Tout récemment entré en fonction, le protecteur national de l’élève, Jean-François Bernier, dit avoir été surpris de recevoir autant de plaintes ou de signalements de violence à caractère sexuel. Jusqu’ici, 14 % de l’ensemble des plaintes ou signalements qui ont été reçus à son bureau sont de cet ordre.

« Je me serais attendu à un peu moins » que cela, dit en entrevue M. Bernier.

Son bureau en est donc à 57 plaintes ou signalements en matière de violence sexuelle, qui s’ajoutent à 359 autres plaintes ou signalements relatifs aux services scolaires.

Le Protecteur national de l’élève est le tout nouvel organisme qui a été créé en août – parmi d’autres mesures adoptées par le gouvernement Legault – après plusieurs cas troublants dans les écoles.

L’affaire de l’école Saint-Laurent, à Montréal, où trois entraîneurs de basketball ont été accusés de crimes sexuels sur des mineures qui se seraient déroulés pendant plusieurs années, a particulièrement fait réagir.

À l’heure actuelle, il est trop tôt, indique le protecteur national de l’élève, pour préciser dans quelle proportion les auteurs présumés des actes de violence à caractère sexuel sont des membres du personnel ou des élèves (parmi les plaintes reçues depuis août 2023).

M. Bernier insiste sur le fait que son organisme ne peut pas assumer le rôle de la police et de la DPJ sur ces questions.

Il explique que rapidement, on demande à la victime potentielle – ou au témoin – si sa démarche auprès du Protecteur est la première qu’elle entreprend. Si tel est le cas, dit-il, il a « l’obligation légale d’appeler la DPJ » qui, de son côté, au besoin, contactera la police.

M. Bernier précise que lorsqu’une personne communique avec son bureau sur ces questions, on lui dit assez rapidement, après l’avoir écoutée, de ne pas « entrer trop dans les détails », que le rôle du Protecteur n’est ni celui d’un psychologue ni celui d’un travailleur social.

Son rôle à lui ? De savoir si la direction de l’école est au courant, de l’aviser au besoin et de s’assurer que l’établissement « gère correctement » la situation. Concrètement, cela signifie par exemple que « l’auteur présumé pourra être suspendu au moins quelques jours », le temps que des vérifications soient faites.

Il peut arriver aussi, indique M. Bernier, que la personne qui a interpellé le Protecteur national de l’élève préfère elle-même être retirée de l’école quelque temps.

Jusqu’à maintenant, assure le protecteur national de l’élève, la collaboration avec les directions d’école à la suite de ce type de plaintes ou de signalements est très bonne.

L’accueil est très positif. On nous voit comme des gens qui les aident à trouver des solutions.

Jean-François Bernier, protecteur national de l’élève

Très tôt après son entrée en poste en 2023, M. Bernier explique avoir rencontré les représentantes de l’organisme La voix des jeunes compte. « Elles disent que quand elles font une dénonciation, elles sont laissées dans l’ignorance par la suite, elles ne savent plus ce qui se passe. La police, l’école ne leur disent plus rien. Je trouve qu’il y avait un vide là qu’on pouvait peut-être aider à combler. »

Un ombudsman autonome et externe

Il est important de noter que les plaintes ou signalements d’actes de violence à caractère sexuel ne sont pas les seuls que le Protecteur national de l’élève peut recevoir. Ombudsman de l’éducation au Québec, l’institution est autonome et indépendante du réseau scolaire. Son mandat est de protéger les droits des élèves et de leurs parents en leur permettant d’exprimer leurs insatisfactions envers les services qu’ils reçoivent de leur école publique ou de leur école privée, de leur centre de services scolaire ou de leur commission scolaire.

Le Protecteur national de l’élève peut donc recevoir des plaintes qui portent sur des questions de redoublement (contesté ou souhaité) ou des enjeux concernant des élèves qui ont des difficultés ou des besoins particuliers. Cela peut aussi être des préoccupations au sujet des plans d’intervention d’élèves, par exemple.

Par contre, les retards scolaires liés aux grèves récentes ne sont pas de son ressort, répète-t-il, puisqu’il s’agit d’un conflit de travail.

Quant aux représailles que peuvent craindre parents ou élèves en présentant une plainte ou un signalement, M. Bernier assure que le législateur a pris cette question très au sérieux. Des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 $ sont prévues si cela survenait.

En outre, précise M. Bernier, « le fardeau de la preuve est renversé ». Si un élève était expulsé après une plainte, ce serait à l’école de prouver que ça n’a rien à voir. M. Bernier indique que son bureau a étudié jusqu’ici deux dossiers où il y avait des allégations de représailles.

Une notoriété à construire

À la suite d’une demande d’accès à l’information, La Presse a obtenu copie d’un sondage commandé à la firme SOM par le Protecteur national de l’élève. Cette étude de notoriété conclut que « seulement 2 % des Québécois arrivent à nommer précisément le Protecteur national de l’élève », mais que « lorsqu’on inclut les réponses qui s’en rapprochent », sa « notoriété spontanée » s’élève à 7 %.

Étant donné que le Protecteur national de l’élève n’a été créé qu’en août, pourquoi déjà un sondage de notoriété ? Jean-François Bernier explique qu’il s’agissait pour lui de prendre une première mesure, un deuxième sondage étant prévu après une campagne de promotion du Protecteur de l’élève qui débute ces jours-ci.

Les deux sondages auront coûté 8500 $. Le reste du contrat de 50 000 $ accordé à la firme SOM « servira à payer de la consultation, de l’expertise en consultation et des sondages subséquents, et ce, dans les trois prochaines années », a précisé Pier-Olivier Fortin, conseiller en communication au bureau du Protecteur national de l’élève.

Comment contacter le Protecteur national de l’élève ?

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse