(Québec) La hausse de 33 % des droits de scolarité payés par les étudiants du reste du Canada qui viennent fréquenter les universités McGill et Concordia « semble peu justifiée et risque de compromettre l’accès à une éducation de qualité et de priver la société de talents potentiels », soutient un comité chargé de conseiller la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Le Comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études a diffusé le 19 janvier un « avis défavorable » relativement à la nouvelle tarification adoptée par le gouvernement Legault. Pascale Déry n’a pas rendu public cet avis à ce jour.

« Le Comité invite à réévaluer cette tarification pour préserver l’égalité des chances et favoriser un environnement éducatif inclusif et diversifié. Bien que la nécessité de financer l’éducation soit indiscutable, il est impératif de trouver des solutions qui n’affectent pas négativement l’accessibilité, la diversité et l’attrait des institutions éducatives québécoises », écrit le président du comité, Éric Tessier, directeur des affaires étudiantes au Cégep de Salaberry-de-Valleyfield.

The Globe and Mail signalait d’ailleurs mercredi que les demandes d’admission aux universités McGill et Concordia déposées par des étudiants d’autres provinces canadiennes avaient chuté de 22 % et 27 % respectivement par rapport à l’an dernier. Les deux universités anglophones attribuent cette baisse à la nouvelle tarification annoncée par Québec en décembre. « C’est sûr que ça a un effet, a reconnu Pascale Déry lors d’une mêlée de presse au parlement. On est arrivés avec des politiques qui ont vraiment ébranlé un peu l’ordre établi, comme on dit. Donc c’est clair que je m’attendais à une baisse du nombre d’étudiants. »

La ministre a décidé en décembre que les droits de scolarité passeront de 9000 $ à 12 000 $ par an pour les « étudiants canadiens non-résidents du Québec », dès l’automne prochain. Cette mesure touche les universités anglophones McGill et Concordia – Bishop’s bénéficie d’une forme d’exemption. Les étudiants du reste du Canada qui vont étudier dans une université francophone continueront de payer 9000 $.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Pascale Déry

« Le Comité s’interroge sur l’établissement de ce montant » de 12 000 $, peut-on lire dans son avis. « Il aurait souhaité avoir plus de détails concernant le rationnel sur lequel repose l’établissement de ce nouveau tarif. »

Il aurait été préférable, selon lui, de continuer de fixer des droits de scolarité pour les étudiants du reste du Canada se rapprochant de la moyenne des droits moyens observés dans les autres provinces. Cette moyenne s’élève à 7800 $, signale-t-il dans son rapport. Il déplore que « le principe de fixer les droits en fonction de la moyenne des droits au Canada [ne soit] pas respecté ».

« L’augmentation des droits de scolarité risque de rendre l’éducation postsecondaire au Québec moins accessible pour les Canadiens non résidents », ajoute-t-il.

La hausse annoncée par Québec « va non seulement impacter l’accessibilité financière aux études, mais aussi risque de remettre en question le principe de la loi visant à limiter à 3 % l’indexation de plusieurs tarifs gouvernementaux, notamment l’indexation des droits de scolarité, et ce, jusqu’en 2026-2027 », observe le comité.

Il espère que son avis « contribuera à une réévaluation de la décision actuelle ».

Or, Pascale Déry ne révisera pas sa position. Son cabinet plaide que la nouvelle tarification a été adoptée officiellement le 15 janvier et que le Comité a soumis son avis le 19 janvier, avec quatre jours de retard. « Il n’a pas respecté le délai prescrit », plaide-t-il.

La ministre lui avait donné 30 jours, à partir du 14 décembre, pour produire son avis, « conformément à la loi » sur le ministère de l’Enseignement supérieur. Cette loi l’oblige à solliciter l’avis du comité lors d’une modification aux droits de scolarité. La ministre doit accorder au comité un délai qui « ne peut être inférieur à 30 jours » pour donner son opinion, selon la loi.

Pascale Déry a répondu que le gouvernement n’est pas obligé de suivre les recommandations du comité. « Ça ne change rien aux mesures, et on va avancer avec ces mesures-là », a-t-elle réagi. La ministre a ajouté que le comité ne tient pas compte de l’ensemble des « considérations » du gouvernement derrière sa décision.

Le comité consultatif sur l’accessibilité financière aux études est composé de 16 membres nommés par le gouvernement après consultation auprès de différents groupes. Sept membres sont des étudiants, cinq occupent des fonctions administratives dans des universités et des cégeps, trois représentent des groupes socio-économiques et un est enseignant. Un représentant du Ministère fait partie du comité.

À l’heure actuelle, selon le site web du Ministère, le comité compte seulement sept membres, dont un seul étudiant. Il y aurait donc neuf postes vacants.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse