial, limitant dès lors la mobilité des étudiants et étudiantes, le choix de leur université et l’accès à l’éducation ».

Concordia relève aussi « de nombreux aspects de la politique qui violent des principes fondamentaux du droit administratif ainsi que les chartes canadienne et québécoise ».

« Le gouvernement a considérablement augmenté les droits de scolarité, mais uniquement pour les étudiants d’autres provinces qui fréquentent une université anglophone, et il a imposé une nouvelle structure tarifaire aux étudiants étrangers, laquelle aura des conséquences financières néfastes et disproportionnées pour les universités anglophones », écrit le recteur Graham Carr dans un message envoyé à la communauté de Concordia.

« Le gouvernement déstabilise notre plan de recrutement, est en train d’affaiblir notre université et de réduire nos revenus, ce qui va nous mettre dans une situation financière précaire, affirme M. Carr en entrevue. J’ai essayé d’agir contre ça, mais sans grand succès. Alors maintenant, nous sommes rendus là où il nous semble que le recours juridique est notre dernier recours. »

Il se dit déçu d’avoir à en arriver là et affirme que la décision n’a « pas été prise à la légère ».

« Comme université anglophone, université d’une communauté minoritaire, le gouvernement a une responsabilité de tenir compte et prendre en considération les valeurs de notre établissement et être en mesure de s’assurer que quand il fait des nouvelles politiques, il cause le moins de tort possible à nos établissements et nos institutions. Malheureusement, on a l’impression qu’il s’est appliqué à faire tout le contraire avec la politique qui a été annoncée. »

La ministre Pascale Déry s’est refusé à tout commentaire « puisque le dossier est judiciarisé ».

En vertu de sa décision annoncée en décembre, les droits de scolarité passeront de 9000 $ à 12 000 $ par an pour les étudiants canadiens non résidents du Québec, dès l’automne prochain. C’est une augmentation de 33 %, moins élevée que celle envisagée au départ par Québec. Cette mesure touche McGill et Concordia – Bishop’s bénéficie d’une forme d’exemption. Les étudiants du reste du Canada qui vont étudier dans une université francophone continueront de payer 9000 $.

L’argent supplémentaire récolté auprès de cette clientèle de McGill et de Concordia servira à mieux financer les universités francophones.

Pour les étudiants étrangers, Québec a décidé de fixer un tarif plancher de 20 000 $, somme sur laquelle il percevra environ 3000 $. Là encore, la cagnotte sera redistribuée aux universités francophones.

Un comité consultatif du gouvernement a émis un avis défavorable au sujet de cette nouvelle politique de tarification.

Le gouvernement Legault a justifié sa nouvelle politique en disant qu’il faut rééquilibrer le financement des universités francophones et anglophones et qu’il est nécessaire de freiner le déclin du français à Montréal. « Quand je regarde le nombre d’étudiants anglophones au Québec, ça menace la survie du français », disait le premier ministre François Legault l’automne dernier. « Il y a une question d’équité, ajoutait-il. Les contribuables québécois n’ont pas à payer pour la formation d’étudiants qui sont à l’extérieur du Québec. »